Lors d'un récent débat, rapporté par Le Spécialiste, l'Absym a réuni médecins et politiques pour débattre du rôle des spécialistes extramuros, dans un contexte de tensions croissantes entre soins intra et extrahospitaliers.
« Les pratiques intra et extramurales sont complémentaires », défend le Dr Patrik Emonts. « Il ne faut pas que les politiques gouvernementales délaissent l’extramuros, car ces deux approches contribuent ensemble à la santé publique. » En consultation externe, loin des hôpitaux, certains spécialistes prennent en charge des patients qui n'iraient pas en milieu hospitalier. « Contrairement aux clichés, l’extramuros n’est pas un secteur venal par nature », ajoute-t-il. Il s’insurge contre la perception que ces médecins se détachent des hôpitaux pour « se remplir les poches », rappelant que « quelques brebis galeuses ne devraient pas salir l’image de toute la profession ».
L’impératif économique du déconventionnement
Les spécialistes extramuros se retrouvent pourtant souvent déconventionnés, par nécessité économique plus que par choix. « On ne peut pas fonctionner aux tarifs de la Convention », explique le Dr Emonts. « Les frais de fonctionnement sont trop élevés. Si rien ne change, la majorité des médecins hors hôpital devront rester déconventionnés pour survivre. » Le médecin, c’est quelqu’un qui aime les gens et les soigne. Il s’occupe des patients avec son cœur, pas avec son portefeuille.» «Nous voulons faire de la médecine de qualité dans un climat de transparence», ajoute le gynécologue liégeois. «Il faut savoir à quoi sert le financement tant en intramuros qu’en extramuros. La médecine extramurale joue aussi un rôle important en termes de santé publique.»
Soutien politique pour les pratiques extramuros
Kathleen Depoorter, députée de la N-VA, apporte un soutien aux pratiques extramuros. « Nous voulons continuer à les soutenir, même si certains partis qui se trouvent autour de la table des négociations ne le veulent pas du tout. Ils veulent financer les polycliniques et rendre ainsi plus difficile la création des cabinets extra-muros.. » Elle déplore aussi le mépris dont font l'objet les médecins dans le débat public, se disant « exaspérée par les discours qui les accusent de gagner trop d’argent ». Elle rappelle que « tous les médecins, qu’ils soient en hôpital ou en extramuros, méritent de pouvoir vivre de leur pratique », tout en soulignant la nécessité de réguler la qualité des soins pour éviter « une médecine à deux vitesses ». À cette fin, la N-VA propose un remboursement des actes en extramuros comparable à celui pratiqué en hôpital, ajoutant qu’il faut « oser s’attaquer aux vaches sacrées » du système.
Un système de remboursement plus équilibré ?
Le Dr Marianne Mertens attire l’attention sur les coûts plus élevés associés aux actes extramuros, où les besoins en personnel et en matériel sont souvent plus importants qu’en hôpital. Kathleen Depoorter confirme que des discussions sont en cours pour « corriger ce déséquilibre ». « Notre proposition », précise-t-elle, « est de facturer ces coûts supplémentaires en euros et de rendre le remboursement identique pour des pratiques similaires, que le soin soit réalisé en hôpital ou en extramuros. »
En tant que médecin généraliste, le Dr Elodie Brunel constate que de nombreux spécialistes exercent en même temps à l’hôpital et en dehors. «C’est très bien et cela doit continuer à exister. Rappelons que les médecins généralistes sont les enfants pauvres du système puisqu’ils financent eux-mêmes leurs cabinets de groupe sans aucun financement spécifique. La majorité des médecins généralistes restent conventionnés pour pouvoir garantir l’accessibilité des soins.
Médecins généralistes et spécialistes extramuros: une situation commune
Il est important que la question du financement des infrastructures fasse l’objet de discussions pour les spécialistes extramuros et les généralistes.» Le Dr Blanckaert, Président de l'ABSyM est sur la même longueur d'onde: «Il faut un cadre général, que ce soit en soins primaires ou en médecine spécialisée. Depuis cinq ans, le mot 'extra-muros' figure dans tous les documents officiels. Auparavant, seul le spécialiste hospitalier existait. Grâce au Covid, nous savons aujourd'hui que nous avons 10.000 spécialistes extra-muros, soit un tiers du total des spécialistes!
Contraintes hospitalières et alternatives extramuros
Pour Gilbert Bejjani, vice-président de l’Absym, le choix d’exercer en extramuros est souvent lié aux contraintes de l’hôpital. « Le milieu hospitalier est devenu trop contraignant, avec des pressions constantes et des rétrocessions, ce qui pousse de nombreux médecins à chercher une alternative pour garantir leur survie. »
Le Dr Patrick Zygas, représentant du MR, note que la technologie permet à des spécialistes de réaliser des actes techniques dans leurs cabinets, évitant au patient des démarches hospitalières. « Par exemple, un chirurgien de l’épaule peut faire une échographie en cabinet, sans détour par l’hôpital. Les rétrocessions hospitalières détournent certains médecins de l'hôpital. » En outre, certains hôpitaux demandent aux médecins de facturer via la perception centrale leurs consultations. L’hôpital retient au maximum 6% sur le montant et paie trois mois après la prestation. En privé, le spécialiste perçoit directement ses honoraires. Cela fait une différence.»
«C'est notamment ce double paiement qui est vraiment ennuyeux. Via la perception centrale, le médecin paye une nouvelle fois des frais au gestionnaire», pointe le président de l’Absym. «C'est le comportement des hôpitaux qui fait fuir les médecins.»
Un besoin de coopération pour garantir les soins hospitaliers
La députée Depoorter met en garde : «Nous devons veiller à ce qu'il y ait encore suffisamment de spécialistes dans les hôpitaux pour que nous puissions continuer à travailler de manière organisée. C'est pourquoi nous devons conclure des accords de coopération par l'intermédiaire du conseil médical et de la co-gouvernance, et ensuite vous avez les pratiques extra-muros qui créent une forme d'accord de coopération afin que, par exemple, le service de garde soit doté d'un personnel adéquat. Ce n'est que par le dialogue que l'on peut amener tous les acteurs des soins de santé à travailler ensemble.»
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