C’est ce qu’indique le Groupement belge des omnipraticiens (GBO) dans un courrier adressé au Conseil national de promotion de la qualité (CNPQ), dénonçant une mise en œuvre biaisée des indicateurs de meilleure prescription des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP). L’organisation insiste sur la nécessité de revoir ces indicateurs et de réformer la politique d’assurance de qualité à l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (INAMI).
En décembre dernier, le Service d’évaluation et de contrôle médicaux (SECM) a introduit deux indicateurs visant à réduire l’usage prolongé et potentiellement inutile des IPP. Le GBO reconnaît la pertinence de cet objectif mais critique la confusion entre les fonctions d’évaluation et de contrôle, qui se retrouvent entre les mains d’un même organe. Il préconise une séparation nette entre ces rôles :
-
Le SECM devrait se limiter à une mission de contrôle.
-
L’évaluation des pratiques devrait être confiée soit à la commission des profils, soit à une chambre évaluative du CNPQ.
Des indicateurs inadaptés
Le GBO souligne plusieurs lacunes dans les rapports envoyés aux médecins généralistes. L’indicateur clé – le pourcentage de patients ayant reçu une prescription d’IPP – évolue dans le sens souhaité d’une diminution de la prescription. Or, cette information n’est pas mentionnée dans le rapport du SECM, "un manque de communication qui avait déjà été relevé pour le rapport antibiotique."
De plus, l’influence des facteurs socio-économiques sur la prescription d’IPP est ignorée. La prévalence des troubles liés à l’acidité gastrique est plus élevée dans les populations précarisées, mais les indicateurs actuels ne tiennent pas compte du profil des patientèles, ce qui expose les médecins exerçant en milieu défavorisé à des évaluations inappropriées.
Une analyse insuffisante des déterminants de la prescription
Les dépenses annuelles en IPP sont stables autour de 100 millions d’euros, avec une légère hausse en 2023 qui pourrait s’expliquer par la croissance démographique et l’inflation. Le GBO estime que les dépenses par habitant, en euros constants, diminuent, contredisant le discours alarmiste du SECM.
Le syndicat regrette également l’absence d’analyse des disparités entre médecins généralistes. L’identification de sous-populations parmi les prescripteurs aurait permis une meilleure compréhension des déterminants de la prescription (différences régionales, pratiques en groupe versus isolées, zones urbaines versus rurales). Sans ce travail d’analyse, toute tentative d’incitation à la modification des comportements risque d’être inefficace.
Un bénéfice incertain pour les patients
Le GBO exprime des doutes quant à l’impact de cette politique sur la santé des patients les plus vulnérables. Si l’usage des IPP sur le long terme présente certains effets secondaires, l’incitation à leur déprescription pourrait se traduire par un recours accru à des traitements alternatifs non remboursés, sans bénéfice avéré pour la santé publique. "La réduction des dépenses de l’INAMI pourrait donc se faire au détriment des patients, avec une accessibilité aux soins amoindrie."
Une réforme indispensable
Le GBO insiste sur la nécessité d’une réforme en profondeur de la politique d’assurance qualité à l’INAMI. Il appelle à une séparation claire entre évaluation et contrôle, à une meilleure prise en compte du contexte socio-économique des patients et à une analyse plus fine des déterminants de la prescription. Et de citer le professeur R.Groll qui distinguait l’assurance de qualité et le contrôle, en précisant que "le contrôle, c’est jeter les pommes pourries et l’assurance de qualité, c’est faire en sorte que les pommes ne pourrissent pas."
Le syndicat se dis prêt à collaborer avec les instances concernées pour garantir une approche plus équilibrée et efficace de l’optimisation de la prescription des IPP.
> Découvrir le courrier envoyé au CNPQ
Lire aussi : L’INAMI introduit de nouveaux indicateurs pour encadrer la prescription des IPP