Le CD&V accepterait une prolongation de la limite gestationnelle maximale de l'avortement de 12 semaines actuellement à 14, soit quatre de moins que ce qu'a proposé dernièrement, et a minima, le comité scientifique chargé d'évaluer la législation et la pratique. L'information, dévoilée lundi par le quotidien Het Laatste Nieuws, a été confirmée à Belga.
Une proposition de loi PS, cosignée par des députés de huit partis (socialistes, libéraux, écologistes, DéFI et PTB), réclame de longue date l'extension à 18 semaines, mais le CD&V, la N-VA et le Vlaams Belang s'y opposent.
Le gouvernement fédéral, au sein duquel le CD&V est isolé sur ce point, avait convenu d'attendre le rapport d'un comité scientifique avant de poursuivre le travail au Parlement. Ce rapport est tombé le 10 mars dernier. Il recommande une prolongation au minimum jusqu'à 18 semaines post-conception.
Le document doit être discuté ce mardi en commission Justice de la Chambre, mais la députée CD&V Els Van Hoof a déjà dit que son parti ne serait pas d'accord d'aller au-delà de 14 semaines, sauf s'il est question de viol ou d'inceste.
Pour la députée, cette limite va dans l'intérêt "tant de la femme que de la vie non-née" et est en ligne avec "plusieurs raisons objectives et scientifiques" du rapport. Elle affirme ainsi qu'un avortement après 14 semaines devrait être opéré via une procédure médicale invasive au lieu d'un curetage par aspiration, qu'un fœtus développerait une perception de la douleur à partir de 15 semaines et que 57% des femmes qui souhaitent actuellement un avortement après 12 semaines seraient aidées par l'extension à 14 semaines.
Dans le même temps, les chrétiens-démocrates flamands demandent que la contraception de longue durée - un stérilet, par exemple - soit gratuite pour tout le monde.
Quant au délai de réflexion de la patiente entre la première consultation et l'IVG elle-même, qui est actuellement de six jours et que le Comité scientifique propose de supprimer, le CD&V accepterait de le réduire à 48 heures comme l'envisage la proposition de loi.
Autre sujet de débat, le CD&V maintient son refus de sortir l'avortement du code pénal, là où le comité d'experts recommande de décriminaliser explicitement l'obtention ou la pratique d'une IVG en violation de la loi. Le CD&V fait aussi valoir que la viabilité d'un fœtus se situe désormais autour de 20 semaines selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
La co-présidente de Groen Nadia Naji a été la première à réagir, jugeant "insuffisante" l'ouverture du CD&V à une extension à 14 semaines. "Nous voulons une politique fondée sur la science, pas sur les sentiments instinctifs d'un parti qui considère qu'une opinion doit l'emporter sur l'avis des experts", a-t-elle dit. Groen juge toutefois positif de voir la position du CD&V "évoluer", même s'il n'existe pas à ses yeux d'argument valable pour se départir d'un consensus scientifique.
La députée Ecolo Séverine de Laveleye est allé dans le même sens, réclamant de ne pas prendre le rapport des experts pour une "shopping list". Chez Vooruit aussi, l'avancée n'est pas jugée suffisante. La cheffe de groupe Melissa Depraetere rappelle que des femmes en Belgique doivent encore se rendre aux Pays-Bas pour avorter après 12 semaines dans des conditions sûres.
Pour l'Open Vld Robby De Caluwé, l'ouverture du CD&V est "un pas dans la bonne direction" vers un assouplissement de la législation, même si les 18 semaines devraient être autorisées.
La proposition du CD&V "montre peu de respect pour le travail très fouillé des experts. Et si on laissait le choix aux femmes?", demande pour sa part la cheffe de groupe PTB Sofie Merckx. Le Vlaams Belang, de son côté, a considéré que le CD&V "se couchait" en infléchissant son opposition à toute prolongation, alors qu'il en faisait un point de rupture en début de législature.
La députée des Engagés Catherine Fonck indique quant à elle qu'elle souhaite "d'abord entendre les experts" ce mardi en commission au sujet de l'extension de l'IVG sans raison médicale à 18 semaines, considérant que "c'est le point le plus délicat". Catherine Fonck se dit par ailleurs "favorable à faire évoluer la législation notamment sur la suppression de toute sanction pour les femmes, et sur la réduction du délai de réflexion".
Quant au PS Patrick Prévot, porteur de la proposition, il souligne "la toute nouvelle méthode de travail, qui a permis de dépassionner et dépolitiser le débat, qui fut âpre, entre progressistes et conservateurs. Cette fois, nous sommes au-delà, il y a une caution scientifique, académique, qui doit nous permettre d'avancer ensemble en faveur des droits des femmes, sous cette législature", commente-t-il au Soir.