J’ai pris connaissance avec sidération du compte-rendu d’un « débat » sur les mutualités tenu lors du symposium de l’Absym du 12 octobre. ( Le Spécialiste # 226) À défaut, en tant que mutualiste, d’avoir pu donner la réplique à un « débat » non contradictoire auquel j’aurais volontiers participé, je profite de cette tribune pour donner un autre éclairage sur le rôle des mutualités et corriger certaines « fake news ».
Commençons par les rectifications d’affirmations manifestement erronées. Il importe peu qu’elles soient dues à l’ignorance ou à la manipulation. Il est regrettable que des mandataires politiques utilisent l’un ou l’autre pour arriver à leurs fins. Contrairement à ce qui a été dit, les mutualités publient bien leurs comptes à la Banque Nationale. Si vous avez la curiosité de les consulter, vous verrez d’ailleurs que leurs comptes sont dans le rouge, résultat des coupes budgétaires successives de ces dernières années. Et non, « elles ne gèrent pas leur argent comme elles veulent sans avoir de compte à rendre ». Leurs placements sont régis par des règles strictes de l’Office de Contrôle des Mutualités. Elles sont contrôlées par leurs instances, leurs réviseurs, l’Office de Contrôle des Mutualités et l’INAMI. Par ailleurs, 20 % de leur dotation (1,25 milliard, enfin une information correcte) dépend d’indicateurs de gestion portant, entre autres, sur le respect de la législation, la qualité des dossiers, leurs actions en matière de prévention, le transfert de données aux autorités de tutelle, la robustesse du contrôle interne ou encore l’accompagnement des personnes en incapacité de travail. Il est donc tout aussi faux et démagogique d’affirmer que « les mutuelles profitent du fait que leurs affiliés restent malades ».
Je lis encore que les mutualités disposent « d’une voix disproportionnée » dans le modèle de concertation. Curieuse manière de présenter un système paritaire où les prestataires de soins et les mutualités ont une représentation égale au Comité de l’Assurance et dans les différentes commissions. It takes two to tango, ce qui nous incite, prestataires et mutualités, à combiner nos expertises et nos priorités pour faire évoluer les soins de santé en prenant en compte l’intérêt des patients, des prestataires et la durabilité du système. Nous l’avons encore démontré récemment lors du processus budgétaire 2025 en déposant un projet de budget équilibré et responsable qui a été écarté d’un revers de la main pour des raisons bassement politiciennes.
J’entends ici et là des voix s’élever pour un contrôle politique renforcé sur l’Assurance Maladie, voire une reprise des activités des mutualités par l’administration. À ceux qui prêchent pour cette orientation, qu’ils se préparent à des lendemains qui déchantent. D’abord parce que la classe politique, encore récemment, démontre combien elle méconnaît les réalités du secteur et peut se laisser guider par des considérations éloignées de l’intérêt général. Ensuite, soyons sérieux un instant. Le secteur mutualiste gère plus ou moins 50 milliards de dépenses, compétences fédérales et régionales confondues. C’est trois fois plus que le secteur des assurances non-vie en Belgique. Ce sont plus de 2 milliards de transactions échangées par an avec les prestataires, 250 000 contrôles pour les soins de santé, 500 000 consultations pour l’incapacité de travail, 4 millions d’accords médicaux, etc. Veut-on raisonnablement se lancer dans une aventure semblable à celle de la 6e réforme de l’État, qui a monopolisé le secteur pendant 10 ans sans aucune valeur ajoutée ?
D’autres souhaitent supprimer les assurances mutualistes complémentaires couvrant, par exemple, les soins hospitaliers ou les soins dentaires. Je les invite à communiquer de manière transparente à la population l’addition qu’elle devrait supporter si tout était laissé aux mains des assureurs privés.
Pour rassurer ceux qui lisent ces lignes et qui pourraient craindre un réflexe corporatiste, je dirais qu’il y a certainement trois points nécessitant une action concernant le secteur mutualiste. D’abord, l’instrumentalisation de certaines mutualités à des fins politiques. En tant que mutualité apolitique, nous avons toujours dénoncé le fait que les mutualités soient utilisées comme porte-voix et porte-affiche pour l’un ou l’autre parti. Ensuite, les contours de l’assurance complémentaire : le remboursement des saunas est une légende urbaine, mais à l’heure où les moyens se font rares, on peut se poser la question de la pertinence du remboursement de certaines prestations de confort ou de médecines alternatives. Enfin, même si le secteur a connu de nombreuses fusions ces dernières années, il est souhaitable qu’il se consolide davantage, tout en maintenant un niveau de concurrence qui assure son dynamisme.
Comme le dit l’adage : « Il ne faut pas jeter l’enfant avec l’eau du bain ». Et Aristote d’ajouter : « Les grandes décisions se font par la raison et non par le bruit ».
Lire aussi : Faut-il recentrer le rôle des mutuelles? (Débat ABSyM)
Derniers commentaires
Donald Vermer
04 novembre 2024Voila une information claire et pertinente
Et qui plus est avec une touche de philosophie qui manque à nos politiciens
Dr Vermer