Contrôles sur les arrêts maladie : comment le GBO et l’ABSyM réagissent ?

Des contrôles visant les médecins qui prescrivent un nombre anormalement élevé de congés maladie seront instaurés, dans le cadre d’une réforme précisée samedi par le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit). La RTBF a interrogé les syndicats médicaux, qui reconnaissent l’existence d’abus, tout en mettant en garde contre les effets pervers d’un système fondé sur la sanction.

« Certains médecins donnent trop facilement des congés maladie sans se rendre compte de l’impact social », reconnaît le Dr Gilbert Bejjani, président de l’Union des Médecins (ABSyM Bruxelles). Comme d’autres représentants syndicaux, il admet qu’il existe des abus. Mais il s’oppose à toute « sanction automatique et stigmatisante ». Pour lui, « le patient ne choisit pas d’être malade. Et le pénaliser n’est pas la bonne solution ».

Le GBO abonde dans ce sens. « La plupart des incapacités de travail sont légitimes », affirme le Dr Lawrence Cuvelier, président du syndicat. « Il ne faut pas faire une politique basée sur les abus. On défendra évidemment les médecins qui prescrivent de façon justifiée. »

Une réforme à double tranchant

La loi-programme, votée vendredi soir après quatorze heures de discussions, prévoit de comparer les durées et fréquences de certificats pour repérer les « outliers ». Si les comportements ne changent pas, des sanctions financières suivront. Une logique de contrôle qui inquiète les généralistes, déjà confrontés à une charge administrative croissante.

« Il faut ménager la profession », prévient le Dr Cuvelier. « À force de faire des contrôles, certains médecins arrêtent la profession, surtout parmi les jeunes. Les certificats d’incapacité, ce n’est pas notre cœur de métier. Nous sommes là pour soigner. »

Des réalités de terrain très disparates

Un autre point de friction : la difficulté d’appliquer des critères standards à des réalités médicales très hétérogènes. « Une maladie n’est pas la même chez tout le monde », rappelle un médecin interrogé anonymement. « C’est une pratique humaine, pas des calculs. »

« Il y a en effet des différences entre les patientèles. Si vous êtes un médecin traitant qui ne s’occupe que de personnes toxicomanes, par exemple, forcément, vous prescrirez beaucoup plus de méthadone […] que d’autres médecins », souligne le Dr Bejjani.

Pour le Dr Cuvelier, il s’agit d’« une double peine » : « Les plus vulnérables sont en moins bonne santé et donc plus à risque d’être en incapacité de travail. »

Des pistes de solution, mais peu de garanties

Le gouvernement mise aussi sur une responsabilisation élargie, incluant entreprises et mutuelles. Les employeurs devront désormais assumer un tiers du salaire du travailleur malade pendant trois mois (contre un mois actuellement). Quant aux médecins, ils seront encouragés à délivrer des certificats d’aptitude au lieu de certificats d’incapacité.

Une mesure qui suscite des doutes. « Nous sommes sceptiques », confie le Dr Cuvelier. « Dans les petites entreprises, les possibilités de réintégration sont souvent très limitées. Il ne faut pas qu’on fragilise davantage les gens. »

Une transparence encadrée, pas une surveillance punitive

L’échéance du 1er juillet 2025 verra la fin des certificats papier, au profit de certificats électroniques permettant une centralisation automatique des données. Sur ce point, le Dr Bejjani se montre confiant : « Avec les certificats électroniques, les chiffres sortiront automatiquement", précise-t-il. "On a besoin de plus de données, mais ça ne veut pas dire qu’il faut passer plus de temps à les encoder. Il y a des choses qui peuvent se faire avec l’intelligence artificielle, avec des logiciels. »

Si les contours de cette réforme restent encore flous, les deux représentants de la profession s’accordent toutefois sur un point : selon leurs propos relayés par la RTBF, une série de médecins — qui restent une minorité — pourraient se montrer plus prudents à l’avenir dans la rédaction d’incapacités de travail de complaisance.

Lire aussi: 

> Incapacité de travail : "Ce n’est pas au généraliste d’assurer un rôle de contrôle" (Domus Medica)

> Des certificats médicaux limités à trois mois et des sanctions prévues pour les médecins en cas d’abus

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Derniers commentaires

  • Pierre Lemaire

    15 avril 2025

    On a bien vu l'objectivité des certificats médicaux quand des travailleurs ont dit au et fort que les prix de carburant étant devenus rédhibitoire, ils utiliseraient des certificats médicaux pour ne pas se rendre àleur travail...
    C'est dire la facilité avec laquelle on peut se les procurer.
    De source sûre, certains "confrères" rédigent des certificats à la demande, sans voir même le patient qui viendra chercher le saint graal au secrétariat, avec quand même, la tarification d'une consultation à la clé. Ne nous voilons pas la face, il y a des brebis galeuses dans notre profession et il est temps de les identifier et de les empêcher de continuer à ruiner la sécurité sociale