La nouvelle procédure de force majeure médicale, en vigueur depuis un an, pose de sérieux problèmes aux médecins. On peut même parler de désarroi, en particulier à propos des délais imposés avant de pouvoir introduire une demande. La cellule Santé et Bien-Être au Travail de la SSMG écrit aux ministres Pierre-Yves Dermagne (Economie et Travail) et Frank Vandenbroucke (Affaires sociales et Santé publique).
En date du 28 novembre 2022, une modification de l’article 34 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail est intervenue, créant une nouvelle procédure spécifique de rupture de ce dernier pour force majeure médicale. Pour que cette procédure puisse être lancée à l’initiative du travailleur ou de l’employeur, deux conditions doivent être remplies. Il faut que la personne puisse répondre d’une période d’incapacité totale de travail ininterrompue de 9 mois. Il faut aussi que cette personne ne fasse pas déjà l’objet d’un trajet de réintégration au moment de sa demande de bénéficier de la procédure spécifique pour force majeure médicale.
« Dans nos rencontres, aussi bien avec des généralistes de terrain, que des médecins du travail ou des médecins conseils, nous avons constaté un grand désarroi face à deux législations qui se contredisent », explique Mme Carine Morin, coordinatrice du projet « Santé et bien-être au travail » de la SSMG. « Il est indispensable de réfléchir à une solution » ajoute-t-elle.
Dans la réalité, le délai de 9 mois avant de pouvoir demander la procédure pour un patient pose un problème majeur. « Cette disposition bloque certains de nos patients qui pour des raisons relationnelles, psychologiques ou purement médicales, ne pourront plus travailler dans l’entreprise où ils se trouvaient avant la survenue de leur problème », dit le Dr Yves Nyssen, responsable de la cellule. « Je me souviens d’un patient qui avait développé une allergie à un produit donné dans l’entreprise où il travaillait. C’était peu de temps avant la modification de la loi et il a pu changer d’entreprise dans les trois mois. Avec la nouvelle disposition, il aurait été bloqué pendant 9 mois. »
En plus de cette difficulté, il y a contradiction avec l’article 100 de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités. Celle-ci précise, à l’alinéa 4 de son paragraphe 1er, que « pendant les six premiers mois de l’incapacité primaire, ce taux de réduction de capacité de gain est évalué par rapport à la profession habituelle de l’intéressé, pour autant que l’affection causale soit susceptible d’évolution favorable ou de guérison à plus ou moins brève échéance. » Après les six premiers mois, la capacité de gain n’est plus déterminée par rapport au métier exercé mais par rapport à toute autre profession que l’intéressé pourrait exercer compte tenu de sa formation et de son expérience professionnelle. Donc après ce délai, l’incapacité de travail pourrait donc être refusée au motif que la personne pourrait exercer une autre profession que celle exercée pour le moment. Cette personne se verrait alors contrainte de « retourner » chez son employeur car elle n’est plus prise en charge par l’organisme assureur. Elle se retrouverait donc sans revenus alors que le retour au travail chez son employeur est impossible. La seule possibilité qui lui resterait serait d’intenter un recours au tribunal du travail contre la décision du médecin-conseil.
Les auteurs de la lettre estiment en conclusion qu’il a « un intérêt certain à harmoniser les délais entre les deux législations. »
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