Budget des soins de santé, numerus clausus, lutte contre le cancer… , Maggie De Block reste Maggie De Block... , directe: «Les libéraux sont toujours indépendants. Toutes mes décisions se font dans l’intérêt du patient.» Interview-bilan des dossiers chauds de l’été et de la rentrée.
Superbe vue sur le Botanique, bureau bien rangé, air-conditionné raisonnablement branché, Maggie De Block s’exprime lors d’une de ces journées chaudes de l’été. La tête plongée dans les chiffres du budget, elle prend le temps de revenir sur le premier semestre 2016. Les dossiers s’enchaînent sans gêne. Un maître-mot pour elle, la sécurité des patients et des médecins. Pour ces derniers, «il faut trouver une solution technologique qui respecte la vie privée tout en reconnaissant que la sécurité à 100% n’existe pas en ce moment.» Ministre de la Santé publique et des Affaires sociales, ancienne médecin généraliste, elle n’entend évidemment pas résoudre seule ce dossier: «Avec le ministre de l’Intérieur et l’Ordre des médecins, on évoque la mise en place d’un bouton d’alarme relié à la police dans le cabinet. Nous restons à l’écoute d’autres solutions constructives pour la sécurité de tous mais sans transiger sur la vie privée du patient et du médecin.» Au fil de ses années de pratiques, les risques dans un cabinet de médecin généraliste, elle connaît: «J’ai aussi vécu des situations difficiles face à un patient malade ou en détresse.»
Encore des économies?
Pour l’instant, à son niveau, un autre danger la menace. Ils sont quelques-uns à vouloir la délester de quelques millions d’euros: «J’ai déjà fait beaucoup d’efforts lors des autres discussions budgétaires. C’est de ma responsabilité de me battre pour chaque euro.» C’est dit avec fermeté. On ne lui fera pas les poches sur le dos de la santé. «Mon seul credo: garantir des soins de qualité et payables pour le patient et dégager des moyens pour investir dans la médecine de demain. Avec notamment le projet du renforcement de l’evidence-based practice. Les prestataires de soins et les patients doivent avoir rapidement accès aux meilleures pratiques.»
Dans le cadre de la lutte contre le cancer, elle entend maintenir une médecine de qualité en fonction des moyens actuels. «Jusqu’en 2018 inclus, 350 millions d’euros sont libérés chaque année pour investir dans l’innovation, comme par exemple, dans les nouveaux médicaments contre le cancer. Nous avons des médecins et des chercheurs efficaces. Nous devons donner au patient plus rapidement accès aux thérapies. Mais pas trop rapidement, je ne veux pas commettre d’erreur. La sécurité du patient doit être la priorité dans le cadre de la mise sur le marché de nouveaux produits.» Elle n’entend pas transiger sur l’autel du médicament miracle. La ministre se déclare attentive au bien-être du patient. «Début juillet 2016, l’Inami a obtenu un accord concernant le remboursement des reconstructions mammaires avec des tissus propres à la suite d’une ablation du sein pour cause d’un cancer», rappelle le Dr De Block (Lire Le Spécialiste N°88).
«Silence, on vous tiendra au courant»
Quid du contingentement? «Il faut assez de médecins... mais pas trop», commente la ministre de la Santé publique. «Je ne veux pas voir des médecins qui manquent de travail ou qui n’ont qu’un patient de temps en temps.» Le message est sans équivoque. Guider par cette réflexion, elle poursuit son travail sur l’épineux dossier communautaire du numerus clausus. «Je suis toujours dans le dialogue et la recherche d’une solution avec les différents acteurs dont le ministre Marcourt. J’ai déjà pensé à un compromis équilibré pour les flamands et les francophones. Maintenant, nous devons faire face aux arrêts du Conseil d’État, tout est déséquilibré. Nous reprenons donc notre travail pour que ce dossier aboutisse.»
Étudiants francophones fâchés et usés, le temps presse pour les ministres, les experts des cabinets et les recteurs d’université. Dans ce dossier délicat, tous les acteurs se taisent actuellement dans la recherche d’une xième solution «finale». Maggie De Block applique sa méthode habituelle. Ce n’est pas «silence on tourne». Sur ce plateau-ci, c’est «silence, on vous tiendra au courant»... Ceux qui parlent dans la presse ne sont pas «ou ne seront plus à la table des discussions!» Cette méthode est un atout tant que les solutions qui sont trouvées sont bonnes et font l’objet d’un large consensus. Cela pourrait déboucher sur le fait que même le dossier du numerus clausus n’écorne pas l’image de cette ministre aussi populaire au Sud qu’au Nord. «J’ai toujours été très irritée par les responsables politiques qui ne font que des effets d’annonces sans obtenir de résultats. Pour ma part, je ne communique que quand j’ai des résultats. Je trouve qu’il faut prendre le temps de négocier loin de la presse. C’est aussi peut-être cela qui plaît aux gens.»
La ministre estime que cette méthode est efficace. Ses détracteurs n’auront peut-être pas la même lecture toutefois... comme dans le cadre de la réforme des soins de santé mentale. «Dans ce dossier, j’ai dû faire face à de nombreuses oppositions mais je suis restée à l’écoute. Après 20 ans, la reconnaissance des psychologues cliniciens et des orthopédagogues cliniciens est enfin réglée.»
Un autre dossier, celui du raccourcissement de la durée de séjour après accouchement, s’est également heurté à la résistance des praticiens et d’une partie de l’opinion publique. «Je n’ai jamais dit que les femmes devaient quitter l’hôpital deux jours après l’accouchement. Ce sont des interprétations. D’ailleurs, la règle est très simple: ce sont toujours les gynécologues qui tranchent. Ils connaissent leur patiente et peuvent décider du temps nécessaire. Pour moi, la polémique est close d’autant que notre appel à projet rencontre un véritable succès en la matière.»
Mieux contrôler les mutuelles
Parmi les autres dossiers à venir qui pourraient susciter de sérieux débats, le Pacte avec les mutuelles créera peut-être des frictions. «L’e-santé devrait permettre aux organismes assureurs de réaliser des économies. Leur métier va connaître de profonds changements. Certaines d’entre elles se concentrent déjà plus sur l’accompagnement du malade ou sur la prévention. Le Pacte avec les mutualités est une réforme qui concerne notamment l’accompagnement des membres, le contrôle, le rôle des médecins-conseils, la transparence et la bonne gestion... »
Enracinée, Maggie De Block ne tangue pas au premier orage ou coup de houle. Les différents lobbys auxquels elle est confrontée au quotidien, selon ses dires, ne la font pas dévier de sa ligne de conduite. «Toutes mes décisions se font dans l’intérêt du patient. Les libéraux sont toujours indépendants. Il y a pour moi une différence fondamentale entre écouter les gens et être sensible à leur lobby.»
Connectée, comme tous les ministres aujourd’hui, elle entend remettre de l’ordre dans le secteur de l’e-santé pour garantir la sécurité des patients et mettre en avant la qualité du travail des médecins: «Avec toutes les applications 'santé' numériques, il est temps d’avoir une réglementation sérieuse en la matière en créant un cadre légal. Je suis pour les applications qui ont une plus-value scientifique. Nous en avons besoin mais nous devons garantir la sécurité des patients envers et contre tout. Le médecin sera évidemment le garant de recommander ou non une application ou un outil technologique. Il y aura aussi la responsabilité du fabricant sur le produit. Ensuite, l’autorité (afmps) délivrera des autorisations de mise sur le marché. Des notices complètes seront également prévues.»
Les discussions budgétaires et la problématique des quotas Inami sont deux épines tenaces dont la ministre espère se débarrasser au cours du mois de septembre avec succès. Des oursins dont elle se serait bien passée...