Connectés H24:le boulet moderne?

Le numérique a brouillé la frontière vie professionnelle-vie privée. Rencontrez-vous des patients éreintés et irritables qui, s’ils ont déjà cherché à identifier les racines de ce blurring, pointent l’hyperconnexion? Le Pr Pierre Firket, directeur d’une clinique du stress et du travail, à Liège, propose de les guider vers l’autoréflexion. Mais pour lui, l’hyperconnexion n’est qu’un épiphénomène, le «droit à la déconnexion» une illusion. Il faudrait agir au plus profond.

On ne vous apprend rien: les (pas si) nouvelles TIC ont donné de la liberté de mouvement aux employés mais, revers de la médaille, créé une obligation d’être toujours disponible, si pas sur le qui-vive. Et, partant, incapable de se vider la tête.

Pierre Firket, chargé de cours au DUMG de l’ULiège et aux manettes du CITES, une clinique du stress et du travail, rencontre de ces patients vivant sous le stress de la coulée continue de mails. Mais il regarde l’hyperconnexion comme «un épiphénomène. Le problème, c’est le rapport au travail qu’il y a dessous. C’est le monde du travail lui-même, sa compétition, sa précarité. Des entreprises déclarent qu’elles vont couper leurs serveurs le week-end (1), c’est une chimère. Qu’est-ce que ça va changer? Les employés risquent d’avoir double dose de messages le lundi matin. Il faut agir plus fondamentalement, pas juste sur le canal. Il y a une éthique de la communication à retrouver.»

Pour le Pr Firket, il faudrait aussi court-circuiter la tendance compulsive au «tout, tout de suite», qu’il s’agisse d’écrire à quelqu’un ou de lui répondre. «On ne mesure pas encore bien les conséquences psychiques et sur la cognition que peut avoir l’hyperconnexion. Mais il n’y a plus de temporalité, et ça, ce n’est pas banal. Le temps social a changé.»

Se protéger ou exister?
Lorsqu’il reçoit en consultation des addicts avoués de la comm’ digitale, Pierre Firket s’emploie à chercher, avec eux, le sens qu’ils donnent à l’hyperconnexion. «Souvent, ils sont très ambivalents. Ils ressentent le besoin de se protéger mais, en même temps, une forte envie de s’exposer. Ce sont des contradictions à explorer. Je les questionne sur ce que cela leur apporte, d’être en permanence connectés, sur ce qu’ils ressentent s’ils en sont privés.» L’idée est de les amener à un processus d’autoréflexion et de remise en question, pour qu’ils adaptent, progressivement, leurs comportements.

  • 1. Fin août, Lidl - qui sortait d’une période socialement houleuse - annonçait suspendre son trafic interne de mails entre 18h et 7h du matin et le w-e.

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