Les catégories de population plus âgées ne font pas l’objet d’une attention suffisante dans le registre accès aux “wearables”. Telle est la conclusion de chercheurs de l’Institute of Psychiatry, Psychology and Neuroscience, du King's College de Londres.
« Sont concernés les segments démographiques qui, probablement, tireront le plus de profit des technologies de télésurveillance et de dispositifs portables - des personnes qui souffrent de déclin cognitif lié à l’âge et de démence ». Extrait de l’article publié dans The Lancet Digital Health.
Les dispositifs portables et les applications pour smartphone devraient aider les professionnels de la santé à mieux comprendre, en temps réel et de manière longitudinale et davantage objective, tout le spectre de la démence. Des dispositifs et algorithmes correctement validés ont en effet la faculté d’intervenir positivement dans le suivi de trajets cognitifs et fonctionnels, dans la surveillance des changements de comportement social, dans la prévention de chutes et, potentiellement, dans l’allègement des tâches qui incombent aux soignants. Toutefois, les personnes âgées sont sous-représentées dans de nombreuses recherches en matière de “wearables”, comme par exemple dans l’Apple Heart Study. Avec une moyenne d’âge de 41 ans et moins de 6% des participant(e)s ayant plus de 65 ans, on constate que la sensibilité de détection de fibrillation auriculaire initialement annoncée a très sensiblement chuté lors de l’étude de validation auprès de participants dont l’âge moyen est de 76 ans. Cette problématique des populations sous-représentées se complique encore davantage en raison de données sous-représentées (autrement dit, une pénurie de données résultant d’une acceptation ou d’une utilisation suboptimales des wearables). En cause : une diminution des capacités cognitives des personnes souffrant de démence.
En dépit des avantages potentiels des wearables (par ex. une surveillance longitudinale), une analyse systématique menée en 2022 révèle la rareté des études portant sur les capteurs et technologies portables associés à de l’intelligence artificielle, auprès de personnes âgées bénéficiant de soins de longue durée. Lorsque ce groupe d’âge était inclus dans les études, les patients plus âgés n’estimaient pas les wearables acceptables. Ils avaient en effet la sensation que ces dispositifs ne sont pas utiles ou utilisables. Une autre étude d’observation menée essentiellement auprès de personnes âgées en bonne santé cognitive a démontré un taux élevé d’observance thérapeutique globale (95%) lors du port de tels dispositifs mais que des défaillances de la mémoire pouvaient réduire l’adhésion au traitement lors de la synchronisation quotidienne et étaient dès lors associées à des carences en données.
L’âgisme dans les études numériques
Considérer que les personnes âgées ne sont pas en mesure de participer à des études numériques, en raison de leurs compétences numériques, est un mythe, estiment les chercheurs. « Il existe par contre des preuves suffisantes que la participation de ce groupe d’âge est en rapide augmentation, ce qui fut plus particulièrement le cas pendant la pandémie du Covid-19. Des études de grande envergure, basées sur des capteurs, ont commencé à prendre en compte des populations plus âgées et notre étude en-ligne longitudinale suggère elle aussi qu’une démarche d’étude à distance est réalisable auprès d’adultes plus âgés venant de communautés noires, asiatiques et de minorités ethniques. Les chercheurs ont souligné la nécessité de réduire l’âgisme dans le cadre de la recherche numérique ainsi que l’importance de rencontrer les besoins spécifiques de personnes âgées souffrant de démence. Parmi les sujets importants pour déterminer l’observance thérapeutique et la faisabilité, citons notamment l’avantage perçu, une conception des wearables orientée patients, les considérations techniques et la nécessité de prodiguer encouragements et assistance aux soignants. Les retours venant de ces derniers suggèrent que l’adhésion thérapeutique pourrait encore être davantage améliorée grâce à des outils cognitifs supplémentaires (par exemple une documentation détaillée des procédures d’étude et des manuels d’utilisation) ainsi qu’en ménageant suffisamment de temps pour l’élaboration de routines d’utilisation. »
On s’attend à ce que le nombre de personnes souffrant de démence dépasse le seuil des 150 millions unités en 2025 en raison du vieillissement de la population mondiale. Ces personnes courent un risque important de développer de nombreux symptômes que les études recourant à des dispositifs portables tentent de surveiller. Conclusion des auteurs : « La collecte de données suffisamment représentatives est la seule manière de refléter des scénarios de vie réelle et de développer des solutions. Pour obtenir une représentation adéquate de cette population, les professionnels de santé et la communauté en général devront accepter le fait que de très nombreux participants âgés peuvent s’avérer disposés à recourir à des dispositifs portables et êtres aptes à les utiliser. Dès l’instant où des études incluront suffisamment de participants présentant des stades divers de démence, nous serons en mesure d’améliorer les connaissances nécessaires à l’optimisation de l’observance thérapeutique et des stratégies de minimisation des données manquantes à l’aide d’informations quantitatives et qualitatives provenant à la fois de participants et de soignants. Au final, ces éclairages auront pour effet de rendre la télésurveillance et la technologie des wearables réellement possibles et utiles pour les personnes âgées ».