L’Université d’Amsterdam coordonne un nouveau projet européen auquel participe la Belgique. Son objectif : développer des techniques respectueuses de la vie privée en matière de données de santé.
Francesco Regazzoni, chercheur attaché au groupe Complex Cyber Infrastructure de l’Institut d’Informatique de l’UvA (Université d’Amsterdam) a décroché une subvention de 750.000 euros pour prendre la direction du nouveau projet européen SECURED financé à hauteur de sept millions d’euros. Ce projet vise le développement de techniques d’anonymisation, de calcul collaboratif et de génération synthétique de données de santé afin de pouvoir en sécuriser l’utilisation dans le cadre d’applications médicales.
Peu pratiques et peu fiables
A l’heure actuelle, de telles techniques s’avèrent trop peu pratiques pour nombre d’applications telles que la classification temps réel d’images, l’analyse génomique ou la télésurveillance de patients. Qui plus est, elles sont souvent trop peu fiables pour être utilisées comme matériel de formation dans l’enseignement ou comme matière d’apprentissage pour les logiciels basés sur l’apprentissage automatique.
L’une des technologies qu’explorera le projet est celle de la génération de données synthétiques. « Si on désire étudier une maladie rare et, pour ce faire, avoir recours à l’apprentissage automatique, on a besoin d’une grande quantité de données d’apprentissage mais ces dernières ne sont pas toujours disponibles », explique Francesco Regazzoni. « On aimerait dès lors pouvoir générer des données réalistes synthétiques. Autre exemple : l’utilisation de données médicales à des fins de formation dans l’enseignement. Dans ce cas, il faut tout naturellement veiller à ce que les données générées aient les mêmes caractéristiques que les données d’origine et qu’on ne puisse pas effectuer de ré-identification de ces données initiales. Le projet SECURED construit les fondamentaux technologiques permettant de le garantir. »
D’un point de vue scientifique, le Dr Francesco Regazzoni et ses collègues associés au projet se donnent pour objectif de développer les éléments techniques de base, que ce soit côté matériel ou logiciel, qui garantissent la protection de la vie privée de données relatives à la santé. Outre la génération de données synthétiques et le calcul multi-parties, les chercheurs développent également des techniques destinées à quantifier le degré de confidentialité de données utilisées dans certaines applications. L’évaluation et la quantification de la confidentialité demeurent, à l’heure actuelle, un problème scientifique non résolu. « En plus d’experts médicaux et de la santé, le projet s’appuie sur des chercheurs spécialisés dans les implémentations matérielles et logicielles, ce qui constitue notre expertise au sein de l’UvA, mais nous dénombrons également des chercheurs qui sont spécialisés dans les méthodes de vérification formelle, des chercheurs qui traitent des fondements mathématiques, des experts en vie privée et même des experts juridiques. »
Participation de la Belgique
L’Europe désire être source d’innovation en matière médicale et s’affranchir davantage de technologies non-européennes. Mais, dans le même temps, l’Europe doit tout naturellement se conformer à la législation sur la vie privée, notamment au RGPD. « Plutôt que de voir la réglementation s’aligner sur la technologie, comme c’est souvent le cas, nous essayons de développer de concert à la fois les nouvelles technologies et la réglementation. C’est là, notamment, l’une des caractéristiques uniques du projet », souligne Francesco Regazzoni.
Les briques de base qui seront développées dans le cadre du projet feront l’objet de quatre démos : classification temps réel de tumeurs, télésurveillance d’enfants souffrant de maladies graves, génération de données synthétiques pour l’enseignement, et confidentialité des données génomiques. Le but ultime du projet est de faciliter la collaboration de pôles de données de santé à travers toute l’Europe.
Le projet SECURED a démarré le 1er janvier 2023 et se poursuivra pendant trois ans, jusqu’à la fin de l’année 2025. Au début de la troisième année, un appel ouvert sera lancé afin d’inviter des acteurs concernés à tester les technologies développées dans le cadre du projet via les démos planifiées. Outre les Pays-Bas, la Belgique, l’Irlande, l’Italie, l’Espagne, la Grèce et la Hongrie sont également parties prenantes au projet.
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