Le musée de l'Orangerie à Paris propose jusqu'au 19 juillet un volet insolite et peu connu de l'oeuvre de René Magritte pendant la Seconde Guerre mondiale lorsque le peintre belge délaisse le surréalisme pour s'inspirer des sujets peints par Pierre-Auguste Renoir, au risque d'un certain kitsch.
De 1941 à 1946, Magritte a sa "période Renoir": une cinquantaine de tableaux, autant de gouaches et un nombre considérable de dessins, célébrant l'hédonisme et la sensualité retrouvée.
L'exposition de l'Orangerie, "Le surréalisme en plein soleil", met en regard une partie de ses toiles avec des chefs-d'oeuvre du très populaire impressionniste: charmantes certes mais pas à leur niveau.
"Magrite respecte-t-il Renoir ou le détourne-t-il?", interroge le commissaire Didier Ottinger, qui voit une inspiration "pop" annonçant Andy Wahrol ou Jeff Koons, et un degré d'ironie, comme dans son nu féminin multicolore de "la Moisson" reprenant un nu couché de Renoir.
Magritte, activiste de la cause antifasciste, se voit en prophète du bonheur quand le nazisme sera vaincu: "le beau côté de la vie serait le domaine que j'explorerais. J'entends par là tout l'attirail traditionnel des choses charmantes, les femmes, les fleurs, les oiseaux, les arbres, l'atmosphère de bonheur. C'est un charme assez puissant qui remplace maintenant dans mes tableaux la poésie inquiétante que je m'étais évertué jadis à atteindre", écrira Magritte au poète Éluard en 1941.
Magritte juge même que sa "Période Renoir" peut amener à une réforme du Surréalisme. Il adressera en 1946 son "Manifeste pour un Surréalisme en plein soleil" à André Breton, qui lui opposera une fin de non-recevoir. "C'est la transgression absolue, car le surréalisme a toujours détesté l'impressionnisme", souligne le commissaire Ottinger, spécialiste de la peinture moderne.
Ce qui conduira Magritte à "liquider" la "période Renoir" avec une nouvelle inspiration provocatrice et cynique dès 1947, celle de sa "Période Vache".