« Toutes les réformes du secteur de la santé doivent être pensées à l’avenir sous le prisme du value-based healthcare », estime Gilbert Bejjani. Cette approche, qui met la valeur pour le patient au cœur des décisions, repose sur la qualité mesurée des soins rapportée à leurs coûts. Elle nécessite cependant des données fiables, une organisation adaptée et un changement de paradigme pour surmonter les résistances au sein du secteur.
Le Dr Gilbert Bejjani, qui a eu l’occasion de se rendre compte depuis des années de l’intérêt de l’approche du value-based healthcare (VBHC) en visitant plusieurs hôpitaux à l’étranger (Singapour, USA…) et en lisant la littérature internationale, a insisté en 2023 auprès de ses collègues de l’ABDH pour qu’une analyse sérieuse et approfondie, incluant un volet international, soit commandée à PWC. C’était il y a un an.
« L’approche VBHC n’est pas un modèle de financement, ni un modèle pour réaliser des économies. C’est un mindset, une manière de réfléchir. Il faut penser à la valeur pour le patient : elle est égale à la "qualité" des soins fournis rapportée aux coûts. Il s’agit de la qualité objectivée, que l’on peut mesurer par les PREM, les PROM, les outcomes, le nombre d’incidents... Le coût doit englober les coûts financiers, humains, écologiques… Il est indispensable de disposer de nombreuses données pour pouvoir évaluer la qualité et comparer les pratiques entre elles. Il faut aussi un financement et une organisation du système de santé qui permettent d’obtenir cette valeur », explique le Dr Bejjani.
Et de souligner que le système belge présente deux défauts majeurs : on réalise les mêmes actes et examens dans tous les hôpitaux, et le financement est basé sur le volume.
« Le constat est simple : vieillissement de la population, augmentation des pathologies chroniques, non-standardisation des soins, surconsommation, burn-out des soignants, contingentement de l’offre médicale… Si on ne fait rien, le système risque de s’effondrer. La solution n’est pas de dépenser plus. Le budget des soins de santé représente déjà 11 % de notre PIB. On ne peut pas non plus "produire" des soignants. La seule solution est d’augmenter l’efficience de notre système de santé. Par exemple, en augmentant le dépistage et la prévention, en favorisant la vaccination… », explique le vice-président de l’ABSyM.
« Il faut aussi réduire le gaspillage, les visites et examens inutiles. D’où l’intérêt d’avoir un financement forfaitaire pour certaines fonctions, comme les permanences. Il faut aussi réallouer et repenser l’offre médicale. Il n’est, par exemple, plus possible de rentabiliser des unités de soins intensifs de 4 ou 5 lits ou des petites maternités. »
Le livre blanc de l’ABDH ne donne pas de recommandations sur le type de financement à adopter en Belgique.
« Nous disons que toutes les réformes doivent être pensées sous le prisme du VBHC. Des mesures en ce sens ont déjà été prises par Maggie De Block et Frank Vandenbroucke, mais il faut reconnaître qu’il y a une résistance au changement de la part de nombreux acteurs. Or, le gain d’efficience pourrait répondre aux problématiques du budget, de la pénurie de personnel et du burn-out. »
Le Dr Bejjani estime que l’Inami pourrait et devrait jouer ce rôle de « comité spécifique » pour accompagner la mise en œuvre du VBHC, en collaboration étroite avec les partenaires du secteur.
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