Le Dr Luc Herry, généraliste et vice-président de l’ABSyM, est très attentif aux répercussions budgétaires des nouvelles mesures envisagées par les Autorités, tant pour l’État et les mutuelles, que pour les médecins et la population. Il nous livre ici quelques réflexions sur ce que donnerait une médecine exclusivement au forfait.
Un nouveau modèle de nomenclature des prestations médicales fait actuellement l’objet de propositions et de réflexions au sein de la commission médico-mutualiste. Pour les généralistes, la proposition est dans l’air de tenir compte du temps passé auprès des patients, que ce soit au cabinet ou à domicile. Des ajustements seraient possibles en fonction de la difficulté de la prestation. Les actes techniques seraient honorés en plus, de même que le déplacement. Insistons sur le fait qu’il ne s’agit là que de propositions, sorte de ballon d’essai lancé officieusement par les autorités. Elles-mêmes et les syndicats doivent encore longuement et largement en discuter.
Un impact incertain sur la médecine au forfait
Quoi qu’il en soit, ces propositions sont l’occasion d’une autre réflexion sur les honoraires des médecins. Les idées qui viennent d’être évoquées, pour autant qu’elles aboutissent, sont lancées sans avoir tenu compte des médecins qui travaillent au forfait. Il n’y a pas, à ma connaissance, d’étude concernant l’impact qu’auraient ces nouvelles modalités sur les coûts globaux en hommes et en finances, de la médecine à tarif forfaitaire. Avec des honoraires plus ou moins standardisés, comme les éventualités évoquées plus haut, on s’en rapproche pourtant quelque peu.
Une médecine au forfait en constante évolution
Dans la situation actuelle, environ 6 % de la population font appel à des médecins qui exercent selon ce mode-là. Mais cette proportion est en constante évolution, tant du côté de la demande de soins que du côté de l’offre (médecins). Cela pose la question de savoir si la médecine au forfait répond à un besoin. Il semblerait que oui mais qu’adviendrait-il si toute la médecine fonctionnait ainsi ? On se retrouverait dans une situation proche de celle de nos confrères du Royaume-Uni, qui sont tous fonctionnaires du NHS. Mais le statut de fonctionnaire signifie travail à heures fixes et limitation généralisée du temps de travail. Nous serions donc tous salariés avec des revenus fixes mais aussi… avec 38 heures de prestation par semaine. Le pays aurait donc besoin d’un nombre nettement plus important de généralistes.
Besoin de ... 26.000 MG
On pourrait estimer que dans ce cas, nous devrions être environ… 26 000 ! Le calcul est simple : aujourd’hui, quelque 1 200 confrères ont opté pour la formule au forfait. Dans ce régime, il y a environ un médecin pour 350 à 500 patients. Il suffit de faire une division pour connaître le nombre de médecins généralistes qui seraient nécessaires pour répondre aux besoins d’une population de 11 millions d’habitants : on n’est pas loin des 26 000.
Un coût financier démesuré
Et comment les paierait-on ? Le coût à l’acte pour les kinésithérapeutes, les infirmiers et les médecins généralistes s’élève déjà à 5,9 milliards. Le coût de la médecine au forfait est actuellement de 360 millions. Si tous les citoyens passent au forfait, il faudrait plus de 7,5 milliards pour faire face. Sans compter que pour les patients, c’est la porte ouverte à une médecine à deux vitesses.
Une qualité de vie pour les médecins, mais à quel prix ?
Bref, les médecins y trouveraient peut-être leur compte en qualité de vie mais il faudrait tout de même que ce soit à revenus équivalents à la situation actuelle. Mais l’État y ferait banqueroute et les patients seraient sur une longue liste d’attente…