L’UCLouvain a récemment lancé, en co-diplomation avec l’UNamur, un nouveau bachelier en informatique co-organisé avec la HELHA à Charleroi. Ce nouveau bachelier fait le pari de donner aux étudiantes et étudiants toutes les bases scientifiques nécessaires pour pouvoir interagir efficacement avec les médecins et biologistes pour travailler dans le domaine de la santé au sens large. Dans cet article, nous présentons brièvement les principaux domaines dans lesquels ces nouveaux informaticiens et informaticiennes pourront travailler en Belgique.
La recherche biomédicale
Les autorités n’approuvent de nouveaux médicaments ou vaccins qu’après de longues études cliniques portant sur leur sûreté et leur efficacité. Vu les quantités de données collectées, les grosses études cliniques seraient impossibles à réaliser sans le support de nombreux systèmes et logiciels informatiques. A titre d’exemple, les études cliniques pour les différents vaccins contre le Covid ont chacune porté sur des dizaines de milliers de patients à travers le monde et de très nombreuses études sont encore en cours. Beaucoup de sociétés du secteur pharmaceutique utilisent l’informatique pour optimiser leur recherche, production ou leurs études cliniques. Certaines d’entre elles s’appuient sur l’expertise de sociétés technologiques comme N-Side, DNAlytics, MoveUp, Radix, Diploid…
Les techniques modernes d’imagerie médicale génèrent d’immenses quantités d’images, dont des modèles en trois dimensions, que les médecins utilisent à des fins de diagnostic ou de traitement. De plus en plus de médecins s’appuient sur des logiciels d’analyse d’images qui les aident à affiner leur diagnostic. La routine clinique de certaines disciplines telles que la radiothérapie et la protonthérapie dépendent aujourd’hui entièrement de l’imagerie médicale et des algorithmes d’optimisation. Outre IBA bien connue dans le domaine de la protonthérapie, des sociétés belges telles que Osimis, Telemis, Radiomics… sont très actives dans le domaine de l’imagerie médicale.
Les hôpitaux et les praticiens
En quelques dizaines d’années, les médecins généralistes sont passé de dossiers médicaux « papier » à des dossiers informatisés. Grâce à différentes initiatives comme le Réseau Santé Wallon et la plateforme fédérale e-Health, les informations médicales (prescriptions, données de laboratoire, images médicales, rapports médicaux…) s’échangent de plus en plus sous forme numérique. Cela permet un meilleur partage d’informations entre tous les intervenants, évite les examens inutiles et assure une continuité des soins. A terme, un urgentiste pourra consulter rapidement le dossier complet d’un accidenté pour prendre en compte ses antécédents ou éviter des allergies par exemple.
Parallèlement, l’informatisation des hôpitaux se poursuit. Le challenge actuel est d’uniformiser l’ensemble des systèmes informatiques utilisés à l’intérieur et à l’extérieur l’hôpital pour que tout personnel soignant puisse avoir en permanence accès à des toutes les données médicales de ses patients, quel que soit l’endroit où ces données ont été produites. La sécurité des données de santé, les bases de données de très grande capacité, les réseaux informatiques et l’interopérabilité entre logiciels sont devenus des enjeux techniques essentiels. En rassemblant les dossiers numériques de patients atteints d’une même pathologie, il devient possible de comparer l’efficacité des différents traitements qu’ils ont reçu et d’identifier les meilleures stratégies. L’intelligence artificielle permet d’analyser les rapports médicaux et d’en extraire l’information pertinente pour affiner le diagnostic ou produire des alertes liées à des allergies ou à des incompatibilités entre médicaments par exemple. En Belgique, les Cliniques universitaires Saint-Luc sont le premier hôpital à avoir mis en place le dossier médical informatisé et d’autres vont suivre Plusieurs sociétés technologiques belges sont aussi actives sur ce marché, comme Xperthis, Medispring, EarlyTrack, BT Clinical, Taktik, Communicare…
Aujourd’hui, dans le cadre de nombreuses pathologies, un médecin peut bénéficier d’outils d’aide à la décision. Il s’agit d’algorithmes qui, étant donnée une suite de critères sur différentes données du patient, aident les médecins à prendre en compte toutes les données nécessaires pour faire le bon diagnostic et ne pas oublier les maladies plus rares qui nécessitent un traitement particulier. A terme, ces outils d’aide à la décision vont pouvoir intégrer de plus en plus d’informations extraites des rapports médicaux qui se trouvent dans le dossier global du patient.
Enfin, il est intéressant de noter que plusieurs initiatives permettent de coordonner les acteurs du domaine, dont les communautés autour du living lab WeLL ou l’initiative Patient Numérique.
Les patients
Il est essentiel de mettre le patient au cœur du dispositif de santé en le considérant comme un vrai partenaire, depuis la prévention jusqu’au traitement, et en intégrant une dimension d’éducation thérapeutique. Le numérique offre de nombreuses possibilités pour atteindre ces objectifs.
L’Internet des Objets ouvre ainsi de nouvelles opportunités pour des dispositifs permettant de prévenir certaines maladies ou blessures ou de faciliter le suivi de certains traitements. Parmi celles-ci, on peut mentionner Kaspard et MintT pour la détection de chutes, Gabi pour le suivi d’enfants atteints de pathologies cardiaques ou respiratoires, Nomics pour l’apnée du sommeil, les outils de diagnostic du trouble déficitaire de l’attention de Human Waves, les traitements de la migraine proposés par Cefaly, l’assistant vocal de Soline pour les personnes fortement handicapées…
De nombreuses applications mobiles pour smartphones ou montres connectées sont proposées dans le domaine de la santé. Des géants tels que Google, Apple, ou Microsoft sont actifs dans ce domaine, mais c’est aussi le cas de plus petites entreprises belges comme l’agenda médical numérique de Rosa, le dossier médical d’Andaman7, ou le coach virtuel de Formyfit, ou l’application Doktr de Proximus…
A travers ces exemples belges qui ne sont aucunement exhaustifs, on voit que l’informatique se trouve dorénavant au cœur des soins de santé. Nous souhaitons que les liens se renforcent entre les professionnels de la santé et les professionnels des métiers techniques. Le fait de former des informaticiens aux sciences de la vie, notamment à travers le nouveau bachelier en informatique à Charleroi, aura sans nul doute un impact important sur notre tissu socio-économique ainsi que sur la dynamique d’innovation de notre pays.
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