Le 21 décembre 1995, les Nations unies ont adopté une résolution dans le cadre de l’année internationale des personnes âgées, afin de créer une société inclusive pour tous les âges. Il a notamment été décidé que le terme «vieux» soit désormais remplacé par «personne âgée».
Ces dernières semaines, les médias étaient entre deux chaises, tiraillés par la consternation face au (mauvais) traitement des personnes âgées dans certaines institutions, mais aussi par la sympathie pour les règlements COVID limitant les libertés pour « protéger les plus vulnérables ».
« Veillir est particulièrement terrible si la société ne peut pas y faire face » (librement inspiré de Jan Hoet et Cicéron). En 1890, le comptable de Herr Krupp fixait à 65 ans, l’âge limite au-delà duquel on estimait que l’on n’est plus productif. En 2022, on voit que des personnes comme Michel Wuyts, Peter Piot, Paul De Grauwe, … sont écartées par leur employeur en raison de leur âge. Une fois de plus, la perception des personnes âgées est « déformée » et elles sont injustement pénalisées.
Heureusement, on note parfois des signes de réflexion plus élaborée. Dans le langage courant, des néologismes apparaissent même. Une société « senior friendly » signifie que l’on peut garantir le respect des droits de l’homme fondamentaux comme une alimentation saine, un logement sûr, des revenus de base, un soutien émotionnel et une appartenance à un réseau social.
La gériatrie est par excellence la discipline spécialisée dans la prestation de « soins adaptés aux personnes âgées ». Elle se base sur un « Comprehensive Geriatric Assessment » (CGA) et examine les capacités et les vulnérabilités du patient. Il s’en dégage une vision holistique où sont identifiées, outre les éléments physiques, les réalités psychologique, sociale et économique. En fonction de la gravité de la maladie sous-jacente, les soins adaptés peuvent alors être décidés avec le patient et son entourage. C’est le CGA du patient individuel qui permet de décider de la pertinence d'un traitement invasif (dialyse rénale, TAVI, chimiothérapie ou immunothérapie), de la pertinence d'un traitement préventif (statines, antihypertenseurs, vaccinations), de la polypharmacie ou du début de la réadaptation. Dès 1984, Rubenstein et al. ont démontré dans le NEJM que cette manière de travailler est fondée sur des preuves. Les revues Cochrane ultérieures le confirment également.
La pathologie des groupes les plus âgés est nettement différente et nécessite une approche spécialisée. Il est essentiel de stimuler la recherche scientifique et gériatrique pour que la situation continue à s’améliorer.
Durant les dernières décennies, le CGA était réalisé lors d'une hospitalisation dans un service de gériatrie aiguë. Toutefois, les personnes âgées n'étaient admises que lorsqu'elles ne pouvaient plus vivre à domicile pour des raisons de malnutrition, de sarcopénie ou de troubles de la mémoire. À ce stade, il est très difficile de dégager des bénéfices notables et on limite les dégâts. Un changement culturel est en cours : les personnes âgées souhaitent des conseils adaptés en ambulatoire pour sortir de la spirale négative de la vulnérabilité ou de la « frailty » (fragilité). D'un point de vue social, il s'agit d'une évolution favorable qui peut beaucoup profiter à la santé et à la qualité de vie.
Depuis 2006, le CGA peut aussi être réalisé en ambulatoire à l'hôpital de jour gériatrique (HJG) par un gériatre et son équipe gériatrique pluridisciplinaire. Cette prestation est nécessairement intégrée dans un hôpital de soins aigus, de sorte que l'accès à des soins technique spécialisés adaptés à chaque organe reste possible.
Le « hub pour les personnes âgées » continue à évoluer et donne l'occasion de remédier à la réalité démographique. A la demande du groupe de travail sur la réforme des hôpitaux de jour (SPF), le Dr Donald Claeys a relevé un certain nombre de dysfonctionnements concernant les HJG. En quelques mots :
1- la capacité actuelle est insuffisante par rapport à la démographie ;
-2 l'accessibilité pour les personnes âgées aux revenus faibles est limitée car il n’existe pas de remboursement pour le transport des patients et l'offre régionale est réduite en raison des fusions d'hôpitaux ;
-3 les équipes gériatriques multidisciplinaires manquent cruellement de personnel et de ressources;
-4 la rémunération du gériatre est insuffisante, et donc les gériatres ne peuvent pas financer du personnel supplémentaire. De plus, le CGA en ambulatoire dans un hôpital de jour nécessite beaucoup de travail de la part du gériatre. Ces éléments freinent le développement des HJG.
En tant que gériatres, nous sommes convaincus que nous pouvons apporter une contribution significative à la société grâce au CGA en hôpital de jour gériatrique. Nous demandons donc aux pouvoirs publics qui examinent actuellement l'organisation des hôpitaux de jour, de permettre aussi que l'hôpital de jour gériatrique continue à se développer sur le plan qualitatif et quantitatif. Cet hôpital de jour pourrait alors constituer la pierre angulaire d'un parcours de soins pour le patient vulnérable tout au long du programme de soins gériatriques. L'objectif ultime est de pouvoir dispenser des soins adaptés aux personnes âgées, quel que soit leur lieu de séjour.
Dr Hilde Baeyens, Az alma, cheffe du service de gériatrie, Eeklo
Dr Cobbaert Katrien, Az Delta, cheffe du service de gériatrie, Roeselare
Membre du comité directeur du GBS Gériatrie et de la SBGG.
Derniers commentaires
Pierre HANOTIER
15 avril 2022Merci pour ce bel article. La rentabilité de l’hôpital de jour gériatrique est tellement faible que malheureusement beaucoup de structures ont fait le choix de ne pas la développer.
Il faut dans un premier temps que nos Politiques revoient cette nomenclature très pauvre.
Une autre approche est le financement structuralisé et réaliste d’une équipe mobile gériatrique. Un projet pilote auquel j’ai participé démontre tout l’intérêt de cette approche innovante de la gériatrie.
Mais tant que la nomenclature ne sera pas revue, aucune initiative de ce genre ne sera soutenue par nos gestionnaires.