Dans une lettre ouverte les Dr Paul Massion et Didier Ledoux, médecins réanimateurs au CHU de Liège, demandent aux politiques de prendre 3 mesures politiques fortes: adapter la norme d’encadrement aux soins intensifs à un infirmier pour 2 patients en permanence ; revaloriser le salaire net de tous les infirmiers de l’ordre de 25% (alors qu’il est bien inférieur à celui d’autres métiers accessibles sans études supérieures) pour générer une vraie attractivité ; et reconnaitre la pénibilité de leur métier, permettant ainsi une pension anticipée et un maintien des infirmiers en fonction.
A la première vague du covid, les gens applaudissaient dans la rue.
A la deuxième, les gens n’en pouvaient plus, et certains se sont retournés contre le corps soignant pourtant à genoux, jugé responsable des contraintes de plus en plus mal vécues, tant par les adultes que par nos jeunes, et nous les comprenons.
A la troisième vague, nos infirmièr(e)s ont commencé à craquer, les un(e)s après les autres. A réduire leur temps de travail, ou à démissionner.
Quand vous devez faire 6 week-ends d’affilée, affronter jour et nuit la souffrance des gens, supprimer votre sport, que vous ne voyez plus votre propre conjoint, que vous devez remballer vos enfants car vous devez dormir un peu avant de repartir, nous les comprenons. Face à l’épuisement physique des équipes, on a aussi dû commencer à faire des choix thérapeutiques: Qui admettre aux soins intensifs ? Qui retourner sur le ventre ? Qui assister par nos machines de la dernière chance ? Sans parler des drames humains vécus au quotidien, en pleine face, dans le désintérêt général.
A la quatrième vague, on apprend qu’on va niveler le salaire des infirmièr(e)s vers le bas, alors que la formation est passée à 4 ans, et que dorénavant la revalorisation due à leur éventuelle année de spécialisation sera supprimée. Résultat ? Les écoles d’infirmières se vident en première année, de moins en moins d’étudiants envisagent de faire la cinquième année de spécialisation à la fin, ou de travailler dans une unité classique d’hospitalisation.
Dévouement héroïque
Lors de ces deux dernières années, nous avons tous pu constater le dévouement héroïque du corps infirmier, sans lequel nous ne serions jamais passé à travers cette crise. Il mérite toute notre reconnaissance. De notre point de vue de médecins, sans ces hommes et ces femmes, les hôpitaux s’écroulent. Il est urgent pour eux d’obtenir une vraie revalorisation salariale, d’augmenter les effectifs car la norme d’encadrement « une infirmière pour 3 patients » aux soins intensifs la plupart du temps n’est pas soutenable, et de reconnaitre que oui, c’est un métier pénible, qui autorise une retraite anticipée.
Chers citoyens, demandons-nous qui va encore nous soigner quand ce sera notre tour ? Si ce n’est pas déjà le cas de nos proches ? Réalisons-nous que derrière ces infirmièr(e)s, il y a les patients, il y a nous-même ?
Chers médecins, soyons tous plus que jamais solidaires du corps infirmier.
Chers politiciens, nous vous demandons de faire ce que vous clamez haut et fort depuis le début, qu’il est urgent de tirer les leçons de cette crise, qu’il faut remettre les priorités sur les choses essentielles, comme l’enseignement et la santé.
Concrètement, il est urgent de prendre 3 mesures politiques fortes: adapter la norme d’encadrement aux soins intensifs à un infirmier pour 2 patients en permanence ; revaloriser le salaire net de tous les infirmiers de l’ordre de 25% (alors qu’il est bien inférieur à celui d’autres métiers accessibles sans études supérieures) pour générer une vraie attractivité ; et reconnaitre la pénibilité de leur métier, permettant ainsi une pension anticipée et un maintien des infirmiers en fonction.
Contrairement au message véhiculé par les médias, la manne budgétaire de 500 millions libérée par le ministère de la santé n’a permis aux hôpitaux que d’engager des aides-soignantes dans les étages, vu la pénurie des infirmiers, et d’appliquer le protocole IFIC (institut de classification des fonctions), lequel supprime les titres et qualités ! Il n’y a aucune aide concrète aux premiers concernés, ou alors dérisoire pour les plus chanceux d’entre eux. Sans geste fort, sans infirmiers revalorisés et mieux reconnus, c’est la pénurie exponentielle d’infirmiers. Et c’est alors tout notre système de santé qui risque de s’écrouler. C’est la qualité des soins qui va directement en pâtir. Et nous tomberons dans la médecine à deux vitesses, avec les meilleurs soins réservés aux riches, dans des cliniques privées, encore seules capables de s’arracher les derniers infirmiers diplômés.
« Une nation ne doit pas être jugée selon la manière dont elle traite ses citoyens les plus éminents, mais ses citoyens les plus faibles » disait Nelson Mandela.
Derniers commentaires
Francois Planchon
18 décembre 2021La solidarité est un bon départ... mais ...
Demander plus de moyens SANS pointer du doigt les gaspillages à supprimer, cela n'aboutira à rien, car nos niveaux de pouvoirs devront creuser un trou ailleurs, pour combler celui de la santé, tant qu'ils ne mettront pas en cause leurs propres gaspillages surréalistes.
Il y a une logique flagrante de vases communicants, entre l'insuffisance des moyens accordés par l'état aux services de base au public, dont les hôpitaux et leur personnel infirmier en particulier, et la multiplication des niveaux de pouvoir belges, ruineuse, et non productive de biens et de services !?
Pire, le temps passé à se "coordonner" quand on est trop nombreux est contre-productif.
Aboutir à 3 ou 4 législations différentes sur 300 km de long est ridicule...
+/- 60 ministères / secr. d'état, dont 9 ministères de la santé... pour notre « ville chinoise » de 11ons de citoyens, chacun avec son administration, son cabinet, ses locaux... alors qu'un seul suffirait pour chaque compétence, ce qui serait plus efficace et surtout moins coûteux pour les deniers publics.
Réclamer plus de moyens sans mettre en cause ces gaspillages ne servira à rien... car nous sommes déjà en déficit.
Dans le privé, si une grande entreprise est en difficulté, elle ne va surtout pas multiplier les niveaux de pouvoir de son management, quadrupler ses directions et son conseil d'administration...
La Belgique par contre l'a fait, persiste et signe, et le justifie comme étant un mouvement irréversible car "démocratique".
Il n'y a rien de démocratique à avoir excité les querelles de clocher au lieu de les apaiser !
Les acteurs économiques, dont les hôpitaux, minimisent leur impact sur l'opinion public : ils emploient quand même la majorité de la population active, produisent le bien-être et la richesse du pays, payent les impôts.
Si ils tapent du poing sur la table pour signifier la fin de ces gaspillages, ils seront écoutés !
Faisons une analyse ISO 9000 des besoins en management du pays et on découvrira, surpris, que 15 ministères et 1 chambre de 100 députés maximum, c'est suffisant pour gérer plus efficacement un petit pays.
Comme par miracle, on retrouverait les moyens de financer les véritables services au public, sans augmenter ni la dette, ni les impôts ! Trop simple ?
Pour réflexion sur les tactiques à adopter sur le long terme, pour renforcer le secteur des soins de santé.
Jean-Marc DESMET
14 décembre 2021Je partage mon soutien avec cette tribune. Nous médecins du terrain savons combien le travail des infirmières et soignants de première ligne est difficile et ingrat. Il est temps de revaloriser à une juste mesure ce travail.
Dominique NARCISSE
13 décembre 2021A 1000% d'accord ! Ne pourrait-on pas lancer une pétition, signée par les Médecins, pour les soutenir, à présenter aux 9 Ministres de la santé ? Une Généraliste
Vincent COLLIN
10 décembre 2021En total accord et adéquation avec les opinions de mes collègues et amis (Dr Ledoux et Dr Massion).
Nous sommes tous confrontés aux sein de nos unités de Soins Intensifs au même constat et à la même analyse.
Il est urgent et crucial d'apporter notre soutien indéfectible au corps infirmier sous valorisé et en souffrance.
Dr COLLIN Vincent
Chef de service des Soins Intensifs des Cliniques de l'Europe (Bruxelles)