Pr Yvon Englert (PS): « Le Parti socialiste est prêt à une paix des braves à propos des suppléments d'honoraires »

Après avoir fait le tour des programmes des partis et de leurs propositions dans la santé, nous allons maintenant donner la parole à des médecins qui se sont engagés pour les prochaines éléctions dans les différents partis francophones. Pour cette sixième entrevue, un médecin , ex-doyen de la Faculté de médecine qui se présente sur la liste du PS.

Gynécologue, ex-recteur de l'ULB, ex-doyen de la Faculté de médecine, le Pr Yvon Englert est sur les listes PS à la Chambre pour les élections fédérales : « Je veux faire passer des messages à mes collègues médecins et aux responsables politiques. Je suis un candidat d’ouverture, un citoyen engagé, toujours indépendant en pensée et en affiliation », rappelle l’ancien délégué général Covid-19 pour la Wallonie.

Son message est sans détour : « La prochaine législature est cruciale en matière de soins de santé. Je veux convaincre mes collègues médecins que, s’ils doivent voter socialiste une fois dans leur vie, c’est maintenant ! C’est leur intérêt et celui de leurs patients. »

La question des honoraires et du conventionnement

Yvon Englert le reconnaît, les médecins sont méfiants à l’égard du PS, essentiellement à cause de la limitation des suppléments d'honoraires. Or ceux-ci se stabilisent à un maximum de 150 %, sous l’influence des assureurs. « Le PS considère que c’est acceptable et est prêt à une paix des braves sur la facturation d' honoraires supplémentaires à condition que les patients soient traités de manière égale et que l’accès aux soins pour les patients les plus précaires soit préservé. »

Il évoque aussi la question des médecins généralistes conventionnés. « Le PS est conscient qu’il faut améliorer l’attractivité du conventionnement. On pourrait même imaginer, dans certaines conditions, pour les médecins conventionnés, une ouverture à un honoraire complémentaire si l’accessibilité au tarif mutuel reste possible pour le patient. » À cela s’ajoute pour lui, « la nécessité de diminuer la lourdeur administrative en investissant dans l’informatisation, voire l’IA. »

Réduire la souffrance du personnel

Dans la prochaine législature, il faudra s’attaquer au mal-être voire au burn-out des professions de santé. « La souffrance au travail, qui est aussi le reflet d’une société en crise, doit être une priorité à l’hôpital et en dehors : il faut améliorer les honoraires, les normes d’encadrement, les salaires, la qualité de vie au travail... » C’est la clé de la lutte contre les pénuries, qui est une urgence : « La crise de la santé mentale du personnel est un des héritages du Covid mais pas seulement. On arrive au bout d’une certaine logique de rentabilité ultralibérale. Cela met le personnel et le système hospitalier sous pression et amène le personnel à partir. Nous devons le réattirer avec un nouveau paradigme de gestion des soins. »

D’ailleurs, selon le Pr Englert, le problème de la santé mentale se situe aussi en dehors de la médecine. « On demande à la médecine de résoudre une maladie de société. Le monde du travail doit se poser des questions sur sa façon de traiter les humains. »

Prévention et innovation

Le moment est venu de projeter le système de santé dans le 21e siècle. « Aujourd’hui, la plupart des hôpitaux sont en déficit ou en situation de ne pas pouvoir investir, au sud comme au nord du pays. Nous devons repartir du patient voire du citoyen et développer aussi dans l’éducation à la santé, la prévention et le dépistage : nous avons de mauvais résultats dans le dépistage du cancer du sein, du cancer du côlon, au niveau de la vaccination HPV... En Flandre, ils font mieux.

L’hôpital va rester un axe central pour ce qui concerne les pathologies lourdes, et les généralistes une véritable porte d’entrée du système de santé et un chef d’orchestre du dossier du patient. Par ailleurs, l’hôpital doit être refinancé pour devenir un lieu de haute technologie qui permet de rencontrer les extraordinaires progrès de la médecine d’aujourd’hui : la digitalisation, l’IA, la cybersécurité, le lien avec l’extérieur de l’hôpital... » La Belgique est aussi à la pointe en recherche et innovation en santé. Là aussi, il nous faut retrouver des moyens.

Comparer les partis

De par son expérience, il rappelle que le Covid a été un tsunami pour notre système de santé. « J’ai analysé en détail les programmes des partis pour le financement des soins de santé : les socialistes sont les seuls qui ont une ambition à la hauteur des enjeux, à savoir une norme de croissance (3 % hors inflation) sur base des besoins calculés par le bureau du plan. Si les Engagés sont les seuls à annoncer la même ambition, ils veulent réaliser 20 milliards d’économie. C’est une équation impossible. Pour sa part, le MR annonce une norme de croissance limitée à l’inflation d’ici à 2029 qui me semble incompatible avec les besoins du secteur. C’est priver le budget de la santé de 16 milliards d’euros sur la législature. En outre, contrairement aux socialistes, le MR a le plus mauvais bulletin en termes d’évolution du déficit des finances publiques. Donc, il va réaliser des coupes budgétaires supplémentaires dont il ne parle pas. »

Enfin, à la question « pourriez-vous devenir ministre de la santé ? » il répond tout simplement : « La question, à ce stade-ci, ne m’intéresse pas. »

Lire aussi:

>  Dr David Zorman: «Le choix de Défi était évident pour moi»

> Dr Yannis Léon Bakhouche (MR) :  « Il est indispensable d’améliorer le lien généraliste-spécialiste. »

> Sofie Merckx (PTB): « Notre proposition de loi "Sans argent chez le généraliste" a reçu plusieurs avis favorables.

> Dr Jean-François Gatelier (Engagés): «Je constate que la situation se dégrade de mois en mois»

> Dr Grégoire Schretter (Ecolo): «Trop de moyens sont utilisés à des fins curatives»

Vous souhaitez commenter cet article ?

L'accès à la totalité des fonctionnalités est réservé aux professionnels de la santé.

Si vous êtes un professionnel de la santé vous devez vous connecter ou vous inscrire gratuitement sur notre site pour accéder à la totalité de notre contenu.
Si vous êtes journaliste ou si vous souhaitez nous informer écrivez-nous à redaction@rmnet.be.

Derniers commentaires

  • Erik FRANCOIS

    30 mai 2024

    Les suppléments d'honoraires en chambre seule tels que pratiqués actuellement sont un apport financier important pour les hôpitaux. Cet apport est entièrement financé par les assurances optionnelles (privées et mutualités, qui ne manquent pas d'en faire la publicité). Il n'y a donc d'une part aucun coût pour l'état, et d'autre part aucun coût pour le patient hormis le contrat d'assurance.

    Une partie des suppléments d'honoraires reviennent aux médecins. Est-ce un tel scandale que des professionnels indépendants (donc au statut social précaire) puissent à un moment gagner bien leur vie?

    Ces suppléments d'honoraires sont largement ponctionnés par les hôpitaux et bénéficient à tout l'hôpital et donc aussi aux patients qui n'en paient pas.

    Enfin, la plus ou moins faible part de ces honoraires qui revient au médecin est largement taxée, que ce soit en personne physique ou en société.

    La réduction ou l'abolition ce ce système implique donc:
    - que les hôpitaux perdent un revenu qui n'est pas financé par l'état; qui croit que cela sera compensé? Le budget de l'état est-il si pléthorique qu'on peut y consacrer des surplus budgétaires?
    - une perte de revenus imposables pour les médecins, qui donc paieront moins d'impôts; peut-on s'offrir cette perte de revenus fiscaux?
    - une diminution de la rentabilité de certaines activités, et donc une diminution de l'offre et une perte d'accessibilité aux soins

    Au vu des effets négatifs décrits, et en l'absence de bénéfice démontrable, on ne peut que conclure que cette obsession des honoraires supplémentaires est purement idéologique, et reste prioritaire même si elle est néfaste et nuit à tout le monde sans rien améliorer.

  • Bruno LULLING

    28 mai 2024

    Sans parler de la médecine spécialisée extra hospitalière qu’il maudit…

  • Jean-Louis MARY

    28 mai 2024

    Quel message le PS a t il porté lors de cette dernière législature ?
    La ministre Moreale ne cesse de faire des Maisons Médicales son objectif prioritaire comme modèle idéale des soins dispensés en Médecine Générale, chasse gardée habituellement par le PTB...
    Notre ministre Vandenbroeck , quant à lui, ne cesse de répéter que la médecine libérale exercée par les médecins généralistes solo est "le vestige d'une époque révolue qui doit cesser" , lui préférant comme solution à tous nos maux la "multidisciplinarité" seule garante d'une qualité de soins.
    Tous deux sont une catastrophe pour la médecine ...exercée et choisie par plus de 90% de la population , seule une minorité de nos concitoyens s'inscrivant en Maison médicale.
    Ne parlons même pas du flop monumental conçu par VDB sous le vocable New deal qui n'a bien entendu rencontré qu'une poignée d'adeptes, preuve , s'il en fallait une, que les concepts socialistes sont loin de la réalité de terrain et du bien être des patients.

  • Viviane Gonissen

    28 mai 2024

    Cher confrère,
    Vous passez sous silence les 28 millards d impôts nouveaux que le PS compte lever pour honorer ses promesses dispendieuses et ainsi « équilibrer » le déficit des finances publiques !
    Nul doute que le médecin contribuable, cible privilégiée du parti, contribuera à cette « levée de fonds ».
    L ambition du PS a été, de tout temps, de faire payer la médecine aux médecins.
    Une vieille medecin pensionnée.