Aux Etats-Unis, on demande de plus en plus d’évaluer les compétences des chirurgiens les plus âgés. Qu’en est-il chez nous? Si ce screening était introduit en Belgique, devrait-il l’être pour d’autres spécialistes?
Ce problème est devenu sensible aux Etats-Unis lorsqu’un chirurgien de 79 ans , qui avait eu des problèmes cardiaques, a voulu retourner en salle d’opération. Son chef de service lui avait demandé de suivre d’abord un programme afin de tester ses facultés physiques et cognitives. Cependant, ce chirurgien n’avait jamais été auparavant suspendu pour des fautes médicales. Ce cas n’est que le sommet de l’iceberg. Comme l’ensemble de la population, les médecins vivent plus longtemps qu’avant et veulent rester actif. Modern Healthcare signale que de nombreuses institutions réagissent en imposant une législation relative à l’âge, tout en étant parfois à la limite de la légalité.
En janvier, l’American College of Surgeons a publié une recommandation: les chirurgiens (de 65 à 70 ans) devraient de préférence passer des tests physiques de base de façon volontaire et confidentielle.
Pour plaider en ce sens, certains brandissent des exemples concrets: celui d’un chirurgien qui s’est endormi durant l’opération, un autre chirurgien qui ne retrouvait plus le chemin de son cabinet et un obstétricien qui n’avait plus les capacités physiques nécessaires pour aider un bébé à naître.
Et en Belgique ?
Il semblerait que dans notre pays les médecins sont de plus en plus nombreux à vouloir travailler plus longtemps. Selon un directeur d’hôpital, 15% des médecins de son institution ont plus de 65 ans. La mesure prise par Daniel Bacquelaine, ministre des Pensions, pour faire sauter le plafond limitant les revenus après 65 ans a évidemment été une sorte d’encouragement à exercer après la retraite légale. En Belgique, réduire ou arrêter l’activité d’un médecin hospitalier de façon légale n’est pas si facile. Jellina Buelens, avocate du cabinet Monard Law, a rappelé lors d’une formation du VAS (l’aile flamande de l’Absym) que la réglementation appliquée par de nombreux hôpitaux et associations – qui revient à dénoncer automatiquement la convention de travail dès que le médecin atteint l’âge de 65 ans ou 67 ans – n’est pas légale.
Il est vrai que cette convention est souvent prolongée de façon informelle, mais cet arrangement affaiblit le médecin. Le droit du travail est plus clair : rompre de plein droit un contrat avec un employé au moment où l’employé a atteint un certain âge est explicitement interdit. «Bien que le législateur ne l’interdit pas de façon explicite dans les relations avec les indépendants, le Tribunal de travail de Bruxelles a, dans un arrêt du 26 juillet 2013, jugé que la rupture d’une convention avec un médecin indépendant en raison de son âge est tout aussi illégale, même si cette limite d’âge est reprise dans la réglementation générale (ou une autre convention), parce qu’elle contient une discrimination sur base de l’âge.» Dans ce cas précis, la rupture d’une convention avec un médecin indépendant en raison de son âge avait été contestée devant un tribunal par un médecin dont la convention avec son hôpital avait être rompue parce qu’il avait atteint l’âge de 77 ans. Cela ne signifie pas que la réglementation générale des hôpitaux ne peut pas fixer un âge maximum pour l’exercice de la médecine. Mais, dans ce cas, cette limite d’âge doit être justifié de façon objective et équitable. La question est de savoir si cette justification peut se faire en réalisant des tests.