Incapacité de travail : « Le médecin ne peut devenir aussi le contrôleur » (Dr J-F. Gatelier)

De nombreux médecins ne partagent pas pleinement la manière dont la réforme sur le contrôle de l’incapacité de travail va être menée. Le Dr Jean-François Gatelier, médecin généraliste et député fédéral « Les Engagés » à la Commission Santé à la Chambre, rappelle que « le gouvernement veut confier aux généralistes un rôle de contrôle dans les incapacités de travail et veux imposer une limitation des certificats à 3 mois, une plateformes de signalement, et une surveillance informatique du “comportement prescripteur”… »

Il décrypte le texte : « Autrement dit, votre médecin traitant pourrait aussi devenir votre contrôleur. Je m’y oppose fermement. J’espère que l’Ordre des médecins défendra notre profession. Pour ma part, je mènerai ce combat au sein de la Commission Santé et des Affaires sociales. »

Il précise toutefois qu’il trouve légitime « qu’un médecin soit contrôlé sur ses prescriptions d’antibiotiques ou de médicaments. Il s’agit d’argent public. Je n’ai aucun problème à devoir me justifier. »

Pas de formation

Les médecins sont-ils formés pour évaluer les incapacités individuelles de travail des patients ?
« Ce n’est pas leur rôle initial. Cette mission revient d’abord aux médecins des mutuelles et aux médecins du travail, voire aux médecins contrôleurs. D’ailleurs, pour répondre à cette problématique, il serait temps de revaloriser leur statut. Je rencontre des employeurs qui me demandent à quoi sert un médecin contrôleur… Quant aux généralistes, ils n’auront ni le temps ni la volonté de se former à un domaine aussi spécifique. Et si cela devient obligatoire, certains démissionneront. »

On brouille les rôles en Belgique

Pour rappel, le GBO/Cartel dénonce une réforme fondée sur la suspicion, la coercition et l’absence totale de concertation. Aucune mesure, souligne-t-il, n’est prévue pour améliorer les conditions de travail, pourtant à l’origine de nombreuses pathologies chroniques (troubles musculosquelettiques, burn-out…).

« Dans d’autres pays européens, l’évaluation de l’aptitude au travail relève des médecins du travail ou des médecins-conseils. En Belgique, on brouille les rôles. On met en péril la relation de confiance entre le patient et son médecin », avertit le Dr Gatelier.

Il alerte : « Un système de dénonciation par les employeurs, du data mining pour cibler les médecins “déviants”, une plateforme numérique (TRIO) sans moyens… et pas un mot sur le temps médical, déjà sous forte pression. »

Il insiste sur l’enjeu de fond : « Oui, il faut améliorer le retour au travail. Mais le médecin est là pour soigner, pas pour se transformer en agent administratif d’un système de contrôle. La médecine, c’est une vocation. Une éthique. Un engagement humain. »

Il se rappelle aussi de l’évolution de la problématique au fil des années dans son cabinet : « Lorsque j'ai commencé ma pratique, quand je mettais quelqu'un en arrêt maladie pour un mois, il était convoqué par le médecin de la mutuelle dans les trois semaines. Maintenant, il voit le médecin de la mutuelle parfois après le dixième ou onzième mois. Alors, c’est vrai que le temps à l’hôpital, de la prise en charge pour avoir certains examens de contrôle ou de soins, est aussi responsable de l'allongement des durées des congés maladie. »

Le débat est loin d’être clos.

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