Mal rémunérés, peu représentés, et confrontés à une charge croissante, les gynécologues réclament une revalorisation urgente de leurs honoraires. Le Pr Patrick Emonts, gynécologue et vice-président de l’Association professionnelle des Obstétriciens et des Gynécologues belges, dénonce un traitement inéquitable et un manque de reconnaissance pour une spécialité exigeante, souvent absente des négociations..
« Les gynécologues n’étaient malheureusement pas aux premières loges lors de la fixation des tarifs conventionnels. La gynécologie obstétrique est un métier avec des horaires sans cesse liés aux imprévus (accouchements notamment), ce qui ne facilite pas notre présence aux tables de négociation… et les absents sont toujours défavorisés », explique le Pr Patrick Emonts, gynécologue, membre du comité directeur de l'ABSyM fédéral et de l'Union professionnelle des Médecins spécialistes belges (GBS), vice-président de l'Association professionnelle des Obstétriciens et des Gynécologues belges.
Les conflits entretenus par le politique
« Le Health Professionals Report confirme une fois de plus que nous sommes à la traîne par rapport à des spécialités chirurgicales comparables. Le but n’est pas de comparer des spécialités pour les opposer entre elles, ce qui crée des conflits interspécialités largement entretenus par le pouvoir politique (diviser pour régner). Le but est de donner un honoraire juste : longueur et difficulté des études, stress important (des vies sont en jeu), mise à jour permanente des connaissances et des techniques pour assurer des soins de qualité optimale, disponibilité importante, pression médico-légale croissante. Le ministre Vandenbroucke rétorque que la révision de la nomenclature va aplanir les inégalités, mais celle-ci ne sera opérationnelle au plus tôt qu’en 2029 et rien ne dit que l’honoraire promis sera juste. »
Selon le rapport de l’INAMI, le chiffre d’affaires brut d’un gynécologue exerçant à temps plein s’élevait en 2023 à exactement 253 963 euros. Ce qui frappe le Pr Patrick Emonts, c’est l’écart avec d’autres disciplines chirurgicales comparables. Dans ces spécialités, les prestations remboursées atteignent en moyenne 357 861 euros, soit plus de 100 000 euros de différence.
La stagnation du revenu brut sur dix ans s’explique par plusieurs facteurs. « Nous n’avons pas bénéficié de l’indexation complète pendant longtemps. Ces dernières années, nous avons aussi beaucoup perdu, à commencer par les soins faiblement valorisés imposés par Maggie De Block. Et la baisse de revenus pendant les années Covid n’a pas été compensée. Il faut ajouter que l’acte intellectuel (la consultation sans acte technique) est très mal rétribué, une centaine d’euros de l’heure alors qu’il s’agit d’un travailleur hautement spécialisé. »
Un recours croissant à la surspécialisation
D’autres causes expliquent également cette situation : « Nous sommes plus nombreux à faire le même travail. Le fait qu’un frottis ne soit plus remboursé chaque année, mais tous les trois ans pour les femmes de 25 à 29 ans et tous les cinq ans de 30 à 64 ans, modifie notre public. La surspécialisation demande un apprentissage laborieux et des moyens techniques onéreux », poursuit le Pr Patrick Emonts. « On réalise moins d’hystérectomies et de laparotomies, probablement grâce à de meilleurs traitements médicamenteux, et davantage de chirurgies mini-invasives. »
La baisse de la natalité, la pression croissante des sages-femmes de première ligne, la dévalorisation de certains actes, comme les codes pour le monitoring et les échographies à haut risque… « Cela devient un vrai problème pour le gynécologue, car ces actes techniques équilibraient un peu la mauvaise rétribution de l’acte intellectuel. Quant aux échographies obstétricales, leur rémunération ne tient pas compte de la difficulté de la technique, de l’implication médico-légale considérable et du coût très important de la machine, qui doit être renouvelée. »
Taux élevé de gynécologues accrédités
« Le fait que seulement 32 % des équivalents temps plein de gynécologues aient adhéré à la convention médecins-mutualités est un signal clair », affirme le Pr Patrick Emonts. « La majoration de l’honoraire est aujourd’hui la seule manière, surtout pour le gynécologue extrahospitalier, de faire face à ses frais de fonctionnement et d’amortissement de matériel. Cela n’a rien à voir avec un enrichissement personnel, même si c’est le message que veut faire passer le pouvoir politique. »
En Flandre surtout, la tentation du déconventionnement est forte. À Bruxelles, Liège et dans le Hainaut, où vivent davantage de femmes bénéficiant d’un remboursement majoré, la situation est différente. « Le fait d’imposer aux médecins déconventionnés un tarif de convention pour les patient(e)s BIM rend la survie des cabinets extrahospitaliers impossible si l’honoraire de la convention n’est pas revu à la hausse. »
Le Pr Patrick Emonts se félicite du taux élevé de gynécologues accrédités, qui atteint 93 %. « Les gynécologues souhaitent réellement se former en continu. Les symposiums scientifiques du Collège royal des gynécologues obstétriciens de langue française de Belgique (CRGOLFB) n’ont jamais été autant suivis. »
Pour lui, la transparence des données reste un levier essentiel. « La publication en ligne des rapports Health Professionals par spécialité, bien qu’imparfaite, offre un point d’appui concret pour objectiver les débats et amorcer enfin une révision équitable des honoraires médicaux.»
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