Le Parlement européen a rejeté mercredi, en première lecture, la proposition de règlement visant à réduire l'utilisation et le risque des produits phytopharmaceutiques chimiques d'au moins 50% d'ici 2030. La balle est désormais dans le camp du Conseil (États membres).
Par 207 voix contre 299 et 121 abstentions, l'assemblée a rejeté le projet de rapport sur cette proposition phare de la Commission européenne dans le cadre du Pacte vert européen, contre laquelle le principal parti de l'assemblée, le PPE, a ferraillé au nom de la défense des agriculteurs et de la sécurité alimentaire.
"C'est une journée noire pour l'environnement, la santé, la société et la libération des agriculteurs de l'agro-industrie", a déclaré à l'issue du vote la rapporteure du texte pour la commission de l'environnement, l'Allemande Sarah Wiener (Verts/ALE). Une demande de renvoyer le texte en commission parlementaire a elle aussi été rejetée.
"Les libéraux, la droite et l'extrême droite ont eu la peau du règlement européen sur les pesticides. Ils sont en train de tuer tout le 'Green Deal'. Les lobbies plutôt que la santé et l'environnement", a déploré Manon Aubry (La Gauche).
Le PPE, de son côté, a accusé la gauche d'avoir adopté une approche "extrémiste" alors qu'il recherchait lui-même le compromis.
"Cela met fin au processus dans l'hémicycle européen, ce qui ne permettra probablement pas l'adoption d'une nouvelle législation sous cette législature", a indiqué Tom Vandenkendelaere (CD&V, PPE), qui n'a pas pu voter en raison d'un retour précipité en Belgique pour cause de covid. "Il n'y a pas de gagnant dans cette histoire. D'une part, ce n'est pas bon pour les conditions équitables de concurrence en Europe, dont nos agriculteurs ont aussi besoin. D'autre part, les écologistes et la gauche du Parlement n'ont pas suffisamment pris en compte les préoccupations du secteur, qui étaient présentes dès le début", a-t-il ajouté.
Avec cette séquence, le Parlement met un terme à la première lecture du texte. Il revient maintenant au Conseil (États membres) d'établir sa position. Si le Parlement devait à nouveau rejeter (majorité absolue) la lecture du Conseil, la proposition de la Commission européenne deviendrait caduque. Dans le cas contraire, la position du Conseil deviendrait la législation en vigueur, expliquait-on au Parlement européen.
À l'inverse d'une majorité de membres de la commission de l'environnement, une majorité d'eurodéputés de la commission de l'agriculture étaient opposés au texte mis aux votes. La commission AGRI avait ainsi déposé une série d'amendements qui, au cours d'une longue séance de vote, ont révisé le texte en profondeur.
Au point que les Verts eux-mêmes n'ont plus pu le soutenir. "Des députés de droite et d'extrême droite, soutenus par certains libéraux et sociaux-démocrates, ont considérablement affaibli le texte en plénière, particulièrement sur ses volets santé publique, biodiversité et soutien aux agriculteurs. Sans règles contraignantes ni contrôle, cela revient à faire du 'greenwashing'. Nous ne pouvions le soutenir de bonne foi", a expliqué Mme Wiener.
Le projet de règlement sur les pesticides est considéré par certains comme indissociable du projet d'autorisation de plantes produites par de nouvelles techniques génomiques (NTG). "Cela forme un paquet, détricoter l'un détricoterait l'autre", avait commenté mardi le président de la commission de l'environnement du Parlement, le Français Pascal Canfin (Renew).
En juillet dernier, la droite du Parlement européen avait échoué à faire rejeter un autre texte-phare du Pacte vert, la proposition de règlement sur la restauration des écosystèmes naturels endommagés, tout en obtenant un important affaiblissement de ce texte.