Souvent réduite à un simple outil d'encodage de prestations à des fins de contrôle, perçue comme un vecteur de déshumanisation des soins de santé à travers l'émergence de l'intelligence artificielle, régulièrement médiatisée du fait de fuites de données médicales, et critiquée à cause du manque d'ergonomie ou de fiabilité de certains systèmes, l'informatique médicale peine à convaincre parmi les praticiens.
Pourtant, tout le monde s'accorde sur l'importance de mettre le patient au centre de notre système de santé, en le considérant comme un vrai partenaire. Le parcours de soins intégrés exige une coordination efficace et une transmission fluide des données entre les différents prestataires, qui ne travaillent pas nécessairement au sein d'un même hôpital. De nouvelles applications de monitoring à distance pour maladies chroniques apparaissent chaque jour. Une attention à l'éducation thérapeutique du patient se développe, qui se matérialise pas la création d'outils personnalisés. C'est l'émergence du numérique qui autorise aujourd'hui tous ces changements de paradigme.
Encore faut-il que de tels outils de e-santé s'inscrivent dans une éthique d'équité et de service à la collectivité. C'est dans cet esprit que la communauté du logiciel libre et open-source dans le secteur médical se rassemble cette semaine, sur le site du CHU de Liège.
Au-delà de la froideur des standards d'interopérabilité (qui, bien que nécessaires, ne sont qu'un des éléments de la e-santé), cette communauté de passionnés cherche à donner du sens au numérique. Toutes et tous y partagent une même valeur : la diffusion à grande échelle des connaissances technologiques liées à la médecine. De manière similaire à Wikipédia, ces équipes multidisciplinaires collaborent au niveau mondial pour développer des outils informatiques qui deviennent des biens communs. Ces logiciels peuvent être tantôt à la pointe de la recherche pour nourrir l'innovation dans une dynamique dite d'"open-science", ou au contraire très généralistes pour être utilisés à des fins de coopération au développement.
Encore peu connue du grand public, cette communauté est d'ores et déjà fortement sollicitée par des industriels établis, qui utilisent très souvent des logiciels libres et open-source comme composants de leurs environnements propriétaires. De tels logiciels mutualisés proposent en effet des implémentations de référence des standards d'interopérabilité, ce qui permet de réduire énormément la barrière à l'entrée pour de nouveaux projets technologiques ou pour de nouvelles entreprises.
Le projet Orthanc fait partie de ces outils libres. Il s'agit d'un écosystème innovant pour l'imagerie médicale très utilisé de part le monde. Initialement conçu par le Département de physique médicale du CHU de Liège dès 2011, la spin-off Osimis en assure désormais le développement et la maintenance.
Le projet GNU Health est un autre exemple de logiciel libre pour la santé. Ce logiciel professionnel regroupe les fonctionnalités d'un dossier médical informatisé et d'un système d'information hospitalier. Souvent utilisé dans les pays en voie de développement, GNU Health promeut une vision dite de "médecine sociale", selon laquelle l'outil informatique permet d'améliorer la vie des personnes défavorisées.
Cette semaine, les projets Orthanc et GNU Health s'associent avec la société Osimis pour organiser une conférence internationale à Liège. L'objectif est de mieux faire connaître le logiciel libre médical et d'établir de nouveaux partenariats entre les différents outils. De nombreux autres projets y seront représentés, notamment les projets belges Cytomine, Taktik et Tryton. Ouverte à tous, cette conférence bénéficie du soutien de Digital Wallonia et du GIGA de l'ULiège.
> OrthancCon 2019 - 13-15 Décembre - CHU Liège ( Voir programme ici )