On sait depuis un certain temps déjà que l’intelligence artificielle remplacera les professionnels de la santé pour ce qui est de l’analyse des images, un article publié dans Le Temps le 29 mai dernier nous apprenait par exemple qu’une machine avait détecté correctement 95 % des mélanomes contre un taux de détection de lésions malignes par l’humain de 89 %.
Même si je reste convaincu que le plus intéressant restera la combinaison homme – machine, plutôt que l’un ou l’autre, une récente publication nous montre que l’intelligence artificielle va peut-être venir empiéter sur une partie de la médecine que l’on croyait réservée aux médecins pour un certain temps encore.
L’intelligence artificielle toute-puissante
Les auteurs de cette recherche A comparative study of artificial intelligence and human doctors for the purpose of triage and diagnosis, nous rappellent que les systèmes qui analysent en ligne les symptômes (online symptom checkers) sont peu performants, ceci aussi bien pour le triage (urgent / non urgent) que pour établir un diagnostic. Ils ont donc voulu savoir si l’utilisation de l’intelligence artificielle pouvait améliorer la précision du triage et des diagnostics.
Des cas identiques ont donc été soumis au système d’intelligence artificielle « Babylon » et à des médecins. La qualité du triage et des diagnostics a été analysée « à l’aveugle », donc par des évaluateurs qui ne savaient pas si les réponses étaient celles de la machine ou d’un humain.
Les conclusions des auteurs de cette publication sont que le système de triage et de diagnostic de l’intelligence artificielle a été plus précis que ce qui a été fait par les médecins. Ils ajoutent encore qu’ils ont constaté que les conseils de triage recommandés par le système d’intelligence artificielle étaient, en moyenne, plus sûrs que ceux des médecins, « comparativement à ce qui est jugé comme acceptable par des juges experts indépendants, avec une réduction minimale de la pertinence ».
Même si les auteurs de cette étude écrivent que « d’autres études plus importantes qui utiliseront des cas médicaux réels seront encore nécessaires pour démontrer l’efficacité des systèmes d’intelligence artificielle », leur publication suggère clairement que l’ajout de l’intelligence artificielle à un système d’analyse automatique des symptômes améliore la qualité du triage et des diagnostics.
Quelle validité?
La première critique que l’on peut faire par rapport à cette publication est qu’elle n’a apparemment pas été publiée dans une revue médicale avec un système de revue par les pairs, empêchant ainsi une évaluation critique des conclusions par d’autres chercheurs.
La deuxième limite est le faible nombre de cas soumis, des cas théoriques qui ne sont probablement pas représentatifs des besoins de la population.
La troisième faiblesse, reconnue par les auteurs eux-mêmes, est l’obligation pour les médecins interrogés de choisir leurs diagnostics parmi les énoncés présents dans le système d’intelligence artificielle Babylon.
Suite à cette publication, les critiques sur Twitter ont été nombreuses, @adbeggs écrit que le système a proposé comme diagnostic pour des symptômes d’appendicite une constipation, une urétrite ou une déshydratation. Plus grave, le cas présenté par @DrMurphy11 qui, vidéo à l’appui, montre que Babylon lui a pour des symptômes compatibles avec une pathologie cardiaque proposé comme diagnostic « une attaque de panique ».
#ChestPain triage example 2
— Dr Murphy (@DrMurphy11) 14 juillet 2018
67yr old obese male 20/day smoker develops central chest pain with sweating and nausea....
YOU NEED TO EXCLUDE A #HEARTATTACK!
WHAT ARE YOU DOING ABOUT THIS BABYLON? #eHealth #PatientSafety #AI #ClinicalGovernance pic.twitter.com/bepQnJmmhD
Les médecins vont-ils disparaître?
Il est à mes yeux à l’heure actuelle difficile de savoir la place exacte que prendront ces systèmes dans le quotidien médical de demain, nous avons à l’évidence encore besoin d’études scientifiques rigoureuses pour pouvoir répondre à cette question.
Il n’en reste pas moins, même si l’établissement des diagnostics devaient rester du ressort des médecins pour un certain temps encore, qu’un système de triage automatique serait le bienvenu, tant le système actuel est déficient. Cela permettait d’éviter d’envoyer chez le médecin, ou pire aux urgences, un patient dont les symptômes sont bénins tout en mettant en relation le patient qui nécessite des soins avec le professionnel de la santé adéquat.
Les médecins disparaîtront-ils ? Je ne le crois pas. Même s’il est possible que les médecins qui utiliseront l’intelligence artificielle remplaceront ceux qui ne l’utilisent pas. Rien de très banal en sorte, la science a toujours intégré de nouveaux outils pour progresser.
> Ecouter Jean Gabriel Jeannot parler de santé numérique sur RTS
> A écouter sur le sujet de l’intelligence artificielle, « Pour une intelligence artificielle de service public », Marcel Salathé, EPFL, Avis d’experts, RTS.
Cet article a initialement été publié sur le blog "La santé (autrement) du journal Le Temps
Le débat se poursuit sur @mediSphereHebdo @LeSpecialiste @numeriKare
Et puis le médecin doit miser sur ses compétences et continuer à les développer s’il veut être préféré à l’IA. Mais quelles sont ces compétences ? Empathie? Continuité des soins ? Réévaluation du diagnostic et du ttmt en fction de l’évolution? Temps d’explication et de Q/R?
— depuydt caroline (@DepuydtCaroline) 17 août 2018
Je ne rentre pas dans le débat ... certes très intéressant, mais on débat trop de l’IA .... mais il y a tant à faire avec le non #IA aussi, l’humain quoi, qui est aussi champion des #erreurs médicales ...
— Gilbert Bejjani (@drbejj) 17 août 2018
La faute est humaine, ok, le professionnalisme aussi !, @JdS_SK @jdmedecin
Le débat est pourtant nécessaire pour définir un cadre éthique avant qu'il ne soit trop tard pour y réfléchir. Mais je concède que l'anticipation n'est pas le fort de l'homme ;) pic.twitter.com/HuXcjiNt1y
— Nathalie Schirvel (@NatSchirvel) 17 août 2018
Quasi tous les métier vont évoluer plus vite que prévu. Les nouvelles compétences sont donc à chercher dans la maîtrise de l'outil, la capacité du médecin à obtenir de son patient l'information vraie & jusye et celle d'adapter la réponse à la situation personnelle.
— Karolien Haese (@Karolien1231) 18 août 2018
D’accord avec vous, ces compétences sont à acquérir sur base des choix technologiques que nous aurons opéré pour améliorer notre existence personnelle et collective, humaine et professionnelle.
— Valérie Kokoszka (@vkokoszka) 18 août 2018
Quid de la responsabilité quand l’IA se trompe (ce qu’elle fait , visiblement )? Je rejoins assez les conclusions de l’auteur : c’est un partenariat qu’il faut envisager , le médecin qui utilise à bon escient l’IA pourrait voir sa pratique s’améliorer.
— depuydt caroline (@DepuydtCaroline) 17 août 2018