Voilà près de 30 ans que je fréquente les hôpitaux. D’abord comme stagiaire, ensuite comme assistante, puis comme chirurgienne et désormais comme directrice médicale. À part dans de rares situations, je n’ai pas ressenti d’hostilité frontale envers les femmes. Par contre je constate, qu’elles sont invisibles, qu’on ne considère pas qu’elles doivent avoir de l’ambition ou que leur présence soit nécessaire dans les organes et cénacles de décision ...
Quand j’étais assistante en chirurgie, certes au siècle dernier, mais il n’y a pas 100 ans, j’ai été très interloquée lors d’une réunion de service, pourtant assez banale. J’avais la chance d’apprendre mon futur métier dans un grand service d’orthopédie où nous étions plus d’une dizaine de médecins. Je n’avais pas remarqué que j’étais la seule femme de l’équipe. À vrai dire, ce n’est pas tout à fait vrai : il y avait une autre femme, très dévouée et compétente, adorée de tous, la secrétaire du service.
Lors de cette réunion de service, nous recevions un délégué qui venait nous présenter une nouvelle prothèse. Je l’avais déjà croisé une ou deux fois. Il savait parfaitement que j’étais médecin et assistante dans le service. Lorsqu’il est arrivé, il s’agit d’un job commercial, le délégué a salué personnellement tous les membres du service en leur serrant la main : “Bonjour Docteur, bonjour Docteur, bonjour Madame, bonjour Docteur…” Il y avait donc dans ce service des docteurs et une dame, mais pas de messieurs. Etait-ce une forme de politesse, un résidu de règles de bonnes manières ?
Rien de tout ça. Simplement, ce monsieur, n’avait pas intégré que le titre de docteur pouvait être porté par une femme. Nous étions en 1994…
“On reste à des années lumières d’une parité”
J’ai continué ma route. J’avoue que, jamais comme chirurgienne, je n’ai ressenti une défiance des patients à l’idée de se faire opérer par une femme. J’ai pourtant pratiqué 10 ans de chirurgie de transplantation, une activité chirurgicale lourde comportant des risques car elle s’adresse à des patients très malades. Les patients acceptent assez facilement et naturellement de se faire soigner par des femmes. On le savait pour les soins infirmiers, je peux l’affirmer pour les soins chirurgicaux.
70% de filles dans les facultés de médecine
Par la suite, j’ai travaillé dans un grand hôpital académique. Quand j’y suis arrivée, sur une bonne vingtaine de services médicaux, seul un service était dirigé par une femme. Nous vivions pourtant déjà au 21e siècle. Depuis lors, elles sont un peu plus nombreuses, mais on reste à des années lumières d’une parité. En 2018, le Journal du Médecin s’est intéressé à la place des femmes dans le management hospitalier. Le titre : « Management hospitalier : où sont les femmes ? » résumait la situation assez clairement. Parmi les 21 présidents, CEO et directeurs médicaux des 7 hôpitaux académiques du pays, on ne retrouvait qu’une femme, la Présidente de l’hôpital Erasme. ( Lire aussi l'édition spéciale La Spécialiste n° 15-18 qui faisait déjà honneur aux consoeurs en 2015 et relayait l'appel de Catherine Fonck au ministre De Block et aux gestionnaires hospitaliers de tenir compte de la féminisation du corps médical NDLR)
Nous voici en 2019, l’ABSYM, le plus grand syndicat de médecins de notre pays, publie fièrement sur les réseaux sociaux la photo du nouveau bureau directeur du syndicat. On découvre 14 hommes et aucune femme. Avec près de 48% de femmes parmi les médecins en Belgique en 2020 et 70% de filles dans les auditoires des facultés de médecine, cette absence de femmes dans une assemblée représentative de médecins est surprenante. Lorsque j’avais interpellé le secrétaire général sur cette absence, il m’avait répondu que c’était une question de compétences, de disponibilité et d’histoire.
Les hommes, on ne voit qu’eux
Il y a quelques jours enfin, l’Académie royale de médecine de Belgique publiait la liste des nouveaux membres belges. Bingo : 5 nouveaux membres, 5 hommes ! Soyons de bon compte, il y a également 8 nouveaux membres étrangers. Sur les 8 nouveaux membres, nous comptons une femme, bravo à elle, elle doit vraiment être exceptionnelle!
Voilà près de 30 ans que je fréquente les hôpitaux. D’abord comme stagiaire, ensuite comme assistante, puis comme chirurgienne et désormais comme directrice médicale. À part dans de rares situations, je n’ai pas ressenti d’hostilité frontale envers les femmes. Par contre je constate, qu’elles sont invisibles, qu’on ne pense pas à elles, qu’on ne considère pas qu’elles doivent avoir de l’ambition ou que leur présence soit nécessaire dans les organes et cénacles de décision, de représentation et de pouvoir.
On reconnaît aux femmes une aptitude naturelle à l’écoute, il serait temps pour les hommes de développer leur aptitude à ouvrir les yeux… Pour qu’elles ne soient désormais plus invisibles et qu’elles puissent légitimement gravir aussi les échelons sur base de leur compétences, et non pas dans une conquête de quotas.
Messieurs, il est plus que temps de vous y mettre car nous, on vous voit!
Article publié également dans L Post
Les femmes sont les bienvenues à l’ABSyM.
— David SIMON (@Freedoc_be) March 9, 2021
Aucune ne s’est vue refuser de prendre des responsabilités publiques.
Elles y en sont au contraire encouragées.
Ce sont les vocations qui sont rares.@absymtweets @MediSphereHebdo @jdmedecin
On a entendu plusieurs fois que la féminisation du métier de médecins était un problème notamment car elles peuvent être enceinte... Ou que aménager les horaires pour respecter la protection de la femme enceinte était discriminant pour les hommes.
— Géraldine Chartier (@GeChartier) March 9, 2021
Merci pour cette carte blanche! Prenons la visibilité qui nous est due, n’attendons pas, tout le monde a à y gagner :-)
— depuydt caroline???????? (@DepuydtCaroline) March 9, 2021
Après avoir été longtemps hostile aux quotas, j’ai du me résoudre à l’idée que sans quotas, dans 5 siècles, rien n’aura bougé...
— Florence Hut (@florehut) March 9, 2021
Je suis pas du meme avis. Bientot faudra mettre des quotas pour les hommes en medecine. Et des quotas pour ministres competent sans doute aussi
— Sam Ward (@dr_wardsam) March 9, 2021