L'Association du Diabète juge inacceptable un avant-projet de loi du Ministre Pierre-Yves Dermagne relatif au traitement des données à caractère personnel autorisant aux assureurs l'accès systématique à des données de santé sans consentement préalable des candidats preneurs d'assurance.
L'Association du Diabète a pu prendre connaissance du texte en question. La finalité de cet avant-projet serait « (…) d'encadrer, en matière d'assurance, le traitement de données à caractère personnel concernant la santé dans le cadre de certaines finalités. Les sous-objectifs sont d'offrir d'une part, une sécurité juridique au traitement, par l'assureur et/ou le réassureur, des données à caractère personnel concernant la santé et, d'autre part, une protection à la personne dont les données à caractère personnel concernant la santé sont transmises et utilisées. (…) Enfin, de telles dispositions visent aussi à permettre une meilleure efficience dans la gestion des contrats d'assurance et en particulier des sinistres avec lésions corporelles. »
Pas de consentement
Pratiquement, l'avant-projet de loi souhaite se départir de la nécessité, pour l'assureur, de recueillir le consentement explicite de son assuré ou du bénéficiaire de l'indemnisation à la communication de ses données concernant la santé. L'auteur du texte justifie cette mesure par le fait que les assureurs exerceraient une mission d'intérêt public destinée à protéger le patrimoine de l'assuré en cas de sinistre. Toujours selon l'auteur, ce revirement législatif s'inscrirait dans l'intérêt de l'assuré dès lors que la mesure aurait pour effet notamment d'accélérer le processus d'indemnisation.
Selon l'Association du Diabète, le texte est en contradiction totale avec l'article 9.1 du Règlement général européen sur la protection des données (RGPD) qui stipule que « Le traitement des données à caractère personnel qui révèle l'origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l'appartenance syndicale, ainsi que le traitement des données génétiques, des données biométriques aux fins d'identifier une personne physique de manière unique, des données concernant la santé ou des données concernant la vie sexuelle ou l'orientation sexuelle d'une personne physique sont interdits ».
Deux exceptions
Seules deux exceptions sont possibles à l'application de cet article : si la personne concernée a donné son consentement explicite au traitement de ces données à caractère personnel pour une ou plusieurs finalités spécifiques, ou encore, lorsque le traitement de ces données est nécessaire pour des motifs d'intérêt public important, sur la base du droit de l'Union ou du droit d'un Etat membre qui doit être proportionné à l'objectif poursuivi tout en prévoyant des mesures appropriées et spécifiques pour la sauvegarde des droits fondamentaux et intérêts de la personne concernée.
L'Association souligne que les traitements de données pour motif d'intérêt public sont listés dans la loi sur le RGPD et que les traitements réalisés par les assureurs n'en font pas partie. Les entreprises d'assurance et de réassurance ne remplissent pas un rôle d'intérêt public, ajoute encore l'Association, ces dernières étant des sociétés à but lucratif dont l'objectif premier est de dégager un bénéfice. Enfin, précise encore l'Association du Diabète, le texte s'inscrit en violation de la Convention européenne des droits de l'homme qui consacre le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Les informations personnelles relatives à un patient font partie de la vie privée de celui-ci.
Quelle utilité?
Outre des questions de légalité, l'Association s'interroge sur l'utilité de cet avant-projet de loi. En effet, conformément à l'article 58 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances, le candidat preneur a l'obligation de déclarer, à la conclusion du contrat, toutes les circonstances connues de lui et qu'il doit raisonnablement considérer comme constituant pour l'assureur des éléments d'appréciation du risque. En cas d'omission ou d'inexactitude intentionnelle dans la déclaration du risque, l'assureur pourra invoquer la nullité du contrat, même en dehors de la survenance d'un sinistre, et les primes échues jusqu'au moment où il a eu connaissance de cett e omission ou inexactitude intentionnelles lui sont dues. Il est donc permis de s'interroger sur la raison pour laquelle un assureur pourrait avoir accès à l'ensemble du dossier médical d'un assuré, et ce, sans obtenir son consentement préalable.
Une menace pour le secret médical
Pour le Professeurs Régis RADERMECKER, Secrétaire Général, et Laurent CRENIER, Président de l'Association, le texte de l'avant-projet de loi est d'autant plus choquant qu'il permettrait potentiellement à tout assureur, en ce compris ceux n'ayant aucun lien contractuel avec le patient, d'avoir accès aux données médicales de ce dernier sous prétexte d'accélérer le processus d'indemnisation.
En tant qu'Association défendant les droits et intérêts des personnes diabétiques, l'Association du Diabète se montre particulièrement attentive à ces questions et considère ce texte ni plus ni moins comme une menace pour le secret médical. L'Association a d'ailleurs proposé une rencontre au Ministre Pierre-Yves Dermagne afin de lui exposer son point de vue. Pour l'heure, elle n'a encore obtenu aucune réponse du cabinet du Ministre.
Interrogé par l'Agence Belga, le ministre Dermagne s'est engagé à prendre en compte les critiques exprimées sur ce texte. "Nous ne déposerons pas cet avant-projet de loi à la table du gouvernement avant d'avoir répondu aux craintes soulevées par les associations de patients", a-t-on indiqué à son cabinet.
L'avis rendu par la Commission des assurances sur ce projet est en cours d'examen par l'administration. "Après analyse, des remédiations pourraient être apportées à l'avant-projet de loi. Il sera donc décidé à ce moment si une règlementation en matière d'accès aux données médicales sera introduite", a-t-on ajouté.
En tout état de cause, tant le Conseil d'Etat que l'Autorité de Protection des Données (APD) seront également amenés à rendre leur avis.
> Découvrir l'avant projet de loi
Lire aussi:
> Avant projet de loi menaçant le secret médical : réactions des assureurs et de Mathieu Michel
> Le bon usage des données de santé est menacé ( Dr J.de Toeuf)
1/2 C'est un scandale. Couplé à la database centralisée, il ne sera pas long que les assureurs aient bientôt accès au dossier médical complet, au nom de la rapidité du service. Et demain le pharma, ou GAFA au nom de la rapidité du service à rendre.
— jacques de Toeuf (@j_detoeuf) January 20, 2022
2/2 J'espère que praticiens et organisations de patients vont se mobiliser. Une solide mise au point est indispensable. Au secours gouvernement: le secret médical vaut plus que les assureurs. Que les médecins ferment leurs DMI et autres DMP en attendant le retrait du projet!
— jacques de Toeuf (@j_detoeuf) January 20, 2022
La pandémie offre un momentum unique pour l'esanté et l'utilisation des données à des fins d'efficience. La crise bancaire 2008 a fait de même pour la traçabilité financière. Centralisation, échange & traitement automatique de données avec son lot d'injustices & d'erreur.
— Karolien Haese (@Karolien1231) January 20, 2022
Il est con ce ministre ou quoi? Oui, donnons accès aux gentils assureurs les données des diabèteliques, une maladie instable si le patient n'est pas compliant... Cela ne va pas du tout inciter les gens à falsifier leurs données pour ne pas payer plus cher, ou de baisser les bras.
— Dr Gueben Robin (@GuebenRobin) January 20, 2022
Si ça passe, je supprime en une fois tous mes sumehrs et je désactive tous mes patients du RSW. Toute façon, jamais personne ne lit ce qui s'y trouve.
— Docteur C - Capsule Médicale ⚕️ (@MedicaleLa) January 20, 2022
J’ai déjà demandé au RSW qu’ils effacent tous mes SUMEHRs
— David SIMON (@Freedoc_be) January 20, 2022
Les shumers de tes patients. Cela me semble tout autant abusif que de les mettre sans le consentement de ceux-ci. Ils ont eu un mot à dire à ce sujet tes patients?
— Dr Thomas Orban - L’Union fait la Force (@OrbanDoc) January 20, 2022
OK. Ce que je suggère n'est pas de supprimer le dossier médical tenu par les prestataires, mais de le rendre inaccessible et non communiquant avec les tiers, surtout avec les database en lien avec le(s) centralisateur(s) en dehors de contacts interpersonnels directs.
— jacques de Toeuf (@j_detoeuf) January 21, 2022
A ma connaissance rien d'utilisable n'existe. Et jusqu'ici ni l'Ordre, ni les syndicats médicaux, ni les concepteurs de logiciels, ni les organisations (mutuelles ou autres) qui prétendent représenter les patients ne se sont montrés à la hauteur du problème.
— Baudouin Petit (@strixbubo) January 21, 2022
Derniers commentaires
Erik FRANCOIS
23 janvier 2022Je consulte tous les jours soit le RSW/RSB. C'est fort imparfait, mais bon, on y trouve souvent pas mal de documents. Chaque fois je me dis que je ne voudrais pas y être, personnellement. Le risque (indiscrétions, informations fausses, informations non relevantes) dépasse souvent le bénéfice (quelques informations un peu plus complètes que l'anamnèse). Si on continue dans la voie de ce projet de loi, je pense que nombre de médecins et patients commenceront à tenir des dossiers privés, parallèles. Et ce serait une bonne chose.
Alain HENSENNE
20 janvier 2022Très heureux de ne pas être sur le réseau santé publique.
Pierre Bachez
20 janvier 2022C’est un scandale ! Ce ministre socialiste travaille pour qui? Le patient qu’il devrait protéger ou les multinationales des assurances !? Peut-être souhaite t-il par la les remercier de l’aide pour les sinistrés des inondations…. J’espère que notre Ordre des Médecins va réagir.
Charles KARIGER
20 janvier 2022Nihil novi !
Consœurs, Confrères, où regardiez-vous pendant toutes ces années ?
Loi du 25 juin 1992 Loi sur le contrat d'assurance terrestre , article 95:
... Pour autant que l’assureur justifie de l'accord préalable (de préférence, mais...) de l'assuré, le médecin de celui-ci transmet au médecin-conseil de l'assureur un certificat établissant la cause du décès.
Lorsqu'il n'existe plus de risque POUR L'ASSUREUR, le médecin-conseil restitue, à leur demande, les certificats médicaux à l'assuré ( :-) ) ou à ses ayants-droit.
[Qui en font ce qu'ils veulent et ne sont tenus à aucun secret, aucune discrétion !]
Source: https://assurance.be/telecharger/loi-contrat-assurance-terrestre.pdf