Télémonitoring: une solution d’avenir? (KCE)

De nombreuses initiatives de télémonitoring de patients atteints de COVID-19 ont vu le jour, en Belgique et partout dans le monde. Leur but : alléger la pression sur les hôpitaux et réduire la charge de travail des soignants de première ligne. Rétrospectivement, ces projets ont-ils atteint leurs objectifs ? C’est la question qui a été posée au Centre fédéral d’Expertise des Soins de santé (KCE) qui a analysé en profondeur 12 de ces projets.
La pression inédite exercée par le COVID-19 sur notre système de santé a poussé les hôpitaux et tous les professionnels de santé dans leurs derniers retranchements. Mais au milieu de cette détresse, la créativité a joué et fait émerger quelques idées nouvelles. C’est ainsi qu’on a vu apparaître un peu partout dans le monde des initiatives de suivi à domicile de patients atteints de COVID-19 par télémonitoring. 
Le télémonitoring (à ne pas confondre avec la téléconsultation ndlr) consiste à surveiller à distance l’état de malades en monitorant certains paramètres comme la saturation en oxygène, la température ou la fréquence respiratoire, et/ou en leur demandant d’évaluer régulièrement leur état de santé en répondant à quelques questions. Ces données sont ensuite transmises par voie électronique (généralement via une application) à une équipe de télémonitoring, qui peut ainsi évaluer l’état du patient et décider d’éventuelles actions à entreprendre. En surveillant ainsi les patients atteints de COVID-19 à leur domicile, on espère alléger l’occupation des lits d’hôpitaux en évitant ou en raccourcissant les hospitalisations, et réduire la charge de travail des soignants de première ligne.
Une convention avec l’INAMI
Dans notre pays, de nombreux projets de télémonitoring de patients COVID-19 se sont développés spontanément sur le terrain. Dès la fin 2020, ils ont pu faire appel à un financement de l'INAMI sous certaines conditions, via une convention temporaire. Ce sont ces projets qui ont été analysés rétrospectivement par le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) à la demande de l’INAMI, et mis en perspective avec 164 projets similaires à l’étranger qui ont fait l’objet de publications scientifiques internationales. 


Douze projets ont été passés au crible afin d’identifier ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné, l’idée étant de tirer les enseignements de cette expérience ‘forcée’ afin de pouvoir mettre en place un cadre solide, non seulement en vue d’éventuelles autres pandémies à venir, mais aussi pour envisager une utilisation plus large du télémonitoring dans la médecine quotidienne. Les chercheurs du KCE ont examiné à la fois l’organisation des projets, leurs aspects techniques et les résultats obtenus, mais aussi la satisfaction des bénéficiaires et des prestataires de soins impliqués. 
Les douze projets examinés dans le cadre de ce rapport ont inclus un peu moins de 700 patients pendant les 6 premiers mois de 2021. Ceci ne représente toutefois que le « sommet de l’iceberg » du télémonitoring du COVID-19 dans notre pays. De nombreux autres projets ont en effet été lancés en dehors de la convention INAMI par des établissements de soins ou des médecins généralistes.
Le regard des patients
Les patients posent un regard globalement positif sur cette expérience. Ceci ressort des interviews  menées auprès des patients belges pour les besoins de cette étude, mais aussi de la littérature internationale. Ils se sont sentis rassurés par le dispositif mis en place et ont beaucoup apprécié le contact humain, en plus des aspects technologiques. L’utilisation des appareils de télémétrie n’a guère posé de problèmes, à part quelques difficultés techniques rapidement résolues.
Des soignants motivés mais critiques
Tant les membres des équipes de télémonitoring que les soignants de première ligne interrogés (médecins généralistes, infirmiers à domicile) sont d’avis que le télémonitoring est une intervention utile et qu’elle pourrait constituer à terme une solution à la surcharge des hôpitaux. Ils soulèvent cependant plusieurs points problématiques, comme le manque d’intégration entre les lignes de soins. Ceci inclut notamment la question de l’accès aux données (certains intervenants ont dû travailler sans possibilité d’accès aux dossiers des patients) et la question du partage des responsabilités (p. ex. qui doit faire quoi lorsqu’un seuil d’alerte est dépassé ?), ou encore le besoin de nouvelles formes de collaborations et de communication entre les différents acteurs.
Des conclusions difficiles à tirer…
Tant dans les projets belges que dans ceux décrits dans la littérature scientifique, les chercheurs du KCE ont constaté beaucoup de diversité en ce qui concerne les critères d’inclusion des patients, les paramètres monitorés, la fréquence des mesures, etc. Idem pour la composition des équipes et leurs modalités d’interactions avec les soignants de première ligne. 
En raison de cette hétérogénéité entre projets, il n’a pas été possible de tirer des conclusions générales sur la qualité, l’efficacité et le rapport coût-efficacité des soins dispensés. Il n’a pas non plus été possible de déterminer si les objectifs de diminution du nombre de visites aux urgences ou d’hospitalisations, des durées de séjour à l’hôpital et/ou de la pression sur les prestataires de soins de première ligne ont été atteints. Mais il est vrai que ces projets, mis en place dans l’urgence, n’avaient pas été conçus pour collecter des données scientifiques, mais bien pour parer au plus pressé dans des circonstances particulièrement stressantes. 
…mais globalement positives
Les chercheurs du KCE concluent néanmoins que le concept est viable et qu’il mérite de faire l’objet de réflexions plus approfondies. Le KCE recommande que la convention INAMI soit maintenue tant que les hôpitaux seront sous pression à cause du COVID-19, et dans l'attente de preuves scientifiques supplémentaires sur l'efficacité et le rapport coût-efficacité des traitements dispensés. 
Pour ce projet – et tous les éventuels autres projets de télémonitoring à venir – il sera cependant nécessaire de clarifier le rôle et les responsabilités de chacun des prestataires de soins impliqués, de développer un cadre conceptuel commun, d’établir des partenariats entre les différentes lignes de soins, de partager les données de manière plus efficace (idéalement via un dossier patient informatisé accessible aux différentes lignes de soins), etc. Les experts du KCE recommandent également de rester attentifs à la convivialité de la technologie et à l’égalité d’accès pour les patients vulnérables, plus âgés ou défavorisés.

> Synthèse du rapport du KCE

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