Quasi un quart (24%) des spécialistes francophones n’ont pas eu le temps, depuis la 1ère vague de covid, de recharger leurs batteries. 29%, d’ailleurs, n’ont pas (encore) pris de vacances cet été. Moins d’un sur trois s’estime à même de s’investir avec la même implication qu’au printemps dernier en cas de regain des cas. C’est là quelques-uns des enseignements du sondage exclusif mené par Le Spécialiste durant le mois d’août.
Visiblement, les MS ne sont pas remis du printemps 2020. Ils sont 71% à répondre qu’ils n’ont pas récupéré physiquement et mentalement - ou du moins ‘pas suffisamment’ - depuis la fin de la 1ère vague (voir graphique). Quand on leur demande s’ils seraient capables de s’impliquer avec autant d’énergie au besoin, 51% répondent, en mode bon petit soldat, ‘non, mais il le faudra bien’. Pour 13,5%, c’est ‘non’ tout court.
Grosse fatigue
40% des participants déclarent qu’ils ne sont pas prêts pour une 2ème vague. En cause ? L’explication qui domine les contributions cette question ouverte est, incontestablement, la fatigue. Un harassement physique, dû pour certains à la charge de travail durant la crise ou à la cadence de rattrapage ultérieur des soins reportés.
Une fatigue mentale aussi, plus d’un participant soulignant la difficulté d’évacuer la pression émotionnelle longuement subie. Mais dans les raisons avancées pour expliquer ne pas être prêt à affronter une saison 2, les appréhensions financières se taillent également une bonne place. Quid si on reconfine? Quid si les hôpitaux sont remis à l’arrêt ? Un répondant a résumé sa situation par deux adjectifs: «épuisé» et «endetté».
Si on fait fi de cet épuisement, les spécialistes disposent-ils de tout ce qui leur serait nécessaire pour affronter un regain de cas (matériel, guidelines…) ? Les ‘oui’ et les ‘non’ rivalisent à 50-50. Qu’est-ce qui fait défaut, d’après le camp des ‘non’ ? Différents éléments sont au coude à coude. Il s’agit surtout de consignes claires et cohérentes pour la prise en charge des patients, qui ne changent pas sans cesse, avec des plans bien pensés, et de matériel (de protection individuelle mais aussi de prélèvement), disponible en quantité et fiable en qualité. Autre manque identifié, en phase avec ce que nous écrivions plus haut : des garde-fous assurant des rentrées financières.
Confirmé par les directions
Les femmes et les hommes qui ont lutté contre le coronavirus sont donc fatigués, éprouvés. La Dr Catherine Winant, l’une des directrices médicales des hôpitaux du groupe Jolimont (Mons et La Louvière) confirme cet état de corps et d’esprit: «c’est un ressenti global dans l’hôpital. Je le ressens d’ailleurs moi-même en ayant été en première ligne du matin au soir. Les médecins sont très marqués».
Après la première vague, les médecins et les autres intervenants avaient besoin de congés, explique encore le Dr Winant. Elle acquiesce à la lecture des chiffres du sondage: «je vois que 64% des médecins ont pris des congés. Moi-même, j’en ai pris, même si je suis toujours un peu fatiguée. Mais comme on peut le voir également, 29% des répondants ne sont pas encore partis et 7% n'ont pas eu le temps de prendre des vacances. Chez nous, certains chirurgiens n’en ont pas pris pour assurer le suivi de leurs patients. D’autres n’ont pas voulu arrêter parce qu’ils avaient été touchés financièrement par la crise.»
Figure: Avez-vous eu le temps de «recharger vos batteries», de récupérer physiquement et mentalement, depuis la fin de la première vague?
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