Face aux cocoricos saluant l’ouverture des nouveaux centres de psychiatrie médico-légale (avec douche, accès internet, etc. pour chaque détenu), le Dr Dockx a voulu prendre la plume. Pour nombre de personnes incarcérées dans les prisons belges, la réalité reste en effet bien différente, et le médecin a donc décidé de convier le ministre Geens à venir découvrir en personne la vie des détenus.
À l’approche de la remise du prix annuel de la Ligue flamande des droits de l’homme, le 14 décembre prochain, le Dr Jan Dockx a tenu à interpeller le nouveau ministre de la Justice au travers d’une série de questions extrêmement pertinentes. Il fait aussi explicitement référence au symposium organisé le 27 septembre dernier par l’Académie de Médecine et le Vlaams Geneeskundigenverbond (lire aussi Le Spécialiste 14-14).
Les conclusions quant aux conditions d’internement des détenus dans les prisons belges étaient tout simplement choquantes. Le Dr Dockx avait déjà mis le sujet sur le tapis dans le passé et il est revenu à la charge auprès des organisateurs du prix des droits de l’homme. Lui-même convié à la cérémonie du 14 décembre, il a déclaré tout de go qu’il ne voyait pas l’intérêt d’y assister si la remise du prix ne s’accompagnait pas d’un débat avec le ministre. Son message à Koen Geens est sans équivoque: «Il lui reste un mois pour revoir sa politique avant la remise du prix, et je l’invite aujourd’hui à venir faire un séjour en prison.» Si le ministre devait accepter cette invitation, il a quelques conseils à lui donner…
Les questions du Dr Dockx au ministre Geens
Les deux nouveaux centres de psychiatrie médico-légale (CPML) n’accueilleront que les détenus les plus gérables et sans risques. Les quelque 500 personnes incarcérées qui souffrent de graves psychoses resteront donc privées de traitement. Comment ce problème va-t-il être résolu?
Le ministre peut-il garantir que ces deux centres ne vont pas se muer en prisons ordinaires faute d’un nombre suffisant d’infirmiers psychiatriques?
Les conseils du Dr Dockx au ministre Geens
Conseils du Dr Dockx au ministre pour un éventuel séjour en prison par le biais de la ligue flamande des droits de l’homme:
Le Dr Dockx convie le ministre à passer 24 heures en cellule avec lui à la prison d’Anvers, construite en 1855. Il aura le choix entre une cellule de 9 personnes avec une seule toilette ou une cellule de 3 personnes (de 2 mètres sur 3). «Je me contenterai d’un matelas posé à même le sol. Au cours de l’après-midi, nous pourrons prendre l’air pendant une heure. Qu’il se prépare à partager sa cellule avec des codétenus dont la moitié parlent une autre langue et dont une proportion similaire souffre de troubles de santé mentale. Il devra également accepter d’abandonner son gsm dans un casier à son arrivée.»
«J’espère que cette expérience lui fera prendre conscience qu’il est impossible d’installer une douche dans chaque cellule. Son prédécesseur avait même proposé de les équiper toutes d’un téléphone et d’internet… alors même qu’il n’y a pas de place pour la table et la chaise prévues dans la législation de base.»
«Avec un peu de chance, nous pourrons aller prendre une douche ensemble et échanger nos expériences. J’espère du reste qu’il possède un excellent système immunitaire, car l’Aspergillus niger y a élu résidence! Conseillez-lui également de prévoir de quoi se protéger les yeux pendant la nuit, afin que la peinture qui s’écaille n’hypothèque pas l’exécution de ses fonctions ministérielles dans les semaines à venir.»
«Pas besoin de se munir de sous-vêtements: en vertu de la loi, il pourra exiger qu’on lui en fournisse. Je profiterai aussi de l’occasion pour lui rappeler que la prison d’Anvers est surtout un lieu d’enfermement provisoire, dont 70% des détenus attendent encore d’être jugés et sont donc stricto sensu innocents jusqu’à nouvel ordre.»
«Je me réjouis à l’idée de passer un agréable séjour en sa compagnie et je me permets, s’il fume du cannabis, de lui conseiller de le laisser au vestiaire s’il ne veut pas que les chiens chercheurs de drogue viennent lui explorer l’entrejambe avec une insistance de mauvais augure.»
«La règle de la maison veut que le dernier à entrer ferme la porte à verrouillage électronique. Attendez le signal avant de pousser la poignée. Si le ministre accepte mon invitation, je lui communiquerai le code du parking à côté de la prison.»
«Je pense qu’une telle expérience pourrait avoir une grande importance pour sa politique future. Et après notre libération, je l’inviterai à manger dans un bon restaurant pour se remettre des privations encourues.»