En cette période d’affaires courantes, négocier un budget des soins de santé n’est pas un exercice facile. « En réalité, cela ne l’est jamais, vu toutes les composantes autour de la table, mais la donne se complexifie un peu plus cette année », nous dit cet habitué néerlandophone de l’exercice, qui insiste sur le rôle central de Frank Vandenbroucke. « Il pèse sur le Comité de l’assurance, la Commission de contrôle budgétaire, l’accord Médicomut... Cela pourrait créer des tensions avec ses futurs partenaires de majorité si les dépenses ne sont pas maîtrisées. »
Norme de croissance et index
Cette semaine, le budget santé 2025 a été discuté au sein du Comité de l’assurance de l’INAMI avant d’être soumis au Conseil général le 21 octobre.
Le projet de budget affiche un objectif de dépenses pour 2025 de 39,812 milliards d’euros. Toutefois, après déduction des budgets non affectables et des corrections pour sous-utilisations et réserves, les estimations techniques révisées s’élèvent à 39,829 milliards d’euros, soit un potentiel déficit de 216,8 millions d’euros.
Face à ces chiffres, le Comité de l’assurance a tenu à souligner que l’absence de fixation de l’objectif budgétaire pour 2025 d’ici le 31 décembre 2024 pourrait plonger le système de soins de santé dans une période d’incertitude. Comme nous l’explique le Dr Jacques de Toeuf, de l’ABSyM, il faut impérativement un accord : « En suivant la procédure légale (la norme de 2,5 % et l’index) et si le Conseil général approuve le budget, il faut espérer que le gouvernement fédéral intérimaire laissera passer la note budgétaire pour que les soins de santé soient financés l’année prochaine. »
Cinq représentants attentifs
En coulisses, cela veut aussi dire que les cinq représentants du gouvernement doivent unanimement décider de ne pas mettre de veto. Si un seul représentant met son veto, le budget ne passe pas : pour rappel, Vooruit, le CD&V et le MR sont en négociation actuellement et pourraient se tendre ou se fâcher d’ici au 21 octobre, jour du Conseil général. On comprend mieux en quoi cet équilibre est très fragile.
Quels dépassements ?
Une fois que le Conseil général aura validé les montants budgétaires, les intervenants de la Médicomut ne pourront pas s’écarter des pistes données par le Conseil général.
L’analyse menée par la Commission de contrôle budgétaire a mis en lumière plusieurs secteurs critiques pour lesquels le dépassement des objectifs budgétaires partiels est jugé alarmant. Parmi eux figurent les honoraires médicaux, les implants, les spécialités pharmaceutiques et les soins dentaires, qui totalisent à eux seuls 92 % du dépassement global. L’ensemble de ces secteurs affiche un dépassement de 501,4 millions d’euros, nécessitant des mesures d’économies urgentes.
Afin de contenir ces dérives, le Comité de l’assurance a proposé un ensemble de mesures d’économies structurelles qui entreront en vigueur dès le 1er janvier 2025. Une demande d'économie de 88,4 millions d'euros sur les traitements oncologiques et une réduction de 20 % pour les médicaments orphelins sans brevet. Les téléconsultations , en forte hausse, seront suspendues en 2025, avec une révision des règles pour 2026. ( Lire 5,6 millions de téléconsultations en 2023 : les remboursements suspendus à partir de 2025 Certaines consultations spécialisées verront leurs tarifs réduits. Le secteur des implants, malgré une réduction de budget de 10 millions, reste une priorité pour maîtriser les dépenses. Un effort est également demandé aux soins dentaires. ( Lire Budget soins de santé 2025 : La proposition du Comité de l’assurance au Conseil général )
Quels moyens pour 2025 ?
En raison de la situation budgétaire difficile, le Comité de l’assurance ne prendra pas de nouvelles initiatives en 2025. Le Bureau fédéral du Plan prévoit une augmentation annuelle moyenne de 3,3 % des dépenses de soins de santé au cours de la prochaine législature (sans tenir compte des recettes des médicaments), et cela, à politiques constantes. Le Comité de l’assurance demande aux différentes commissions de convention de faire des propositions concrètes de simplification administrative lors du premier semestre 2025.
Il reste évidemment quelques questions hors du budget soins de santé !
Financement du personnel de soutien et pensions statutaires : le Comité de l’assurance compte sur le renouvellement de ces contrats et demande donc au gouvernement de prévoir le budget nécessaire à cet effet, mais avec un retour d’information suffisant sur le retour sur investissement (comme des informations – publiques – sur le ratio patient/infirmière et patient/soignant, ou des informations sur les ratios personnel soignant nombre ETP/patient, nombre d’infirmières ETP/patient dans les hôpitaux sur la base des enregistrements existants dans les hôpitaux). Le secteur hospitalier rappelle que les pensions légales constituent une charge énorme et croissante.
Cybersécurité à la Défense ? Suite à la directive NIS2, le Comité de l’assurance demande au gouvernement de soutenir financièrement le renforcement de la cybersécurité. Il est aussi réaliste que ces dépenses soient à terme financées via le budget de la Défense dans le cadre d’une approche collective coordonnée par le Centre pour la cybersécurité.
Dossier patient intégré et électronique : un total de 29 millions d’euros a été alloué à l’INAMI dans le cadre du plan de relance européen pour investir dans les TIC visant à soutenir les collaborations multidisciplinaires et les prescriptions numériques jusqu’en 2025. Le Comité de l’assurance demande un suivi.
Il reste à espérer que les propositions du Conseil général seront validées par le Conseil général et ensuite par le gouvernement, permettant ainsi de garantir la stabilité et le financement nécessaire au bon fonctionnement de notre système de soins de santé en 2025.
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