Comment retrouver un équilibre entre la spécialisation des professionnels de santé et la fragmentation des parcours de soins? Les auteurs du rapport Health Prospecting 2023 avancent plusieurs solutions.
Dans un rapport d’une quarantaine de pages, Antares Consulting présente, à la demande d’ING, un benchmarking international (1) sur l’organisation pratique des soins et propose quelques pistes pour résoudre l’équation complexe auquel de nombreux systèmes de soins doivent faire face actuellement : pénurie de soignants, nécessité de délégation et de spécialisation de certaines tâches, perte de sens…
«Le secteur de santé belge fait face à de nombreux enjeux, avec des modèles organisationnels peu adaptés aux besoins de la population et aux nouveaux requis de prise en charge, de nombreux moteurs de changement au niveau global et national, une crise sanitaire qui a fortement impacté les professionnels et dont l’on ressent encore les effets aujourd’hui et une situation économique difficile pour le pays en général et pour les hôpitaux en particulier», diagnostiquent les auteurs du rapport Health Prospecting 2023. «Tous ces éléments viennent mettre une pression forte sur les organisations, les professions et les professionnels et sur la force de travail en général.»
Face à ce constat, Antares Consulting propose des réflexions au niveau macro, meso et micro pour pouvoir faire évoluer notre système de santé dans le contexte actuel.
Dans cet article, nous détaillerons plus particulièrement le niveau micro.
Les auteurs du rapport conseillent de recentrer les tâches sur le cœur de métier, de maximiser l’Appropriate Care et de veiller au bien-être des professionnels de santé.
Recentrer les tâches
«Les équipes sur le terrain constatent régulièrement un éparpillement des professionnels sur des tâches qui ne sont pas le cœur de leur métier, qui mène à de la frustration et une perte de sens dans les métiers», constate Antares Consulting, qui se réfère à une expérience récemment menée dans un hôpital belge, où les infirmiers soulignaient qu’une partie importante de leur temps était consacrée à des tâches pour lesquelles leur formation n’avait pas de valeur ajoutée. «Une discussion a été lancée avec le département administratif, médical, informatique, la pharmacie, le département des soins, le laboratoire et la logistique pour redistribuer les tâches et assurer que chaque acteur jouait pleinement son rôle. Cette démarche a permis de comprendre les réalités de chacun, de créer plus de transversalité entre les parties prenantes et de chercher des solutions réalistes.»
Minimiser la variabilité clinique
Antares Consulting conseille de maximiser l’Appropriate Care. On peut définir cette adéquation des soins, comme «la capacité à dispenser des soins de santé adaptés aux besoins cliniques, eu égard aux connaissances scientifiques du moment». Elle peut être évaluée en comparant la pratique médicale aux recommandations cliniques ou en analysant la variabilité géographique des pratiques. «Dans un climat de tension sur les professionnels de santé, il est crucial de mettre l’accent sur l’implémentation pratique de l’Appropriate Care et de minimiser la variabilité des pratiques afin de garantir à la fois la qualité et l’équité des soins mais également un meilleure utilisation des ressources médicales et du temps des professionnels alloués.»
Veiller au bien-être des professionnels
«La pandémie du Covid a eu un effet important sur les professionnels de santé, qui ont subi une pression énorme, avec des professionnels épuisés, découragés ou dégoûtés par ce qu’ils ont vécu. Cela a changé même la priorité des professionnels, avec une approche différente qui impacte encore les institutions de santé», constate Antares Consulting.
En France, l’Ordre National des Infirmiers a réalisé une consultation qui montre l’importance de renforcer l’attractivité des professions de santé:
85% des infirmiers jugent leurs conditions de travail dégradées depuis le début de la crise sanitaire et 54% des salariés d’établissements publics estiment traverser un burn-out, avec des effets préjudiciables sur la qualité des soins.
Selon une étude récente de Mabona et al., il faut cinq conditions pour créer un environnement de travail sain pour les infirmiers: un besoin de leadership, une communication efficace, un esprit d’équipe, un travail en groupe efficace et de l’autonomie professionnelle.
Par ailleurs, une étude du KCE a démontré que les hôpitaux offrant un meilleur environnement de travail (sur des facteurs comme la participation à la politique hospitalière, la qualité des relations médecin-infirmier, le leadership infirmier, etc) avaient à la fois un risque de burn-out et une intention de quitter le travail plus bas, et une meilleure perception de la qualité des soins dispensés.
Le rapport Health Prospecting insiste également sur la nécessité de redonner du sens et de susciter les vocations. «Ce constat est très partagé par rapport à l’avenir de la force de travail dans le système de santé belge. Le professionnel de santé trouve du sens dans son travail dès lors qu’il a la capacité d’accorder le temps nécessaire au patient. En effet, parmi les problèmes à l’origine de la perte de sens du métier, on compte l’incapacité des soignants à mener à bien les missions pour lesquelles ils se sont engagés. Il est nécessaire de revenir aux fondamentaux des métiers de soin: permettre à chaque soignant de prendre le temps nécessaire pour s’occuper du patient.»
Facteurs influençant les professionnels de santé pour rester ou quitter leur poste actuel |
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Facteurs positifs |
Facteurs négatifs |
Faire un travail qui a du sens |
Ne pas être valorisé par l'organisation |
Des interactions positives |
Rémunération insuffisante |
Des coéquipiers bienveillants et confiants |
Pas d'équilibre entre vie professionnelle et vie privée |
Une bonne santé |
Charge de travail ingérable |
Un environnement sûr |
Meilleur emploi |
Se sentir impliqué au travail |
Pas valorisé par le manager |
Antares Consulting, sur base d’un article de mai 2023 de McKinsey sur les infirmiers aux Etats-Unis (1).
1. Ces pays sont l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, la France, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse.
En comparaison avec les autres pays, la Belgique a relativement peu de médecins et est dans la valeur médiane pour les infirmiers.