Depuis le 1er mai 2018, les médecins, en société ou en personne physique, peuvent être déclarés en faillite. Le professeur Rombouts, vice-président du Conseil national de l’Ordre des médecins, explique ce que cela change pour les praticiens et comment ils peuvent être accompagnés.
A la suite d’une révision et d’un élargissement du droit d’insolvabilité des entreprises, les titulaires d’une profession libérale peuvent être déclarés en faillite. Les médecins, pratiquant en personne physique ou en société, sont donc concernés - au même titre que les architectes ou les avocats, par exemple. L’Ordre est convié par le législateur à trouver et former des «co-praticiens de l’insolvabilité» - un nouvel intervenant devant être médecin lui aussi. Il est censé œuvrer en tandem avec le curateur désigné par le Tribunal (non plus de commerce mais de l’entreprise).
«Que les médecins puissent faire officiellement faillite est une nouvelle décoiffante», commente le Pr Rombouts, vice-président du Conseil national de l’Ordre des médecins. «L’ancien code de déontologie distinguait la médecine d’un commerce. Dans le nouveau, la notion a été supprimée. Les titulaires de professions libérales sont à présent assimilés à des entrepreneurs. Tant en personne physique qu’en société, ils doivent avoir un numéro d’entreprise.»
Or, la notion d’entrepreneuriat sous-entend l’éventualité d’un échec. Le législateur a voulu accorder une seconde chance à qui s’embourbe dans des déboires financiers. Auparavant, aucune procédure légale ne permettait de déposer un bilan. L’issue était le règlement collectif de dettes, qui pouvait prendre des années. «Une faillite, c’était un coup dur dont on ne se relevait pas», conforte Jean-Jacques Rombouts. «A présent, on a ‘déstigmatisé’ la faillite dans la loi, qui ouvre la possibilité d’un nouveau départ.»
Les professions libérales étant donc désormais soumises aux procédures d’insolvabilité, les médecins peuvent recourir à la réorganisation judiciaire ou à la faillite. Dans certains cas, un effacement de dettes (du moins celles liées à leurs activités professionnelles) peut leur être octroyé par le tribunal. Une autre différence est qu’avant, «quand il y avait reprise d’une activité, l’argent gagné servait à éponger les dettes. A présent, les sommes acquises postérieurement à la faillite restent en principe propriété du médecin», développe-t-il.
Repratiquer sans condition?
La loi en elle-même n’empêche pas un médecin qui aurait connu une banqueroute à la suite - imaginons - de problèmes psychiatriques de redémarrer son activité, fait-il remarquer. «Le tribunal ne prononcera pas forcément d’interdiction professionnelle. Mais, parce qu’il faut néanmoins protéger la société, il y a une responsabilité des régulateurs: l’Ordre des médecins et les Commissions médicales provinciales doivent être informées des faillites, apprécier l’existence d’un danger pour de futurs patients et s’opposer le cas échéant à ce que le médecin exerce à nouveau.»
Depuis l’avènement du nouveau système, l’Ordre recense une dizaine de sollicitations pour des affaires de faillite. Il y a déjà eu trois cas en Flandre orientale.
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