Sur le terrain, certaines mesures compliquent fortement la vie des médecins, des spécialistes et des équipes soignantes. Parmi celles-ci, le Dr Caroline Depuydt, psychiatre, cheffe de service à la clinique Fond’Roy, pointe la pratique des mises en observation (MEO) en psychiatrie, encadrée par la loi, qui est censée être un ultime recours, rare, pour garantir la sécurité des patients et de leur entourage.
Le sujet est d’autant plus important qu’il touche à l’une des thématiques centrale de la santé en cette période électorale : la santé mentale. « Dans notre quotidien, cette pratique est devenue un sujet de préoccupation majeure, de par son augmentation incontrôlable, pour les professionnels de santé. Cela révèle les lacunes d’un système, le manque criant de places et le délaissement qu’ont à souffrir ces patients ainsi que les soignants qui s’en occupent. »
Pour rappel, l'hospitalisation sous contrainte en psychiatrie est régie par des critères stricts. Pour qu'elle soit autorisée, trois conditions doivent être simultanément remplies : la présence d'un danger imminent pour le patient et/ou pour autrui, une crise liée à une maladie mentale en phase aiguë, et l'absence d'alternatives thérapeutiques volontaires, souvent marquée par un refus des soins. Cette mesure, limitée à une durée maximale de 40 jours, se déroule dans des services psychiatriques fermés, et nécessite l'approbation d'un juge de paix ou d'un procureur du roi.
Aucune réponse satisfaisante
Sur le terrain, la Dr Caroline Depuydt rappelle à qui s’adressent ces soins : « Les patients susceptibles d'être soumis à une hospitalisation sous contrainte sont souvent ceux qui souffrent de troubles psychiatriques sévères et complexes, associés à une anosognosie, soit une incapacité à reconnaître leur propre maladie. Ces individus se retrouvent fréquemment en situation de précarité, parfois sans domicile fixe. De plus, parmi eux, on compte également un nombre significatif de réfugiés et de demandeurs d'asile, confrontés à des traumas psychologiques complexes. »
Aujourd’hui, selon elle, « ce système est actuellement plongé dans une crise majeure, que nous dénonçons depuis des années, mais face à laquelle aucune réponse satisfaisante ne nous est donnée. Entre 2016 et 2023, le nombre de MEO a augmenté de plus de 50%, tandis que les ressources disponibles ont diminué de manière significative. À titre d’exemple, à Bruxelles, il y avait 977 MEO en 2016 et 1540 en 2023. Alors que d’un autre côté, avec le lancement des unités HIC (High Intensive Care) des dizaines de lits psychiatriques ont été gelés, dans des régions qui souffraient déjà d’un manque de places. »
La pression sur les médecins et les soignants
La surcharge des services spécialisés entraîne une pression supplémentaire sur les soignants, augmente singulièrement la dangerosité dans ces services et risque d'altérer la qualité des soins. La Dr Caroline Depuydt le vit sur le terrain : « Ces services sont obligés d'accueillir plus de patients que de lits disponibles et se retrouvent constamment en surnombre. La responsabilité médico-légale engagée par ce type de situations est énorme et très interpellant. »
Prendre rapidement des mesures
Face à cette explosion des hospitalisations sous contrainte en Belgique, selon elle, il est impératif que les autorités prennent des mesures concrètes pour réformer et renforcer le système des mises en observation, leur amont et leur aval. « Les services d’urgences psychiatriques nécessitent également une attention soutenue vu leur rôle central tant dans le cadre des hospitalisations sous contrainte que dans le cadre plus général de la crise de santé mentale en Belgique en 2024. »
Pour le Dr Caroline Depuydt, « les MEO nécessitent un engagement politique accru, des investissements dans les ressources humaines et matérielles, ainsi qu'une collaboration étroite entre les différents acteurs du secteur de la santé. L'objectif ultime doit être de garantir un accès équitable et de qualité aux soins psychiatriques, tout en préservant les droits et la dignité des patients, surtout des plus déshérités et précarisés dont nous parlons ici. »
Le message doit être transmis à deux mois des élections. À noter que cette problématique, ne figure malheureusement pas, à ce stade, en bonne place dans les différents programmes électoraux que nous avons pu vous faire découvrir depuis le début du mois d’avril. À bon entendeur...