Fin juin, la SSMG ouvrait eCrash, un formulaire interactif permettant aux MG de lui faire part de difficultés qu’ils rencontrent en employant les outils de l’e-santé. Elle dénombre plus de 125 contributions, et un petit lot de questionnements de fond. MyCareNet mène la danse des outils concentrant le plus de doléances.
La Société scientifique l’a souligné dès le départ: son appel à témoignages n’a pas pour but d’alimenter un combat d’arrière-garde contre l’informatisation; il vise à éclairer les autorités sur l’adéquation et/ou le fonctionnement parfois suboptimaux de certains systèmes électroniques dont les généralistes sont priés, de plus en plus instamment, de se servir dans l’exercice de leur métier.
Quels premiers constats tirer de cette initiative, un mois après lancement? Tout d’abord que, même si l’été pousse à la déconnexion professionnelle, les MG francophones ont saisi la balle au bond. La cellule e-santé de la SSMG, à la base de l’initiative, recense plus de 125 notifications. Ensuite, que quatre systèmes cristallisent la frustration des généralistes. «37% des plaignants signalent des problèmes avec les outils MyCareNet, leur fiabilité, leur utilisation. Et si on additionne les plaintes sur les logiciels médicaux, le certificat eHealth et/ou la prescription électronique, on arrive à 85% des plaignants», détaille le Dr Parmentier, qui coordonne la cellule.
«On nous rapporte des choses qui ne fonctionnent pas, ou mal, des fonctionnalités qui changent sans que le médecin utilisateur soit averti au préalable... On nous signale aussi de la part de producteurs de logiciels une tendance qui confine au racket: ils proposent aux confrères des helpdesks - mais payants - pour résoudre des problèmes qui sont au moins en partie imputables à leur propre produit.»
eCrash a permis de collecter également «de nombreux courriers de fond et des interrogations sur la prise des décisions en matière d’e-santé», poursuit Vincent Parmentier. Il pointe une remarque récurrente des participants: ils ont le sentiment que les outils mis à leur disposition ont été développés sans concertation avec le terrain, sans que leur praticabilité au quotidien dans les cabinets n’ait été testée auprès des utilisateurs. «Ce qui rend leur implémentation difficile, laborieuse et de mauvaise qualité», conclut-il.
En matière de qualité, d’ailleurs, notre interlocuteur ne craint pas de jouer les Cassandre: «depuis des années, on nous dit que l’un des desseins de l’informatisation, c’est l’amélioration de la qualité des soins, laquelle dépend de la bonne tenue d’un dossier». Or, au vu des limitations ou problèmes rencontrés dans l’utilisation des outils spécifiques actuels, cette bonne tenue est-elle encore garantie? « Je crains qu’au final, le DMI puisse s’avérer moins bon que le ‘vieux’ dossier papier classique.»
Avant une lame de fond?
Autre observation, à l’heure de ce tout premier bilan: ceux qui ont procédé à des notifications de problèmes via eCrash sont des médecins qui se sont déjà mis à la dynamique e-santé, qu’on peut supposer aguerris en informatique et convaincus. «Et leur constat est sans appel», résume Vincent Parmentier. Voilà qui est inquiétant pour la suite, pronostique-t-il. Que va-t-il se passer, si ça coince déjà pour eux, quand le gros des troupes «devra s’essayer à l’e-santé obligatoire, dans quelques mois, via l’e-prescription»?
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