La perte d’audition est un problème croissant à l’échelle mondiale. Dans un rapport récent, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) prévoit que, en 2050, 1 personne sur 4 dans le monde souffrira d’une perte auditive (1). Une perte d’audition non traitée peut avoir plusieurs conséquences négatives, notamment l’isolement social, des problèmes de communication, la solitude, la détérioration de la qualité de vie et la dépression. Les études montrent toutefois qu’il existe également un lien crucial entre la perte auditive et la démence chez les personnes âgées. En effet, il s’avère que les personnes âgées présentant une perte d’audition non traitée ont 24% de risques en plus de développer une démence (précoce) que les personnes de leur âge qui ont une audition normale (2).
À ce jour, la cause exacte de ce lien n’a pas encore été identifiée, mais les 4 hypothèses suivantes sont les plus fréquemment citées dans la littérature (3). La 1ère hypothèse, la cause commune, avance que la perte auditive et la démence seraient toutes deux la conséquence d’une cause commune sous-jacente, comme le vieillissement ou des facteurs génétiques. La 2e hypothèse, la charge cognitive sur la perception, suggère qu’une capacité cognitive réduite alourdirait la charge qui repose sur la perception, altérant ainsi le traitement sensoriel. D’après la 3e hypothèse, la privation sensorielle, une perte d’audition pourrait entraîner des changements irréversibles dans la structure et la fonction du cerveau par manque de stimulation sensorielle. La 4e hypothèse, la dégradation de l’information, suppose que les personnes présentant une perte auditive auraient besoin de mobiliser davantage de capacité cognitive pour la perception auditive, laissant moins de capacité pour les autres fonctions cognitives.
Selon un rapport récent de la Lancet Commission, la perte auditive est l’un des principaux facteurs de risque traitables de la démence (4). Ce rapport estime que la prise en charge de la perte d’audition à l’échelle mondiale peut éviter jusqu’à 8% des cas de démence ou ralentir leur apparition. En outre, plusieurs études ont démontré qu’un appareil auditif (dans les cas de perte auditive modérée à sévère) et/ou un implant cochléaire (à partir d’une perte d’audition sévère) peuvent améliorer la cognition chez les personnes âgées (5, 6). La prévention et la prise en charge précoces des troubles auditifs sont donc non seulement essentielles pour améliorer la communication, mais elles jouent également un rôle important dans la réduction du risque de démence et de déclin cognitif.
Malgré les nombreuses conséquences négatives de la perte d’audition, les personnes concernées attendent en moyenne 7 à 10 ans avant de chercher de l’aide. L’OMS estime même que, parmi les personnes qui pourraient bénéficier de l’utilisation d’appareils auditifs, seule 1 sur 5 les utilise réellement (1). Le médecin généraliste peut contribuer de manière significative à la détection et au traitement précoces d’une perte auditive en rendant ce sujet abordable et en encourageant les patients à faire contrôler régulièrement leur audition et à accepter la prise en charge s’ils présentent une perte auditive. En envoyant les patients chez l’ORL à temps en cas de suspicion de perte d’audition, cela peut faire une grande différence pour eux et réduire au silence ce facteur de risque discret.