La prestigieuse American Heart Association vient de publier ses recommandations concernant l’implémentation de la télémédecine en cardiologie et en médecine cérébrovasculaire. Mais quels sont les véritables enjeux?
Plus de 85 millions d'Américains (≈ 26% de la population américaine) souffrent de maladies cardiovasculaires (MCV). Chaque année, les maladies cardiovasculaires et les accidents vasculaires cérébraux coûtent au système de santé des Etats-Unis plus de 320 et 33 milliards de dollars, respectivement. D'ici 2030, les coûts annuels des maladies cardiovasculaires et des AVC devraient atteindre près d'un billion (1012) de dollars.
Plus que jamais, le défi est d’accroître la qualité des soins tout en abaissant leurs coûts. Or, selon l’AHA, la télémédecine a le potentiel d’améliorer l'accès et la commodité des soins aux patients souffrant de maladies cardiovasculaires et d'accidents vasculaires cérébraux, en particulier pour les patients vulnérables en raison de leur localisation géographique, de leur incapacité physique, de leurs maladies chroniques avancées ou encore de leur difficultés de transport. En outre, la télémédecine devrait permettre de réduire les coûts, mais aussi d’améliorer la qualité des soins et la satisfaction des patients.
Selon la Commission européenne, l'expression «télémédecine» recouvre les différents instruments qui s'appuient sur les technologies de l'information et de la communication pour faciliter et améliorer la prévention, le diagnostic, le traitement et le suivi médicaux ainsi que la gestion de la santé et du mode de vie. Cela englobe les interactions entre les patients et les prestataires de services de santé, la transmission de données entre établissements ou la communication de poste à poste (P2P) entre patients ou professionnels de santé. Elle comprend également les réseaux d'informations médicales, les dossiers médicaux électroniques, les services médicaux à distance, ainsi que les systèmes transportables et portables, dotés de fonctions de communication, pour le suivi et le soutien des patients. |
A l’instar d'autres innovations majeures telles que les dossiers médicaux informatisés, la mise en œuvre substantielle de la télémédecine transformera vraisemblablement la pratique de la médecine, au niveau hospitalier comme à celui des praticiens qui travaillent en solo ou en groupe.
Cependant, à l’heure qu’il est, la télémédecine est sous-utilisée dans la prise en charge des maladies cardio- ou cérébrovasculaires, plusieurs contraintes culturelles, financières (remboursements des prestations, coûts des technologies…), légales (confidentialité…) ou réglementaires compliquant son implémentation.
Plus précisément, quels sont les bénéfices attendus?
Pour rentrer dans les mœurs médicales, la télémédecine devra démontrer sa plus-value dans les 6 domaines suivants.
Améliorer la sécurité: Elle devrait contribuer à prévenir les conséquences iatrogènes de certains soins grâce au suivi fréquent ou continu des patients et à la transmission en temps réel des données qu’elle permet.
Gagner du temps: Elle devrait réduire les obstacles et les retards potentiellement néfastes pour l'accès aux soins. En outre, les interventions en télésanté peuvent faciliter l'accès à des informations importantes entre les visites, mais aussi la détection précoce de la dégradation de l’état de santé.
Accroître l’efficacité: La condition est cependant de délivrer des services basés sur les connaissances scientifiques et d’éviter les interventions n’ayant pas prouvé qu’elles sont au moins aussi efficaces que leurs homologues traditionnels. Le fait qu’elles soient intuitivement attrayantes ou qu'elles permettent de recueillir de grandes quantités de données ne peut suffire à leur adoption. La télémédecine devrait en outre réduire l'utilisation inutile ou inappropriée de certains services. Les programmes de télémédecine peuvent aider à atténuer la non-adhésion médicamenteuse, qui constitue une cause commune de préjudices évitables dans les MCV et les AVC. Enfin, la télémédecine améliore la qualité des prestations de soins en rationalisant les flux d'informations (verticalement) entre patients et professionnels de la santé (soins primaires et spécialistes) et (horizontalement) entre praticiens. Les infirmières qui recourent aux visites assistées par télémédecine peuvent transmettre de manière plus efficace des recommandations médicales aux patients sur des questions de comportement (prises médicamenteuses, mesures hygiéno-diététiques).
Etre plus efficient: Elle devrait permettre d’éviter certains gaspillages. Le remplacement des consultations par des échanges vidéos permet de diminuer l'utilisation des transports, des ressources immobilières et énergétiques, tout en réduisant le volume de travail manqué tant par les patients que par les soignants. En particulier, les populations rurales et/ou à faible revenu doivent composer avec les coûts de transport, le temps et les efforts requis pour rendre visite aux praticiens des établissements de soins de santé. La télésanté (surtout à domicile) apparaît comme une alternative abordable pour répondre aux besoins de santé des populations vulnérables qui souffrent de comorbidités multiples nécessitant de fréquentes prestations de santé.
Il est clair que la monétisation de ces économies et leur utilisation pour réduire les dépenses globales en soins de santé nécessiteront de nouveaux modèles économiques de partage des coûts entre les fournisseurs, les assureurs et les patients, indépendamment des modèles traditionnels de rémunération à l’acte.
Plus d’équité: Elle doit offrir des soins qui ne varient pas en qualité en raison des caractéristiques personnelles du patient ou du prestataire, y compris le sexe, la race ou l'origine ethnique, l'emplacement géographique ou encore le statut socioéconomique.
Une démarche centrée sur le patient: La télémédecine devrait enfin permettre de délivrer des soins respectueux et adaptés aux préférences, aux besoins et aux valeurs des patients, avec pour résultat un plus grand engagement des patients. Par exemple, la Veterans Health Administration a mis sur pied un programme national de coordination des soins/télémédecine au domicile. Ce modèle permet aux patients de gérer leurs problèmes de santé à distance, tandis qu’une infirmière joue un rôle de coordination et aide les patients à naviguer dans le continuum de soins. Plusieurs études clés ont montré que ce modèle de décision partagée des Veterans Affairs abaissait le taux d’hospitalisation.
Dans de prochains articles…
Nous aborderons les technologies émergentes en matière de télémédecine et reverrons quelques programmes qui ont démontré aux USA leur valeur ajoutée en matière de santé cardiovasculaire.