Si la transplantation cardiaque constitue une option très utile dans l’insuffisance cardiaque avancée, le nombre de donneurs ne suffit malheureusement pas à combler complètement les besoins. Le cœur artificiel pourrait constituer une alternative. Qu’en est-il exactement? La réponse de Walter Droogné (Cardiologie, UZ Leuven), à l’occasion du 38e congrès annuel de la Belgian Society of Cardiology (BSC, février 2019).
Selon W. Droogné, président du Belgian Working group on Heart Failure and Cardiac Failure, le recours au cœur artificiel total est actuellement prématuré. En revanche, les dispositifs d’assistance ventriculaire gauche ont donné des résultats encourageants. Ils ont un effet bénéfique sur la survie et sont associés à une qualité de vie satisfaisante. Leur effet est probablement durable mais leur coût demeure pour le moment relativement élevé. Leur rapport coût/effectivité constitue un frein à leur remboursement dans notre pays.
Selon des données américaines émanant du 8e rapport annuel INTERMACS (Interagency Registry for Mechanically Assisted Circulatory Support), le taux de survie à 1 an des patients chez lesquels un dispositif d’assistance ventriculaire a été implanté est de 95% à 1 an et de 49% à 4 ans (1).
Les dispositifs d’assistance ventriculaire comportent un risque d’effets indésirables que les raffinements technologiques visent à mieux contrôler. C’est ainsi que l’étude MOMENTUM 3 a comparé une pompe centrifuge magnétique de type HeartMate 3 avec une pompe axiale de type HeartMate II (2). Le critère principal d’évaluation de cette étude était composite, incluant la survie à 2 ans sans accident vasculaire cérébral invalidant ou la survie sans ré-intervention rendue nécessaire par un mauvais fonctionnement de l’appareil.
Le taux de patients chez lesquels le critère a été rempli a été de 79,5% dans le groupe pompe centrifuge magnétique et de 60,2% dans le groupe pompe mécanique axiale (P < 0,001 pour la non-infériorité; hazard ratio = 0,46 et P < 0,001 pour la supériorité). Les ré-interventions pour mauvais fonctionnement ont été moins fréquentes pour la pompe centrifuge 1,6% versus 17%; hazard ratio 0,08; P < 0,001). Les pourcentages de décès et d’accidents vasculaires cérébraux invalidants ont été similaires dans les deux groupes, mais le taux global d’accidents vasculaires cérébraux a été moindre en cas d’implantation d’une pompe centrifuge (10,1% versus 19,2%; hazard ratio = 0,47; P = 0,02).
«Les progrès technologiques sont réels, mais le taux d’effets indésirables ne peut être considéré comme négligeable pour autant», commente W. Droogné. L’analyse par protocole montre que si aucune thrombose de pompe n’a été observée avec le dispositif d’assistance ventriculaire de type HeartMate 3, le pourcentage global d’accidents vasculaires cérébraux est quand même de 10% tandis que 7% de ces événements sont invalidants. Le taux de saignements intestinaux est de 27%. Ces saignements peuvent se révéler sévères, avec un recours à la chirurgie nécessaire dans 12% des cas. L’incidence des infections sur le dispositif est de 24%, celle des sepsis de 13,8%. Insuffisance du cœur droit et arythmies ventriculaires sont observées dans respectivement 31% et 24% des cas.
Des données antérieures ont évoqué une relation entre les saignements gastro-intestinaux observés avec les dispositifs d’assistance ventriculaire et un déficit acquis en facteur de von Willebrand (3). Ce risque de déficit acquis en facteur de von Willebrand serait moins élevé avec les pompes centrifuges qu’avec les pompes axiales (4). Dans l’étude MOMENTUM 3, aucune différence significative n’est toutefois observée entre les deux types d’appareil, même si l’incidence cumulative des saignements est moindre avec la pompe centrifuge. Ceci suggère que d’autres éléments entrent en jeu, comme le stress oxydatif ou des facteurs microcirculatoires.
Quelles indications?
Selon les recommandations de l’ESC (European Society of Cardiology), l’implantation d’un dispositif d’assistance ventriculaire est réservée aux patients présentant un stade avancé d’insuffisance cardiaque caractérisé par la persistance de symptômes sévères depuis plus de 2 mois en dépit d’un traitement optimal, médical et par dispositif (défibrillateur implantable, traitement de resynchronisation), avec plus d’1 des symptômes suivants: fraction d’éjection du ventricule gauche inférieure à 25%, pic de VO2 inférieur à 12l/kg/min, au moins 3 hospitalisations au cours de l’année précédente sans facteur déclenchant manifeste, déclin de la fonction rénale et/ou hépatique… (5).
Le moment optimal pour recourir à un dispositif d’assistance ventriculaire n’en demeure pas moins difficile à définir avec précision. En général, une fois qu’une procédure a apporté un bénéfice dans les cas très avancés, on envisage d’y recourir dans les cas qui le sont moins. Si le bénéfice est toujours présent dans ces situations moins critiques, il peut être de moindre ampleur dès lors que la maladie est à un stade plus favorable (6).
Le candidat idéal semble finalement être celui qui est également candidat à une transplantation mais pour lequel il n’existe pas de donneur, en se rappelant que les facteurs de risque associés à une évolution moins favorable sont superposables pour les deux options et que les patients trop avancés pour être transplantés le sont également pour un dispositif d’assistance ventriculaire.
Contre-indications
Les dispositifs d’assistance ventriculaire comportent plusieurs contre-indications relatives: âge supérieur à 70 ans, maladie rénale chronique avec taux de créatinine sérique supérieur à 3mg/dl, obésité morbide, antécédents récents d’accident vasculaire cérébral, maladie concomitante sévère telle qu’un cancer ou une cirrhose, ventricule droit défaillant… Il est par ailleurs important que le patient soit compliant et soit capable de respecter toutes les instructions qui lui seront données après l’intervention. L’évaluation doit finalement avoir lieu au cas par cas.
Pour conclure
Dans leurs recommandations, les experts européens estiment que l’implantation d’un dispositif d’assistance ventriculaire devrait être considéré chez les patients ayant une insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection réduite, en fin d’évolution malgré un traitement optimal et qui sont candidats à une transplantation. Le dispositif d’assistance ventriculaire a alors pour objectif l’amélioration des symptômes, la diminution du risque d’hospitalisation et celle du risque de décès prématuré. Il constitue dans cette situation une mesure de transition avant la transplantation (recommandation de classe IIa, niveau d’évidence C).
Le dispositif d’assistance ventriculaire peut également être envisagé dans l’insuffisance cardiaque terminale avec réduction de la fraction d’éjection chez des patients ayant un traitement optimal et qui ne sont pas candidats à la greffe. L’objectif est alors de diminuer le risque de décès prématuré (recommandation de classe IIa, niveau d’évidence B). Rappelons que dans notre pays le rapport coût/efficacité de ce type de dispositif fait débat en termes de remboursement.