«Le secteur hospitalier belge est au bord de la rupture et ne parviendra plus, à l’avenir, à assumer ses missions», prévient Yves Smeets, directeur général de Santhea en réaction à la publication des résultats inquiétants de l’étude Maha 2022 de Belfius. «Ce désintérêt et cette méconnaissance de la situation vis-à-vis des hôpitaux ne peuvent pas continuer».
Yves Smeets pointe l’augmentation extraordinairement élevée des coûts de fonctionnement (+ 8 %) qui n’ont pas été compensés par les financements émanant des autorités. «Il s’agit ici de facteurs externes sur lesquels les hôpitaux et leurs gestionnaires n’ont aucune prise : inflation galopante impactant la masse salariale mais également tous les achats et le coût des constructions, augmentation inédite du coût de l’énergie, charge des pensions des agents statutaires dans les hôpitaux publics et privés ayant du personnel statutaire mis à disposition, augmentation exponentielle des coûts liés à la cybersécurité et à la protection des données, etc.»
Voilà pour le diagnostic. Pour le remède, le patron de la fédération des hôpitaux publics wallons estime que face à «tous ces défis, le gouvernement n’a donné aucune réponse (ou très partielle) et ne prévoit pas d’en donner dans son budget 2024.»
«En ce qui concerne l’inflation, l’indexation avec plus d’un an et demi de retard des honoraires médicaux crée, en période d’inflation importante comme nous venons de la connaître, une augmentation des charges d’exploitation qui ne sont pas compensées. Dire, comme l’a fait le ministre Vandenbroucke à la Chambre le 17 octobre dernier, que l'index est appliqué par l'Inami avec un certain retard, mais qu’il sera rattrapé en 2024 car l'indexation de la masse des honoraires (6 %) est plus importante que l'inflation prévue (4,10 %), est intellectuellement malhonnête. Cette augmentation prévue en 2024 ne fera que compenser une hausse des charges antérieures et ne rattrapera jamais les charges encourues», analyse Yves Smeets.
Explosion des coûts energétiques
Quant à l’augmentation des coûts de l’énergie, les fédérations hospitalières l’évaluent à 367 millions d’euros supplémentaires en 2023 par rapport à 2021. La compensation financière de 80 millions d’euros accordée au secteur hospitalier (au premier semestre 2023) par le ministre Vandenbroucke est donc insuffisante.
Outre les moyens nécessaires pour payer les pensions des statutaires et renforcer la sécurité dans les hôpitaux, Santhea souligne que le gouvernement fédéral doit plusieurs centaines de millions d’euros aux hôpitaux au titre de rattrapages. «La dernière année complète à avoir fait l’objet d’une révision est 2015! Et on estime à plus de 160 millions d’euros par année le rattrapage dû aux hôpitaux. Le SPF Santé publique estime que pour les dossiers relatifs aux révisions 2016-2017, un montant de 387,989 milliers d'euros devrait être intégré à partir de janvier 2024. Ce montant reprendrait également le coût de l'intégration structurelle de ces rattrapages dans le budget des hôpitaux. Il ne s’agit donc pas ici d’effets à la marge, mais de près de deux milliards d’euros qui manquent dans le financement des hôpitaux, à l’heure où les taux d’intérêt remontent en flèche.»
Baisse de la qualité et des investissements
«Ce désintérêt et cette méconnaissance de la situation vis-à-vis des hôpitaux ne peuvent pas continuer”, martèle le directeur général de Santhea. “Si des mesures de refinancement importantes des hôpitaux ne sont pas prises rapidement, nous allons inexorablement assister à une baisse de la qualité des soins, de l’innovation et de l’investissement; une pression accrue sur le personnel entraînant encore davantage la fuite des (futurs) personnels de santé et une inévitable augmentation des coûts pour le patient.»
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