En ouvrant leur Programme Annuel de l’Étudiant (PAE) de 2ème année de Master en Médecine à l’Université libre de Bruxelles (ULB), les étudiants ont pour le moins été surpris. En effet, lors de l’année académique 2017/2018, la Faculté de Médecine de l’ULB a lancé un cours d’Informatique Médicale de 15 heures, dont 5 heures de travaux pratiques et 10 heures de cours théoriques. Une première au niveau des universités francophones.
Un panel multidisciplinaire d’experts s’est réuni pour donner vie à cette initiative. Parmi les professeurs on retrouve Thibaut Duvillier, administrateur général adjoint de la plateforme e-Health, Hugues Bersini, directeur de l’IRIDIA (Institut de recherches interdisciplinaires et innovations en intelligence artificielle), Jean-Michel Hougardy, directeur de la recherche biomédicale à l’ULB, Benjamin Fauquert, médecin généraliste et Federico Martinez, chef de l’informatique à l’hôpital Erasme.
Le professeur Olivier Le Moine, gastroentérologue et pionnier dans l’application du langage informatique SNOMED-CT aux dossiers médicaux informatisés intra-hospitaliers, est le coordinateur et l’initiateur du cours.
« Le programme est divisé en 5 modules » explique le professeur Le Moine. « Nous avons essayé de créer un programme le plus cohérent possible tout en restant succincts, puisqu’on ne disposait que de 10 heures. Nous avons tout d’abord introduit les défis de l’informatique au sein de la pratique médicale et de la recherche clinique, pour passer en suite aux principes généraux de l’IT ainsi que ceux des différentes terminologies et classifications, et terminer avec l’e-health et l’intelligence artificielle appliquée à la médecine ». Il ajoute : « l’Université libre de Bruxelles est la première université en Belgique Francophone à dispenser un cours obligatoire d’informatique pour les futurs médecins, donc les modalités et contenus du cours et travaux pratiques restent sujets à modifications ».
Le cours d’informatique se présente donc comme une plateforme d’apprentissage actif où le futur médecin peut se former aux outils qui rendent la pratique plus partagée. « Nous voulons sensibiliser les étudiants aux bienfaits de l’interopérabilité des dossiers médicaux : en effet, aujourd’hui le dossier du patient intègre ses informations médicales étant décrites par tous ses prestateurs de soins, tant généralistes que spécialistes » Explique le coordinateur du cours. « L’informatique médicale relève aujourd’hui le défi du partage des informations.
Le médecin moderne sait que l’information enregistrée lors de sa consultation avec le patient ne lui appartient plus exclusivement mais sera partagée avec ses confrères dans différentes institutions et niveaux de soins. » ajoute le professeur Duvillier. Il souligne «le but n’est pas seulement de former aux réalités de demain (1ère fois que l’accord médicomut est aussi coloré d’eSanté) mais aussi de changer les comportements à la base (on a déjà agi au niveau de l’accréditation par la reconnaissance des formations en eSanté ainsi que dans les budgets consacrés à la formation continue), démystifier dès le départ les « fantasmes et idées reçues» qui circulent autour de l’ehealth (non, nous ne centralisons pas les données de santé et les autorités n’y ont pas accès / oui utiliser Gmail est moins sécurisé que la ehealthbox cryptée)…
Apprendre à travailler à livre ouvert, à écrire de manière structurée pour être lu par d’autres prestataires, à ne plus fonctionner en silos mais en réseau, c’est essentiel pour l’avenir dans le cadre du partage d’informations en mode multidisciplinaire.
Afin de pouvoir déjouer l’axe actuel du bâton (imposer une réglementation) et de la carotte (primes), la formation doit être un levier complémentaire essentiel dans les évolutions des pratiques.»
Enfin, la recherche en informatique médicale sera aussi mise en avant. « Grâce à la mise en place du cours, nos futurs médecins pourront se lancer dans des doctorats en informatique médicale. Nous avons de partenariats avec de laboratoires de l’ULB qui appliquent la recherche informatique en médecine et qui pourront offrir des positions de doctorat à nos futurs médecins désireux de lancer un projet de recherche dans ce domaine » promet Olivier Le Moine.
L’impact de ce cours sur la formation des futurs médecins est encore à évaluer : l’Université libre de Bruxelles met en place des évaluations automatiques des enseignements par les étudiants l’année suivante à la dispense des leçons.
Derniers commentaires
Michel Demeester
02 juin 2018Une note d’histoire
L’ULB a déjà joué un rôle de pionnier en Informatique médicale il y a près de 50 ans! C’est en 1971 que le Centre d’Informatique Médicale des Hôpitaux Universitaires de Bruxelles (CIMHUB) a été créé. Ce centre sera actif jusqu’en 1985. Il comportait trois départements. Le premier est à l’origine de l’IRIDIA qui sera fondé dès 1985, le deuxième (gestion hospitalière) sera absorbé par le CPAS de Bruxelles, le troisième se transformera en Start Up qui développera des systèmes informatiques pour Unités de Soins Intensifs & Blocs opératoires ; il terminera sa course à l’Institut des Technologies de l’Information & Communication (ITACA) de l’ Universitat Politècnica de València (Espagne)
Charles KARIGER
13 février 2018Un dossier médical bien tenu est AVANT TOUT l'instrument de travail du "praticien professionnel". Il y renseigne les plaintes et observations dont il dispose personnellement. Mais aussi ce qui lui est rapporté par les Patients, par leur entourage (hétéro-anamnèse) et par des documents fournis par d'autres médecins. Il couche par écrit l'opinion qu'il s'est faite de la FIABILITÉ de ces derniers renseignements.
Il élabore alors une liste de diagnostics différentiels probables. Ici aussi, il importe de consigner au dossier le DEGRÉ DE CERTITUDE de ces renseignements et hypothèses, mais aussi celui du diagnostic final auquel le praticien professionnel s'est arrêté, à l'instar du "degré de preuve" de toute démarche de médecine étayée par des preuves.
(Seul le doute est fécond.)
Et quand donc nos instruments de médecine électrifiée procéderont-ils ainsi? Quel "sumher" permet-il d'indiquer un degré de certitude?