Qui peut utiliser les données de santé des individus et dans quel but ? Les médecins s’en inquiètent en raison de la responsabilité qui peut être la leur. Mais les patients ne sont pas indifférents à la problématique. La consultation « Débat des Données », conduite au sein du projet TEHDAS (Towards European Health Data Space) menée par Sciensano a bien mis en évidence cette inquiétude. Le citoyen veut être partie prenante et rester au centre du processus.
Au débat qui vient de se tenir à Charleroi sur le partage des données de santé, Mme Louise Mathieu, chercheuse au Centre du Cancer de Sciensano, a présenté les résultats d’une consultation citoyenne sur la question. Cette consultation s’est déroulée en ligne au niveau international, entre décembre 2021 et mai 2022, soit avant le lancement de l’espace européen des données de santé (EHDS, European Health Data Space).
Réalisée en collaboration avec la France et le Royaume-Uni, elle a recueilli 5932 contributions sur près de 40.000 visiteurs du site où étaient déposées les questions. Celles-ci portaient sur les buts dans lesquels les données de santé devraient être réutilisées et à quelles conditions. Il était également demandé aux participants comment ils souhaitaient être informés et impliqués dans une telle réutilisation. Une première analyse des réponses a été effectuée avant de passer à des ateliers de discussion.
Une notion est clairement apparue au cours de cette enquête : le citoyen a l’impression qu’en utilisant ses données santé, on utilise en fait une partie de son identité propre et qu’on pénètre dans sa sphère d’intimité. Il peut donc se sentir instrumentalisé si le but poursuivi ne s’aligne pas avec ses valeurs. Il exprime aussi des inquiétudes sur les intentions des acteurs publics et des acteurs commerciaux. Par conséquent, selon la situation, il peut souhaiter avoir un certain contrôle sur cette utilisation.
L’accès à ces données donne du pouvoir à celui qui y accède. Cela suscite chez le citoyen une inquiétude quant à l’usage qui en sera fait : "sera-t-il dirigé vers le bien ou vers le mal ?" La notion de bienfaisance conditionnelle ressort ainsi du débat. Le citoyen-patient peut envisager le partage de ses données de santé pour autant qu’il soit pratiqué dans un but de bienfaisance et respecte une série de conditions. Celles-ci sont la littératie (expliquer de manière compréhensible les objectifs de la réutilisation), l’information, l’anonymisation et la protection (sécurité).
Sur le plan de la finalité, le bénéfice de la réutilisation des données de santé doit revenir vers la population, en ce sens qu’il doit servir le bien commun. C’est une question difficile car chacun – donc chaque utilisateur - a sa propre idée sur ce qu’est le bien commun. Devant cette variété des conceptions, l’individu craint que la vision de l’utilisateur ne prédomine sur la sienne et que dès lors toute possibilité d’exprimer ses propres vues ne soit exclue pour lui. Il se sentirait alors véritablement mis à l’écart sur le plan fonctionnel, dans une problématique sociétale qui le concerne pourtant au plus haut point.
La seule intention statique d’informer le citoyen, exprimée par l’utilisateur des données, ne suffit pas. La société, les connaissances, les méthodes évoluent sans cesse. Le citoyen ne veut pas être laissé « sur le quai » d’une information et d’un contrôle momentanés. Il veut avoir des opportunités d’être impliqué de manière dynamique dans l’évolution de tous ces aspects de l’utilisation de ses propres données de santé. Et en ce qui concerne l’Espace européen des données de santé, s’il est question de transférer des données du citoyen vers les acteurs, le citoyen attend aussi que l’information revienne vers lui. Il veut rester au centre du processus et avoir son mot à dire.
> Consulter le rapport TEHDAS (version courte en FR ou version finale en EN).
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