Un trouble du comportement alimentaire est un problème qui se développe de façon progressive. Il s’écoule donc souvent un temps considérable avant que les personnes qui en souffrent ne se décident à se faire aider et reçoivent le traitement dont elles ont besoin. L’e-santé pourrait contribuer à combler ce «fossé thérapeutique».
«L’anonymat et l’accessibilité sont deux spécificités uniques de l’e-santé», souligne Pieter Rohrbach chercheur rattaché au Leids Universitair Medisch Centrum (LUMC). «Celle-ci se prête donc extrêmement bien à être utilisée chez les personnes qui souffrent d’un trouble du comportement alimentaire, qui ressentent souvent de grandes réticences à se faire aider parce qu’elles ont le sentiment que leur problème n’est pas assez grave, qu’elles ne veulent pas «que cela se sache» ou qu’elles craignent qu’une intervention (professionnelle) ne reste sans effet. Via internet, nous pouvons leur proposer des interventions qui peuvent être utilisées toujours et partout, gratuitement et dans le respect de l’anonymat. Cette accessibilité et cette sécurité sont, pour bien des patients, des conditions indispensables pour oser formuler une demande d’aide et l’e-santé peut donc s’avérer particulièrement utile pour réduire le fossé entre l’apparition des symptômes d’un trouble du comportement alimentaire et la mise en place d’une intervention adaptée. Dans mon étude, j’ai voulu déterminer quelles étaient les mesures les plus efficaces pouvant être implémentées en ligne.»
Pieter Rohrbach a testé un total de trois interventions en ligne destinées aux personnes confrontées à un trouble du comportement alimentaire et prises en charge au centre GGZ Rivierduinen Eetstoornissen Ursula. Il s’agissait 1) du programme de self-help Featback https://featback.nl/, spécifiquement destiné aux patients victimes de troubles alimentaires, 2) de la possibilité de communiquer avec un expert du vécu via chat et/ou par e-mail et 3) d’une combinaison de ces deux interventions, les patients pouvant dans ce cas bénéficier des deux approches. Son groupe d’étude se composait de 355 sujets qui souffraient d’un trouble du comportement alimentaire depuis une dizaine d’années en moyenne, et dont 43 % n’avaient encore jamais été traités auparavant.
Innovant, efficace et économique
En définitive, toutes les interventions présentaient une efficacité comparable sur les symptômes des troubles alimentaires, qui s’amélioraient clairement davantage chez les patients qui pouvaient y avoir recours. Les participants rapportaient toutefois une préférence pour la seconde piste. «Plusieurs personnes ont souligné combien elles appréciaient de pouvoir clavarder ou échanger des e-mails avec des experts du vécu. Ceux-ci peuvent offrir une oreille attentive et un soutien sincère, mais ils comprennent aussi mieux que quiconque ce que vivent ces patients», souligne le chercheur.
Pieter Rohrbach s’est aussi intéressé à l’impact des interventions sur les dépenses en soins et sur la qualité de vie à plus long terme. Il ressort de son analyse que c’est le programme de self-help Featback qui présente le meilleur rapport coût-efficacité, puisqu’il permet d’améliorer la qualité de vie au prix d’un investissement limité. Proposer Featback durant un an à un millier de patients permettrait d’épargner des centaines de milliers d’euros en soins. «Mon étude confirme donc que l’e-santé permet non seulement d’aider les personnes qui souffrent d’un trouble du comportement alimentaire, mais aussi d’abaisser les dépenses en soins dans ce public.»