Le développement de l’IA au sein des hôpitaux nécessite un portage au niveau stratégique ainsi que l’identification d’une direction en charge des différents projets. Pour cela, la création d’une direction dédiée à l’IA et à l’innovation est préconisée par 39,4% des répondants. L’élargissement du périmètre de la direction de la stratégie aux projets d’IA et d’innovation est recommandé par 21,9% des répondants et 94% des répondants sont pour la création de communautés de partage d’expérience entre établissements
Pour Paul d’Otreppe, président de l’Association belge des directeurs d’hôpitaux, «il faut avant tout définir une stratégie. Tant dans la partie médicale que non médicale, il faut analyser tous les secteurs dans lesquels l’intelligence artificielle peut être mise en œuvre et tester que les hypothèses fonctionnent. Par exemple, on a fait des tests avec la facturation et on s’est rendu compte que le travail était bien fait sans l’IA. Par contre, on a placé un algorithme de prise en charge de patients en rééducation, on s’est rendu compte que l’on faisait deux fois mieux avec l’aide de l’intelligence artificielle». Il attire l’attention sur la réalité de terrain: «Souvent, on sous-estime la complexité de l’algorithme à mettre en place pour pouvoir automatiser ce que l’humain fait».
Pour lui, «si le médecin est intéressé par le projet et que son effort répond aux critères de valeurs ajoutées sous tous les aspects, il sera alors un très efficace partenaire».
On ne pourra toutefois pas le faire dans n’importe quel hôpital: «Il faut une taille critique suffisante entre 2.000 et 4.000 lits. La digitalisation est clairement conditionnée par la taille des acteurs… ce qui implique les réseaux».
Changement de culture francophone
Il paraît indispensable de mettre en place un élargissement du périmètre de la direction de la stratégie aux projets d’IA et d’innovation (21,9%). Cela va toutefois nécessiter un changement de culture au niveau francophone. En effet, l’enquête montre que la mise en œuvre effective de projets d’IA est davantage marquée au sein des hôpitaux dans lesquels exercent les néerlandophones (34% contre 25% des francophones).
La question du financement
Au-delà d’une gouvernance et d’un dispositif de pilotage adaptés, le développement de l’IA nécessite des financements importants. La réalisation de partenariats avec l’écosystème privé pour le développement des solutions d’IA et leur utilisation à moindre coût par les hôpitaux est préconisée par 45% des répondants. Elle permettrait aux établissements de mettre à profit leur patrimoine informationnel (c’est-à-dire les données disponibles) pour réaliser des projets dont les coûts ne seraient pas supportés par la structure dans son ensemble.
D’autres formules existent évidemment comme des financements publics et pérennes dans le temps ou la mise en œuvre d’appels à projets ou de fonds dédiés qui permettent d’amorcer les projets. Pour Paul d’Otreppe, «actuellement trois types d’acteurs sont intéressés: les opérateurs privés qui le voient même comme un produit d’exportation, un acteur public (Inami ou SPF) qui se dit qu’il va pouvoir améliorer l’efficacité des dépenses publiques dans une vision de bonne gestion ou enfin les hôpitaux qui sont intéressés par la Value Based Health Care (plus accessible, plus efficace dans la qualités des soins, un meilleure rendement et l’expérience du patient)».
A noter que le soutien de l’usage de l’IA au travers d’une grille de financement spécifique est privilégié par près de 35% des répondants. En effet, certains modèles de financement actuels pourraient s’avérer inadéquats au développement des usages de l’IA et induire une baisse de l’activité médicale «facturable» qui fragiliserait la situation financière des établissements. Il peut donc être nécessaire de faire évoluer les politiques publiques pour financer les soins de santé à base d’IA.
Lire aussi:
> Quelle place pour l’IA dans les hôpitaux?
> L’intelligence artificielle dans les hôpitaux, un enjeu important mais pas encore une priorité!
> «Avec l’IA, on va vers des spécialistes augmentés»
> Le médecin au cœur du défi de l’IA
> «L’intelligence artificielle dans le domaine de la santé est une immense opportunité»