S'il est notamment connu pour son ouvrage un rien provocateur 'Nooit meer ziek’ (Plus jamais malade), Koen Kas est aussi un orateur hors pair, polémique à ses heures, mais particulièrement inspirant. Ce professeur en oncologie, futurologue de la santé, CEO d’InBioVeritas et fondateur de Healthskouts nous livre quelques réflexions pour passer de la 'sickcare' à la 'healthcare'.
D’emblée, Koen Kas rappelle que dans la Chine ancienne, le médecin n’était rémunéré que si ses patients restaient en bonne santé. Alors que dans le monde moderne, «on dépense 1€ pour la prévention et 90€ pour les soins. En fait, le système des soins de santé gagne de l’argent sur les malades.»
Aujourd’hui pourtant, trois évolutions technologiques apparaissent comme les anges gardiens potentiels de notre santé: le génome, les capteurs et l’internet des objets.
Génome
«Depuis 2015, il est possible de connaître l’ADN d’une personne en moins d’une heure, ce qui permet une médecine totalement personnalisée», précise Koen Kas. Un ADN qui permet des progrès majeurs, notamment d’anticiper une éventuelle maladie (sur base de l’analyse des données d’un grand nombre de personnes potentiellement porteuses), le tout associé à de la santé connectée sous forme par exemple d’une montre ‘intelligente’ permettant de vérifier son rythme cardiaque.
«Actuellement, un colis d’une société de courrier express est suivi avec une précision bien plus grande que la santé des patients», lance Koen Kas qui se dit convaincu que si l’on parvient aujourd’hui à lire l’ADN, on pourra demain le corriger et éviter ainsi certaines maladies. Certes, en sachant qu’il faudra prendre en compte les questions éthiques...
Capteurs
«Dans les mines autrefois, les mineurs emportaient des canaris pour les avertir du danger que représentait la présence de gaz», rappelle toujours Koen Kas. Aujourd’hui, les capteurs sont appelés à jouer ce rôle dans la santé. Et si les capteurs de première génération étaient visibles, la nouvelle génération sera cachée dans un vêtement, voire sous la peau. «Ce que le médecin mesure aujourd’hui lors d’une visite sera d’ici 2 ans mesurable en temps réel», croit encore savoir Koen Kas qui cite l’exemple de cet hôpital d’Anvers qui teste un système de tracking de la migraine et qui, sur base de capteurs associés à des algorithmes et de l’intelligence artificielle, peut prévoir lorsqu’une migraine va survenir.
Outre les capteurs, divers objets permettront d’obtenir de l’information sur sa santé. Ainsi, le smartphone omniprésent peut désormais informer son utilisateur des endroits à éviter, par exemple en cas d’allergie. De même, le smartphone permet déjà de calculer le nombre de calories d’un plat ou de faire office de coach de santé. Tandis que des lunettes de réalité virtuelle peuvent projeter de la neige devant les yeux d’un patient atteint de douleurs cérébrales. En outre, la voiture désormais largement connectée pourra mesurer différents paramètres de la santé du conducteur pour l’inviter à mener une vie plus saine. Enfin, le succès du jeu de réalité virtuelle Pokemon GO a incité les gens à se déplacer plus que d’habitude.
Internet des objets
Reste que dans tous ces exemples, la connectivité et l’interopérabilité sont essentielles. Peut-être l’open source apportera-t-il une réponse. «Tesla a ainsi mis dans le domaine public l’ensemble de ses brevets, non pas par philanthropie, mais pour espérer démocratiser la voiture électrique et vendre ainsi plus de batteries puisque la société vient d’investir massivement dans une usine de fabrication de batteries électriques», souligne Koen Kas.
Dans le futur en effet, ces capteurs seront omniprésents et surtout interconnectés, le cas échéant reliés à une ‘chatbot’ qui permettra au patient de dialoguer en temps réel et de se voir proposer des conseils. Par ailleurs, la notion de ‘delight’ est importante aux yeux de Koen Kas. «Il est important que l’utilisateur prenne du plaisir et soit récompensé, qu’il obtienne quelque chose qu’il n’attend pas forcément en retour pour des informations que l’on donne», insiste-t-il. D’ailleurs, la ville de Mexico par exemple offre un ticket de métro gratuit à toute personne qui fait un certain nombre d’exercices physiques, tandis que la banque russe Alfa-Bank offre des taux avantageux à ses clients qui marchent beaucoup (le contrôle étant opéré par un bracelet connecté) et que Disney propose à Orlando un bracelet qui affiche lorsqu’une attraction est moins fréquentée et que la queue d’attente est donc moins longue.
Combiner
«Nous allons passer de la ‘sickcare’ à la ‘healthcare’», prétend encore Keon Kas qui ne cache pas que l’aspect confiance est important lorsqu’il est question de santé. De même, la sécurité est essentielle, d’autant que cette collecte de données sera associée à de l’intelligence artificielle et du ‘machine learning’ pour dégager plus rapidement certains modèles et faciliter la prise de décisions. «Il s’agit de trouver un équilibre entre ce que l’on donne et ce que l’on reçoit», ajoute-t-il, convaincu que c’est la combinaison de technologies et du numérique qui permettra l’innovation.
Avant de conclure: «On surestime souvent le court terme en sous-estimant le long terme. Le ‘what’s next’ doit se transformer en opportunité sur base de la confiance et du partage.» Même si Koen Kas est conscient que «après le secteur de la navigation, le médical est le plus lent à adopter les nouvelles technologies». Sans doute les nécessaires économies dans les soins de santé apporteront-elles de l’eau à son moulin…