Les patients sont nombreux à évoquer diverses facettes de leur maladie sur des forums spécialisés, des effets secondaires aux bons conseils en passant par les marques de soutien et de sympathie. La spécialiste en neurosciences Anne Dirkson a eu l’idée d’avoir recours à l’intelligence artificielle (IA) pour extraire de ces plateformes des données potentiellement précieuses.
« Au final, les forums de patients ne sont pas bien différents d’autres réseaux sociaux : il s’y partage une formidable masse d’informations », explique Anne Dirkson, neuroscientifique à l’université de Leyde aux Pays-Bas . « Quand on souffre d’une maladie rare, il est peu probable de tomber par exemple sur un voisin qui puisse en parler en connaissance de cause. Les patients ne connaissent souvent personne d’autre qui soit confronté à la même situation… et c’est là que réside le grand intérêt des forums. » Les patients peuvent y partager des informations très concrètes concernant p.ex. la fréquence des contrôles de santé ou les effets secondaires, mais aussi y parler des aspects plus émotionnels de leur maladie, comme la gestion des obstacles auxquels ils sont confrontés dans le décours de leur vie quotidienne. Dans le cadre de ses travaux, Anne Dirkson s’est toutefois intéressée en première instance aux données concernant les effets secondaires.
90 % des effets secondaires jamais rapportés
Les effets secondaires mentionnés par les patients sur les forums spécialisés présentent un intérêt tout particulier parce que 90 % de ces problèmes ne sont ordinairement pas rapportés, souligne Anne Dirkson , qui s’est attachée à évaluer la valeur ajoutée de cette information. « Il peut arriver que les patients partagent sur les forums des effets secondaires qui n’avaient pas encore été identifiés et il est évidemment positif pour eux que ces problèmes soient reconnus. Il peut aussi arriver qu’un effet secondaire déjà connu soit mentionné beaucoup plus souvent qu’on n’aurait pu s’y attendre, ce qui peut être révélateur de son impact concret. »
La spécialiste a utilisé des outils d’intelligence artificielle pour identifier sur les forums de patients les informations touchant aux effets secondaires. « J’ai donné l’instruction à un ordinateur d’apprendre à identifier un effet secondaire sur un forum. Si on fournit à la machine un certain nombre d’exemples, elle deviendra de plus en plus efficace dans l’exécution de cette tâche. » Il est toutefois aussi important que le système apprenne à reconnaître non seulement les effets secondaires, mais aussi leurs synonymes. Si quelqu’un écrit par exemple « j’ai l’impression que ma tête va exploser », l’ordinateur doit comprendre qu’il est question de maux de tête.
Anne Dirkson s’est toutefois aussi intéressée aux conseils que les patients s’échangent dans le cas concret d’un cancer rare de l’estomac (tumeur stromale gastro-intestinale). Ces conseils sont évidemment encore plus difficiles à extraire du texte que les effets secondaires, étant souvent vagues et descriptifs. « Chaque pas en avant réalisé avec mon équipe était une victoire, parce que c’est quelque chose qui n’avait encore jamais été fait. Nous en sommes extrêmement fiers », souligne la neuroscientifique.
Tisane au gingembre et jus de cornichons
Des tisanes au gingembre contre les nausées au jus de cornichons pour combattre les crampes musculaires, Anne Dirkson a vraiment recueilli sur les forums des conseils de toutes sortes… et en avoir connaissance n’est évidemment pas inutile, car ils pourraient rendre la maladie plus supportable pour bien des patients. « Il importe toutefois aussi de rester vigilants, car il n’est pas exclu qu’un conseil puisse certes contribuer à mitiger certains symptômes, mais qu’il perturbe aussi dans la foulée l’action des médicaments. » Des recherches plus poussées seront donc nécessaires pour déterminer si certaines recommandations circulant sur les forums peuvent effectivement être reprises. La spécialiste espère qu’un outil pourra être développé à cette fin dans le futur. « Ce serait tout de même formidable si les patients pouvaient ainsi s’épauler mutuellement en complément de l’aide apportée par les médecins », conclut-elle.