Le dossier-patient électronique a profondément bouleversé le quotidien des médecins. D’après une étude réalisée aux États-Unis, il semble toutefois que les femmes consacrent plus de temps que leurs collègues masculins au travail non rémunéré qui en découle.
Publiée sur JAMA Network Open, l’étude «Gender Differences in Time Spent on Documentation and the Electronic Health Record in a Large Ambulatory Network» affirme que les femmes médecins consacrent tous les jours 41 minutes de plus que leurs confrères à la tenue du dossier-patient électronique (DPE).
Les investigateurs avancent que les femmes médecins consacrent plus de temps à documenter les dossiers de santé de leurs patients, que ce soit au cours des heures de travail normales ou après. En analysant les données des dossiers électroniques de 318 praticiens actifs au sein d’un réseau de cabinets ambulatoires de Nouvelle-Angleterre pour la période 2018-2019, ils sont en effet parvenus à la conclusion – après ajustement pour différents facteurs dont la spécialité, l’âge et le volume de patients – que les femmes consacraient tous les jours 41 minutes de plus au DPE et 31 minutes de plus à la prise de notes.
«Les différences observées tiennent probablement aux caractéristiques inhérentes ou socialement acquises des médecins, mais aussi aux attentes différentes des patients et du personnel vis-à-vis des praticiens des deux sexes sur le plan de l’accessibilité. Une analyse récente portant sur des données du Brigham and Women's Hospital pour 2019 a également révélé que les médecins de première ligne de sexe féminin consacraient plus de temps aux activités touchant au dossier électronique. Cela s’explique en partie par le fait qu’elles recevaient 24 à 26 % de messages en plus en comparaison avec des collègues masculins comparables, soit tous les mois 52 messages supplémentaires en provenance des patients et 10 messages supplémentaires en provenance du personnel.»
Un fossé salarial encore plus marqué
Pourquoi ces différences dans le temps consacré au DPE sont-elles importantes? «Tout d’abord parce qu’elles sont associées à des heures de travail supplémentaires non rémunérées qui ne sont pas prises en compte dans l’évaluation du fossé salarial déjà conséquent qui existe entre hommes et femmes (qui, à en croire une évaluation datant de 2021, s’élèverait à 2 millions de dollars sur l’ensemble de la carrière). Pourtant, ces heures contribuent elles aussi à la différence de revenus entre praticiens des deux sexes. Deuxièmement, ces heures de travail supplémentaires contribuent vraisemblablement au taux de burnout plus élevé observé chez les femmes médecins, qui assument souvent déjà une part disproportionnée de responsabilités familiales. De ce fait, elles risquent donc aussi davantage d’abandonner la profession. Ce risque de burnout et de désertion est d’ailleurs loin d’être purement théorique et a même atteint, au cours de la crise du covid-19, des proportions proprement épidémiques», concluent les auteurs.
Derniers commentaires
Charles KARIGER
01 février 2023Plusieurs aspects sont négligés ici.
En premier lieu, la contrainte démotivante d’un contrôle permanent, implacable et abominablement suspicieux de l’activité de chaque soignant ainsi obligé de se plier à la dictature de l’enregistrement et de sa surveillance par une autorité inconnue, éventuellement lointaine.
Ensuite, le fait que cette surveillance informatisée ne permettant qu’une analyse purement, strictement, uniquement quantitative de l’utilité de chaque soignant la réduit au seul chiffrage de son activité. Ces dernières semaines, divers « haut responsables » ont clairement évoqué la mesure de l’activité de chaque médecin ou la définition de l’ « équivalent médecin temps plein ».
Enfin, ce système écarte des notions essentielles. Deux exemples. Le diagnostic mentionné est-il certain ? Un minimum serait en effet de l’accompagner d’une évaluation, fut-elle grossière (3/3, 2/3, 1/3 par exemple) de son degré de certitude. L’EBM nous a pourtant accoutumés aux divers « grades de preuve ».
Plus frustrant encore peut-être, ce contrôle évite de prendre en compte qu’un soin ait été bien ou mal dispensé, qu’une interaction vraiment humaine l’ait accompagné ou non.
Que l’on ait bien ou médiocrement soigné, paisiblement ou en hâte, qu’on ait bien répondu aux demandes du Patient ou pas du tout (par manque de temps par exemple !) peu importe pourvu que l’acte soit « bien encodé ».
Quel avenir !