De retour de la première conférence dédiée à la réalité virtuelle médicale organisée les 28 et 29 mars au Cedars-Sinaï à Los Angeles, le Dr. Arnaud Bosteels, chef du service anesthésie à la clinique St. Jean de Bruxelles et co-fondateur de BHCT ( Building HealthCare for Tomorrow ) nous en rapporte les grandes lignes.
C’est dans le cadre prestigieux du Cedars-Sinai à Los Angeles, une clinique de renom hors pair, qu’a lieu la première conférence dédié à la réalité virtuelle médicale (RVM) : "Virtual medicine, best practices in medical virtual reality." (#VirtualMed18)
Organisé par le Dr.Brennan Spiegel, gastro-entérologue et responsable du Cedars’ Center for Outcomes Research and Education (CS-CORE), il gère une équipe multidisciplinaire qui tente de répondre à la question suivante : comment la réalité virtuelle peut contribuer à une meilleure médecine pour les patients et les praticiens, sans en augmenter le prix.
I had the daunting task of summarizing my top 10 takeaways from the 30+ incredible speakers at #VirtualMed18. Here are 4 of the takeaways; hopefully these faithfully capture the spirit of the talks and can help guide our therapeutic #VR community as we evolve the field: pic.twitter.com/jbBGD3eqk9
— Brennan Spiegel, MD (@BrennanSpiegel) 30 mars 2018
Ayant rassemblé des experts de la réalité virtuelle, des entrepreneurs et des médecins, cette conférence offre une belle opportunité pour faire une mise au point sur ce que la RVM offre déjà aujourd’hui et ce qu’elle pourra offrir demain.
Pour les lecteurs qui ne sont pas des amateurs de jeux vidéo, la réalité virtuelle est une immersion complète dans un monde virtuel, à l’aide d’un masque spécifique qui offre un champ de vision à 360º et des écouteurs pour produire le son adéquat. C’est grâce au développement récent du masque Oculus qui utilise un smartphone pour l’apport visuel, que la technologie s’est démocratisé et est accessible à un grand nombre de personnes.
La réalité virtuelle médicale (RVM) est l’utilisation de cette immersion dans un monde virtuel à des fins médicale.
Treating pain with a "digital pain reduction kit": @drhew discussing our new partnership with @Samsung, @Travelers, @Bayer, @AppliedVRhealth to evaluate role of multi-component #Digitalhealth intervention on #opioid use in patients with acute musculoskeletal pain. #VirtualMed18 pic.twitter.com/zOeVEUhG2J
— Brennan Spiegel, MD (@BrennanSpiegel) 29 mars 2018
On trouve aujourd’hui plusieurs applications très intéressantes et attirantes mais comme toute nouvelle technologie et tout nouveau traitement, elle est encore dans un stade préliminaire. Les experts présents au Cedars-Sinai en sont bien conscients et la mise en garde est claire : la RVM est très prometteuse, mais elle a besoins de plus de donnés et elle ne doit pas nier ses propres limites. Il reste d’ailleurs encore beaucoup de réponses à fournir quant à l’utilisation adéquate et le financement de la Réalité Virtuelle Médicale.
Les preuves apportés par la littérature sur les traitements à base de la RVM ne sont pas négligeables, mais pas encore suffisantes. Le succès de ces traitements sont basés sur la théorie du “spotlight” (la division de l’attention) ou passerait par une modulation des signaux dans le cortex cérébral par des multiples sensations.
Does #VR continue to have an effect on pain even after the headset is removed? @Samsung CMO @drhew says yes, showing functional MRI images demonstrating positive changes both during, and also after removal of the headset. Without VR have very different images. #VirtualMed18 pic.twitter.com/1EgfZ04PL3
— Brennan Spiegel, MD (@BrennanSpiegel) 29 mars 2018
L’utilisation de la Réalité Virtuelle Médicale peut se diviser en deux catégories : thérapeutique et éducative.
Thérapeutique pour les patients
- douleur chronique et aiguë
(https://www.oncomfort.com/en/ / https://appliedvr.io )
- post-opératoire
- changements de pansements
- grand brûlés
- prises de sang chez les enfants
- douleurs fantômes
- syndrome douloureux régional complex
- psychiatrie
- phobies
- addictions
- stress post-traumatique
- dépression
- autisme
- troubles de l’alimentation
- rééducation physique
( https://www.neurorehabvr.com/#home )
- après AVC
- après traumatisme
- réduction de stress lors de situations difficiles à l’hôpital
- avant une procédure médicale
- avant un IRM
Thérapeutique pour les praticiens
La RVM offre la possibilité aux praticiens chirurgiens de visualiser, sur base d'image de scanner; les lésions à traiter en 3D et d’ "essayer” une opération à l’avance en virtuel sur un patient. Ceci leur permet d’éviter des problèmes majeures. Pensons par exemple à la chirurgie du cerveaux. (https://ossimtech.com/en-us/ )
Calling all ortho residents! Tibial shaft intramedullary nailing in a minute via @Ariel_OssoVR #VirtualMed18 #surgtweeting pic.twitter.com/7zjoaPkOnv
— David Grayson (@sasanof) 29 mars 2018
Educative pour les patients
Certaines applications qui peuvent aider le praticien à améliorer la préparation avant une procédure peuvent également être utilisées pour montrer aux patients ce qui va se passer pendant la procédure. Dans le cadre du consentement éclairée, ceci permet aux patients de comprendre vraiment ce que le praticien va faire. Et comme les patients comprennent mieux ce qui leurs arrive, ils sont moins stressés pour l’opération, ce qui améliore le vécu de la procédure. (http://www.surgicaltheater.net)
Lors de la conférence certains patients ont exprimé un avantage innatendu de la Réalité Virtuelle Médicale. Grâce à son utilisation ils développent des stratégies d’adaptation pour mieux gérer le stress lié à leur maladie, même en l’absence de RVM.(http://www.stanfordchildrens.org/en/innovation/virtual-reality/anxiety-research)
Un autre avantage de la RVM de cette catégorie rejoint la catégorie thérapeutique. Un beau témoignage, soutenu par une approche scientifique, qui explique comment toute une communauté, avec l’aide de la RVM, a implémenté toute une série de mesures d’hygiènes pour diminuer le taux de l' hypertension artérielle.
Educative pour les praticiens
Une évolution majeure offerte par la RVM est la possibilité pour les praticiens (en formation) de s’exercer sur des patients virtuels. Plusieurs modules existent actuellement pour la chirurgie orthopédique et chirurgie par laparoscopie. Ils offrent une combinaison de sensation visuelle, auditif (parfois) et tactile qui donnent une impression très réelle. ( http://ossovr.com / http://www.immersivetouch.com )
D’autre part, la RVM permet également de prévoir des simulations, qui sont un atout majeure dans l’entraînement pour des situations difficiles ou rares dans le milieu médical. Plus précisément cela donne aux praticiens la possibilités de s’entraîner pour des scénarios de réanimations où chaque seconde compte.( https://www.virtualeducationsystems.com ) Même les étudiants ne sont pas oublié, car la RVM prévoit une application qui facilite l’apprentissage de l’anatomie et la physiologie par exemple. (https://animares.com/portfolio/insight-heart)
Finalement, en sortant légèrement du cadre de la réalité virtuelle pure, certaines starts-up utilisent la réalité mixte pour permettre à des praticiens en plein travail de communiquer avec des experts qui sont à distance. Que ce soit une communication entre deux équipes chirurgicales sur différents continents ou une équipe de SMUR en contacte avec un service d’urgence, cette communication améliore les prises de décision sur le terrain. ( https://www.proximie.com )
Entraîner tous les praticiens du monde
Un des experts médicaux, le Dr.Rafael Grossmann, pense que de toute cette panoplie de possibilités, ce sera l’éducatif du praticien qui fera initialement le plus grand impact avec la possibilité infinie d’entraîner tous les praticiens du monde.
Emergency services real time use of hololens @BrennanSpiegel @virtualmedconf @CedarsSinai #VirtualMed18 #VR #MedTech #AR #HoloLens pic.twitter.com/g8K0zN5CSx
— Deepa Mann-Kler (@deepamann_kler) 29 mars 2018
L’aspect thérapeutique de la RVM est encore trop peu documenté pour être implémenté rapidement par la communauté médicale globale. Il faut d’abord répondre aux questions suivantes : quelle type de application pour quelle type de pathologie? Quelle dose de RVM et à quelle fréquence? Des questions fondamentales si on espère voir un jour la Réalité Viirtuelle Médicale devenir un traitement à part entière.
Pour les personnes présentes à la conférence ces questions sont surtout une motivation pour organiser plus d’études et de séances d’informations.
Et en Belgique ?
Et la RVM en Belgique dans tout ça? Des initiatives organisés par des services ou des personnes commencent à voir le jour ces dernières années. Nous avons la chance d’avoir une société Belge, Oncomfort, qui développe des environnements en réalité virtuelle. Ils se basent sur des techniques psychologiques validées, comme l’hypnose clinique, pour donner aux patients l’occasion de se plonger dans une séance de RVM qui au minimum procure un effet de relaxation et qui, chez les personnes réceptives, fourni une effet d'auto-hypnose. Leur domaine de prédilection est la thérapeutique chez les patients : anxiolyse et analgésie lors de procédures médicales. Ils ont déjà traité plus de 3000 patients ce qui leur donne une belle visibilité dans le monde de la RVM. Des études multi-centriques sont en cours de préparation, principalement sur l’effet de leur application en oncologie et bientôt sur les patients qui subissent une intervention orthopédique.
Finalement la Réalité Virtuelle Médicale peut déjà s’appuyer sur des belles bases pour continuer son développement. Son domain d’action est tellement large que on attend avec impatience la suite de cette technologie qui pourrait apporter une partie de la solution du triple objectif des soins de santé: une meilleure expérience de soins, une meilleure santé, à un prix réduit.
Dr Arnaud Bosteels
> Twitter @arnaudbosteels
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