Les médecins ne réclament pas seulement une juste rémunération : ils aspirent aussi à davantage de temps et de reconnaissance. Lors du congrès du Collège de Médecine Générale qui s'est tenu à Namur ces 15 et 16 novembre, la session consacrée au "juste prix" a ouvert le débat sur les modèles de financement et la répartition des tâches, en soulignant que le bien-être des soignants est tout aussi essentiel que celui des patients.
« La pénurie fait rage, les généralistes sont surchargés, et la population à risque, composée notamment de patients âgés et de malades chroniques, est en pleine expansion », rappelle le Dr Lawrence Cuvellier (GBO) pour planter le décor de la session intitulée « Quel juste prix pour les médecins généralistes et spécialistes ? », au 1er Congrès du Collège de Médecine Générale . « Malgré cela, nous peinons à obtenir l’application de la norme de croissance. »
Un financement dépassé ?
Sur le plan budgétaire, il faut reconnaître que le financement des soins de santé, largement basé sur la rémunération à l’acte et à la journée d’hospitalisation, montre ses limites. La question se pose de savoir s’il permet réellement d’offrir les meilleurs soins au meilleur coût. « On pourrait appliquer un autre modèle de financement », commente le Dr Gilbert Bejjani (ABSyM). Il évoque un modèle « value based », dans lequel le critère de référence serait la valeur apportée, tant au patient qu’au soignant. Mais il souligne la complexité de la mise en œuvre d’un tel système, en raison de la grande variabilité des soins.
Déléguer pour mieux soigner
« Certaines améliorations pourraient néanmoins être mises en place », explique le Dr Bejjani. « En permettant à d’autres soignants que le médecin de réaliser des actes pour lesquels ils sont compétents, on libérerait des budgets, car les prestations de ces soignants sont moins coûteuses. » Citant l’exemple des accouchements confiés aux sages-femmes dans les cas simples, il propose de réserver les cas complexes aux obstétriciens. Cela libérerait des ressources pour financer de nouveaux soins ou mieux rémunérer les soins existants, permettant ainsi de faire plus avec les mêmes moyens.
Le besoin de temps, pas seulement d’argent
« Ce dont nous avons le plus besoin, c’est de temps, pas d’argent », objecte un participant à la session. Le Dr Bejjani répond que cette répartition des tâches libérerait du temps pour les médecins. Les budgets dégagés pourraient aussi être réaffectés à une meilleure rémunération, évitant aux médecins de devoir prester davantage pour gagner plus. « On ferait plus et mieux avec le même budget », insiste-t-il. « Il y a là une notion de subsidiarité dans la répartition des tâches », ajoute-t-il.
Rationaliser les actes médicaux
Il faudrait également s’interroger sur l’utilité des actes prestés. Là encore, des économies de budget et de temps pourraient être réalisées. « Le confrère auquel j’ai succédé rendait très souvent visite à certains de ses patients pour contrôler leur tension artérielle. Je le fais nettement moins, ce qui permet de gagner un temps appréciable », explique un autre participant. De même, il n’est pas toujours nécessaire que ce soit le médecin qui réalise les prises de sang.
Une approche globale nécessaire
Cependant, les outils nécessaires à une telle transformation ne sont pas tous entre les mains des médecins. De nombreux déterminants de la santé ne sont pas exclusivement médicaux. Il serait nécessaire de s’attaquer également aux facteurs sociaux, de renforcer la prévention et d’améliorer l’environnement. Ces changements ne seraient possibles qu’à travers un travail en réseau, basé sur la confiance entre les acteurs, pour permettre une « réallocation des tâches ». Ainsi, selon le Dr Bejjani, il serait possible d’améliorer à la fois le bien-être des patients… et celui des médecins.
Reconnaissance et respect
Toutefois, la problématique va au-delà des considérations budgétaires dans le vécu des médecins. « Il y a d’autres manières de valoriser le médecin que par l’argent », s’exclame un participant, juste avant que la cloche ne mette fin à la session. Il faisait allusion au bien-être, à la reconnaissance et au respect.