La cardiologie belge fait face à une double fragilité: une pyramide des âges déséquilibrée, avec 504 cardiologues âgés de plus de 55 ans — soit plus d’un tiers des effectifs actifs — appelés à partir à la retraite d’ici 10 à 15 ans, et une féminisation encore très limitée, les femmes ne représentant que 23% de la profession.
Ces constats ressortent du dernier Health Professionals Report consacré à la cardiologie, publié par l’Inami. Sur les 1 516 cardiologues recensés en Belgique, 1.245 sont enregistrés comme actifs. Pour affiner cette photographie, la cellule d’étude de l’Inami a également évalué le nombre d’équivalents temps plein (ETP), estimé à 838 en 2023.
C’est à Bruxelles que la densité de cardiologues est la plus élevée, avec 1,03 ETP pour 10.000 habitants, suivie par Liège (0,95), Namur (0,86) et le Hainaut (0,77). À l’inverse, les provinces du Brabant flamand (0,46) et de Flandre occidentale (0,58) ferment la marche. «Cela illustre les disparités classiques entre le nord et le sud du pays», commente le Dr Mathias Vrolix, président de l’Association belge des cardiologues. «En Flandre, les patients présentant des problèmes cardiaques consultent souvent leur médecin généraliste en première intention. En Wallonie, ils se tournent plus rapidement vers un spécialiste.»
En tenant compte des cardiologues totalement ou partiellement conventionnés, les auteurs du rapport estiment à 63 % la part de praticiens conventionnés en 2023, contre 73 % en 2013. Cette baisse de plus de 13 points s’accompagne de fortes disparités communautaires : seuls 51 % des cardiologues néerlandophones étaient conventionnés l’an dernier, contre 76 % des francophones.
En Flandre orientale et occidentale, on ne compte respectivement que 24 et 28 cardiologues conventionnés pour 100 000 habitants. Le Brabant flamand se situe entre ces deux extrêmes. En Wallonie, seul le Brabant wallon affiche un taux aussi bas (17 pour 100 000). Liège (76), Namur (75) et le Hainaut (69) présentent des chiffres bien plus élevés.
Une pyramide des âges inquiétante
Le Dr Vrolix s’inquiète sérieusement de l’évolution démographique de sa spécialité. « La pyramide des âges est préoccupante », souligne-t-il. Parmi les cardiologues actifs, 301 ont entre 55 et 64 ans, et 203 ont déjà plus de 65 ans. « Cela représente 504 praticiens qui prendront leur retraite d’ici dix à quinze ans. Le problème, c’est que les 324 cardiologues actuellement âgés de 45 à 54 ans ne suffiront pas à combler ce vide. »
Une féminisation toujours marginale
Autre point noir : la sous-représentation des femmes dans la profession. Alors que les femmes sont désormais majoritaires parmi les diplômés en médecine, elles ne représentent que 23 % des cardiologues. La tendance s’améliore légèrement ces dernières années, mais reste très lente. Pour le Dr Vrolix, cette faible attractivité s’explique par les nombreuses gardes, l’intensité du travail et les risques liés aux rayonnements.
Il se réjouit en revanche que 92 % des cardiologues à temps plein soient accrédités : « C’est un excellent résultat. En tant qu’association professionnelle, nous encourageons aussi la participation aux congrès et aux groupes locaux de concertation. »
Une charge de travail conséquente
En 2022, un cardiologue actif à temps plein a suivi en moyenne 1 919 patients, ce qui représente 4 563 contacts patients sur l’année. L’âge moyen de la patientèle s’élevait à 62,8 ans.
Des chiffres révélateurs, mais pas sans réserves
Bien que certains indicateurs du rapport datent, le Dr Vrolix estime que l’étude brosse un portrait « honnête et pertinent » de la profession. Il regrette toutefois certaines données publiées sur le chiffre d’affaires brut des cardiologues via les remboursements de l’Inami. Une transparence qu’il juge déplacée.