"Pourquoi la rémunération à l'acte est essentielle pour l'accès aux soins" ( Dr S.Ward )

Le récent article d'opinion publié dans De Morgen par quatre professeurs de médecine générale plaide en faveur d’une transition rapide et large vers un système de rémunération forfaitaire, en réponse aux prétendus « effets pervers » de la rémunération à l'acte. Dans cette tribune, le Dr Ward Sam s’oppose à la médecine forfaitaire et plaide pour la rémunération à l'acte, soulignant que les incitations sont cruciales pour garantir qualité et accessibilité des soins.

Bien que leurs préoccupations soient compréhensibles, un rejet systématique de la rémunération à l'acte est à la fois réducteur et potentiellement nuisible à la qualité, à l'efficacité et à l'accessibilité de notre système de santé. Voici pourquoi la rémunération à l'acte, lorsqu'elle est bien mise en place, présente des avantages indéniables par rapport à un système forfaitaire.

1. La rémunération à l'acte récompense l'engagement, la flexibilité et l'efficacité

Un médecin qui consulte davantage de patients, travaille plus rapidement ou s'investit dans les urgences doit être rémunéré en conséquence. La rémunération à l'acte reconnaît cet investissement, tandis qu'un système forfaitaire traite tous les médecins de la même manière, sans tenir compte de l’effort, de la complexité ou de la charge de travail. Cela a un effet démoralisant et entraîne une nivellation par le bas, où les médecins sont découragés de travailler davantage.

Les incitations fonctionnent. Cela est une évidence dans la plupart des secteurs. Pourquoi la santé devrait-elle en être l'exception ?

2. Les systèmes forfaitaires entraînent des délais d'attente, des soins plus lents et plus de bureaucratie

Prenons l'exemple du Royaume-Uni et de son National Health Service (NHS). Dans ce système entièrement financé et organisé de manière forfaitaire, les délais d'attente pour les consultations, examens et interventions sont souvent excessivement longs. Ce n'est pas à cause d'un manque de volonté de la part des médecins, mais parce que le système ne récompense pas un effort supplémentaire.

En 2024, le NHS a enregistré des délais d'attente records, avec des millions de patients en attente de soins. De nombreux médecins généralistes dans le NHS limitent leur emploi du temps à un nombre fixe de patients chaque jour, faute d’incitations à en consulter davantage. Le Portugal, qui fonctionne également avec un système forfaitaire dans le secteur public, connaît des problèmes similaires : surcharge, rigidité et privatisation croissante, car les médecins ne se reconnaissent plus dans un système qui ne valorise pas l’effort.

3. Les soins complexes nécessitent une approche sur mesure – la rémunération à l'acte le permet

L’argument selon lequel la rémunération à l'acte ne prend pas en compte les patients ayant des besoins complexes est erroné. Le véritable problème réside dans l’imperfection de l’organisation du système, et non dans le principe même de la rémunération à l'acte. Avec un modèle fee-for-service bien optimisé, où la durée, la complexité des cas et l'intensité des soins sont correctement rémunérées, il est tout à fait possible de récompenser des soins adaptés aux besoins des patients.

Les systèmes forfaitaires, en revanche, risquent de décourager la prise en charge des patients complexes, car ces derniers sont considérés comme « non rentables » dans le cadre d’un budget fixe, ce qui peut mener à une sélection des patients ou à une moindre implication des médecins.

4. Transparence et responsabilisation

La rémunération à l'acte rend les soins mesurables et transparents. Les actions sont clairement identifiables : ce qui a été fait, par qui et quand. En revanche, un système forfaitaire crée une sorte de « boîte noire », où les performances sont moins visibles et la responsabilisation s'amenuise. Dans un système de plus en plus soumis à des pressions publiques et politiques, cela représente un risque majeur.

5. Les abus ne sont pas une conséquence du système, mais du manque de contrôle

Se baser sur un seul témoignage anonyme concernant une opération de la hanche chez une patiente de 95 ans est une approche émotionnellement forte, mais insuffisante pour condamner un système tout entier. Des excès peuvent survenir, mais ils doivent être traités par le contrôle de la qualité, l’éthique médicale et des comités d’évaluation, et non par l’abolition du système dans son ensemble.

Il s'agit d'un faux dilemme : qualité ou performance. Nous pouvons et devons viser un système qui récompense à la fois la qualité et l'efficacité.

6. L'innovation et la motivation ne proviennent pas d’un salaire fixe

Dans un système forfaitaire, il y a moins de motivation à innover, à travailler plus longtemps ou à se former. En revanche, dans un système axé sur la rémunération à l'acte, les médecins s’adaptent plus rapidement aux nouvelles techniques, se spécialisent davantage et cherchent continuellement à offrir de meilleurs soins.

La dynamique de la compétition et de la performance incite les établissements de santé et les prestataires à toujours rechercher l'amélioration. Un système forfaitaire, lui, cherche plutôt la stabilité et la maîtrise des coûts, ce qui freine souvent l'innovation.

Conclusion

Plutôt que d'abolir la rémunération à l'acte, nous devons mettre en place des incitations intelligentes, fondées sur la qualité, la complexité et la productivité. Les soins de santé ne sont pas une simple activité productive, mais ils ne peuvent non plus être considérés comme un service gratuit. Les médecins méritent d’être rémunérés à la hauteur de leur engagement et de leur travail. Comme dans tous les secteurs, une rémunération basée sur l'acte est un principe logique et sain.

Le vrai défi n'est pas de choisir entre « plus d'argent pour plus d’actes » ou « un système juste ». Le véritable enjeu réside dans la création d'un modèle intégré qui motive les médecins, place les patients au cœur du système et lutte contre le gaspillage. Ce modèle inclura nécessairement des éléments de rémunération à l'acte.

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Derniers commentaires

  • André Verbeke

    01 avril 2025

    bravo Confrère: je pense exactement comme vous.
    Dr Verbeke.

  • Veronique De Blay

    31 mars 2025

    Rien à ajouter ! Tout le monde sait que la médecine fonctionnarisée n’a jamais apporté la qualité bien au contraire car elle est extrêmement démotivante . Le RU en est un très bon exemple .

  • Olivier DELAERE

    31 mars 2025

    Rien à redire. Parfaitement résumé. Merci ;-)

  • Freddy GORET

    31 mars 2025

    Absolument d accord avec cet avis pertinent

  • Alexandre Sarafidis

    31 mars 2025

    Tout à fait d’accord avec le Dr Ward .
    Je ne suis pas orthopédiste mais si une personne de 95 ans reste en bonne forme et a un âge physiologique moindre et sa hanche mériterait un traitement .: pour ma part il faut le traiter .
    Ce n est pas l’âge chronologique qui compte mais l état de santé de la personne
    Autrement on finira faire comme le NHS qui arrêtait la dialyse à 65 ans .. .