Selon le virologue Marc Wathelet, une liste d’évidences convergent pour indiquer que COVID-19 pourrait aussi se transmettre par aérosol. Pour lui “il est impératif d’avoir des mesures d’isolation beaucoup plus strictes.”
Les mesures d’isolation proposées aujourd’hui recommandent une distance d’au moins un mètre entre individus. Cette recommandation est basée sur un mode de transmission de COVID-19 par contact avec du matériel contaminé, et par gouttelettes générées lors d’une expectoration, ou par postillons, qui se produisent alors que deux personnes interagissent face à face. Sous l’influence de la gravité, ces gouttelettes tombent rapidement au sol, endéans le mètre.
Cette recommandation nous vient de l’OMS et est reprise sur le site de Sciensano, le site officiel pour les informations sur le nouveau coronavirus en Belgique.
Cependant, il y a une liste d’évidences qui convergent pour indiquer que COVID-19 pourrait aussi se transmettre par aérosol, et quand une transmission par aérosol peut se produire, il est impératif d’avoir des mesures d’isolation beaucoup plus strictes.
Un aérosol, littéralement une solution dans l’air, consiste en microgouttelettes qui sont si petites qu’elles restent en suspension dans l’air ou retombent beaucoup plus lentement que des postillons. Elles sont produites lors d’une respiration normale et cette production est accélérée en parlant ou encore plus en chantant.
Le danger des aérosols est qu’ils peuvent transmettre le virus sur de plus grandes distances et entre personnes qui n’interagissent pas face à face. Il faut donc des mesures encore plus strictes pour les virus qui se transmettent par aérosol.
Alors que la vue conventionnelle est que le virus SARS-CoV-2 responsable pour la maladie COVID-19 ne se transmet pas par aérosol, il me paraît clair que cette vue ne tient pas compte des observations qui suivent.
1) Il faut commencer par noter que la plupart des virus respiratoires peuvent se transmettre par aérosol.
2) SARS-CoV et MERS-CoV sont des exceptions parmi les virus respiratoires, il n’y avait que très peu d’évidence qu’ils pouvaient se transmettre par aérosol, sauf dans les quelques épisodes de super-contagion. Par exemple dans un avion, 22 personnes avaient été infectées par SARS-CoV en 2003 à partir d’un voyageur infecté, et la distribution des cas visualisés sur le plan des sièges dans l’avion favorise l’interprétation d’une transmission par aérosol. Ces évènements de super-contagion étaient rares pour SRAS et MERS.
3) Plus de 3.000 personnel médical infectés en Chine cette année. Toutes les images en provenance de Wuhan montrent le personnel avec de simples masques d’isolation et non pas de masques « canard » type N95 ou FFP2. La différence entre les deux types ? Les masques d’isolation protègent seulement contre les postillons, pas contre les aérosols. 3.000 cas pour un personnel médical conscient de travailler avec un dangereux virus et connaissant les procédures médicales spécifiques capables de créer un aérosol suggère que la transmission par aérosol était un facteur significatif dans la propagation du virus.
4) Dans l’âge des vidéos ubiquitaires, le gouvernement chinois a documenté deux incidents de transmission dans des marchés ouverts, où un individu était responsable de plusieurs contaminations. Dans un des marchés, l’interaction la plus courte n’a duré que 15 secondes et les deux individus étaient séparés par un étalage fruits légumes à une distance de plus de deux mètres. Dans l’autre marché, l’interaction la plus courte n’a duré que 50 secondes. La position du gouvernement belge entendue à la radio qu’on considère qu’il faut 4 heures de close proximité à l’école pour considérer une transmission possible ne tient certainement pas compte des évidences.
5) Un groupe d’épidémiologistes japonais calcule qu’une transmission sur deux est asymptomatique. La transmission asymptomatique dans une telle proportion, où l’individu ne tousse pas ou ne génère pas de sécrétion nasale, par définition, est un indicateur clair de transmission par aérosol.
6) La différence dans la présentation clinique des cas lors des épidémies de SRAS et MERS, et celle des cas COVID-19. On trouve plus de cas où les premiers symptômes sont pulmonaires pour COVID-19. Les infections respiratoires qui sont causées par postillons ou par surface contaminées commencent dans les muqueuses respiratoires supérieures parce qu’un postillon ne peut pas atteindre directement les poumons, il touche une autre surface d’abord, dans le nez, la bouche ou la gorge, et cette première infection peut alors descendre dans les poumons. La présence de plus de cas où les premiers symptômes sont pulmonaires pour COVID-19 est une autre indication que la transmission peut se faire par aérosol.
7) Les épisodes de super-contagion : quand une seule personne à Daegu en Corée du Sud peut infecter au moins 37 autres dans un seul épisode, c’est clair d’après la description de l’évènement qu’il ne s’agissait pas de 37 interactions face à face, mais bien de transmission par aérosol.
8) Le nombre de reproduction de base élevé de COVID-19 (R0 ~7, versus R0 ~2,5 pour SRAS) déterminé par trois groupes distincts d’épidémiologistes, en d’autres mots le fait que le nouveau coronavirus se dissémine avec une grande facilité, ne peut lui aussi que s’expliquer par une transmission qui comprend aussi le mode aérosol (les virus respiratoires avec un R0 au-dessus de 3 sont tous capables d’être transmis par aérosol).
9) Les expériences en laboratoire qui montre que l’agent étiologique de COVID-19, SARS-CoV-2, peut se maintenir en suspension dans l’air, en aérosol, pendant des périodes mesurées en heures [soumis pour publication : https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.03.09.20033217v2.full.pdf]. Les propriétés de SARS-CoV-2 sont très semblables à celles de SARS-CoV pour la formation et la stabilité de ces aérosols, mais l’affinité environ 10 fois supérieur de la protéine Spike de SARS-CoV-2, comparée à celle de Spike de SARS-CoV, pour le récepteur humain ACE2 est l’explication la plus plausible pour une transmission par aérosol plus efficace pour COVID-19 que pour SRAS.
L’affirmation par l’OMS que COVID-19 ne se transmet que par surface contaminée ou par gouttelettes qui tombent endéans le mètre, est l’affirmation d’une négation, et donc non scientifique d’un point de vue épistémologique : absence d’évidence n’est pas évidence d’absence.
Au contraire, le principe de précaution en médecine nous instruit de considérer la transmission par aérosol comme une possibilité pour un virus respiratoire, en l’absence d’évidences qui indiqueraient qu’elle n’a pas lieu !
Je laisse à chaque professionnel de la santé le soin de juger si les neuf points repris ci-dessus, considérés dans leur ensemble, soutiennent ou pas la proposition que la transmission par aérosol est un mode à considérer pour la propagation de COVID-19.
Ces observations sont à la base de ma recommandation du 12 février au SPF Santé, que tout le personnel de santé soit équipé de masques N95/FFP2. Ces masques sont efficaces contre les aérosols et devraient être porté avec tout patient, quelque soit la raison de sa présentation.
Les mesures d’isolation qui ne tiennent pas compte de ce facteur critique mettent ceux qui les appliquent en danger non seulement d’être infectés, mais aussi de devenir eux-mêmes des vecteurs de transmission.
Derniers commentaires
Michaël SCHAPIRA
17 mars 2020Mr Marc Wathelet a eu raison, il y a qques semaines au debut de la crise, il a dit a un "debat" RTBF qu'en CHINE le nombre de cas reels était de 900000-1 millions, la plupart asymptomatiques, cette affirmation fut directement consideree comme grotesque par un des experts "officiels"...une etude ce jour de calculs par le plus gd expert americain d'epidemiologie SHANNON et de l'imperial college de londres confirme ce chiffre. C'est une bonne nouvelle, la plupart des cas sont donc peu symptomatiques avec un% plus eleve que connu. En Chine. Le virus a-t-il mute? entretemps?
Michaël SCHAPIRA
17 mars 2020Article sorti ce jour ds le nejm sous lettre et accessible "free" donne raison a cette theorie! Aerosol et pdt 3 heures.
https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMc2004973?query=RP
Anne WEERENS
17 mars 2020Merci pour vos avis pertinents et vos principes de précaution . J'espère qu'on arrivera à les appliquer au mieux .
Dr Anne Weerens , anesthésiste
Marc DE SMEDT
17 mars 2020Tout a fait d'accord mais bien il y a un pas de géant entre la théorie et ce que l'on voit sur le terrain.
Ma fille est infirmière en réanimation, cad comme beaucoup en première ligne, et ils n'ont que de simples masques que l'on sait inefficaces.
Et l'on s'étonnera à un moment d'une pénurie de soignants alors qu'on les envoie au front comme à la boucherie. C'est criminel de la part de nos responsables...