Certes, la perspective d’un effort accru des pouvoirs publics en faveur de la profession si les médecins modèrent leurs prescriptions constitue déjà un pas dans cette direction, mais en Angleterre on a décidé de faire beaucoup mieux, ou plutôt pire, à cet égard.
Dans cinq régions en effet, rapporte Pulse Today, les médecins généralistes se verront offrir jusqu’à la moitié du montant des économies qui seront réalisées s’ils adressent moins de patients à l’hôpital et chez des spécialistes pour des problèmes non-urgents. Une forme de dichotomie inversée en quelque sorte.
C’est ainsi que dans une des régions concernées chaque cabinet – en Grande-Bretagne, la pratique de groupe est plus ou moins la règle - se verra remettre l’équivalent de 5,5 euros par patient s’il arrive à réduire de 10% les renvois chez des spécialistes ou à l’hôpital. Dans une autre, ce sont 50% des économies réalisées dont profiteront les MG en cas de diminution desdits renvois dans certains domaines.
Il est évidemment à peine utile de préciser ici que ces pratiques font l’objet de critiques parfois acerbes. Le président de la Family Doctor Association, qui les qualifie de « bizarres », estime que « du point de vue du patient, cela signifie que le généraliste est payé pour ne pas s’occuper réellement de lui. C’est un sérieux abandon de ses devoirs, dicté par des pouvoirs publics cherchant à équilibrer leurs comptes ». L’ancien président du Collège royal des médecins généralistes souligne de son côté que « l’on devrait s’inquiéter d’incitants qui ne sont pas dans le meilleur intérêt du patient ».
Le président du comité de médecine générale de la British Medical Association abonde dans le même sens et parle de plus d’économies basées sur des cibles arbitraires.
Même au sein du NHS (le système national de santé britannique) des voix s’élèvent pour contester de telles pratiques.
A peu près tous craignent que ce type d’incitants ne mine de façon irréversible confiance des patients dans leurs médecins. Une confiance qui est dans l’intérêt du patient bien plus que du médecin, car elle est essentielle pour le succès des traitements prescrits.
Si la pratique dénoncée ici représente un cas extrême dans le domaine de la recherche d’économies dans le secteur des soins de santé, elle pourrait ne constituer qu’une partie émergée de l’iceberg.
Les politiques de santé de nos pays, elles aussi de plus en plus centrées sur les économies à réaliser, risquent en effet de nous conduire droit dans le mur.